Obésité|
Nutrition
Comment les protéines coupent la faim
Une équipe de neurobiologistes français vient d’élucider le
mécanisme par lequel l’ingestion de protéines exerce un effet
coupe-faim. Cette découverte permet d’envisager une meilleure prise en
charge, voire un traitement, des patients obèses ou en surpoids.
Par
Yaroslav
Pigenet,
le
09/07/2012
Certains vendeurs de régime minceur en ont fait leur fonds de
commerce – souvent jusqu’à l’escroquerie – mais les faits sont là : un
repas riche en protéine entraîne une atténuation prolongée de la
sensation de faim. En analysant en détail les échanges entre le système
digestif et le cerveau initiés par les protéines alimentaires, l’équipe
de Gilles Mithieux, directeur de l’unité Inserm 855 « Nutrition et cerveau
» à Lyon, est parvenue à élucider les mécanismes biologiques
responsables de cet effet coupe-faim. Ces résultats viennent d’être
publiés dans la revue Cell.
Contre la faim, le tartare bat la frite
Le rôle des signaux hormonaux et nerveux émis par l’estomac et les
intestins dans la régulation de l’appétit est établi depuis longtemps.
On sait par exemple que la distension des parois de l’estomac, suite à
l’absorption de nourriture, entraîne la libération
de plusieurs hormones qui bloquent la sensation de faim. Gilles
Mithieux et ses collaborateurs ont voulu élucider un phénomène plus
spécifique mais bien connu : pour un apport équivalent en calories, on
se sent rassasié plus longtemps après un repas riche en protéine
qu’après un repas riche en glucides ou en lipides.
Protéines et peptides
Les protéines alimentaires, que l’on trouve majoritairement dans la
viande, le poisson, les œufs ou encore certains produits céréaliers,
sont constituées de longues chaînes d’acides aminés. Lors de la
digestion, ces chaînes sont découpées en fragments plus petits appelés
oligopeptides.
Quand l’intestin se sucre…
Des travaux antérieurs
ont montré que la sensation prolongée de satiété qui suit un repas
hyperprotéiné était probablement liée à la synthèse de glucose à partir
de protéines et de lipides présents dans l’intestin. On pensait jusqu’à
peu que ce mécanisme – appelé néoglucogenèse
– était réservé aux périodes de jeûne et se déroulait exclusivement au
niveau du foie ou des reins. Il est désormais établi que l’ingestion de
protéines déclenche, juste après les périodes d’assimilation des repas,
une néoglucogenèse au niveau de l’intestin.
Après la néoglucogenèse, le glucose passe dans la circulation
sanguine où il est reconnu par les glucorécepteurs qui tapissent les
parois des vaisseaux sanguins. À partir d’un certain niveau de
sollicitation, ces récepteurs envoient un signal inhibiteur aux centres
cérébraux de l’appétit. Ainsi, alors qu’au niveau du foie et des reins
la néoglucogenèse sert avant tout à alimenter les autres organes en
sucre, au niveau de l’intestin, elle délivre un message « coupe-faim » à
distance des repas, caractéristique des effets dits « de satiété ».
Une double boucle qui prolonge la satiété
Très récemment, un autre type de récepteur a été découvert sur la paroi de la veine porte ( le vaisseau qui transporte, de l’intestin au foie, le sang chargé des nutriments digérés) : les récepteurs mu-opioïdes (RMO)
portaux. Les RMO – que l’on retrouve en grande quantité au niveau du
cerveau, et qui sont surtout connus pour leur rôle dans les centres
cérébraux du plaisir et dans les effets antidouleur de la morphine –,
réagissent également à la présence d’oligopeptides issus de la digestion des protéines.
En étudiant le comportement spécifique de ces RMO portaux, Gilles
Mithieux et son équipe ont mis en évidence une double boucle
neurophysiologique qui accompagne la digestion des protéines et bloque
durablement la faim. Dans un premier temps, les oligopeptides acheminés
depuis l’intestin jusqu’à la veine porte agissent sur les récepteurs
mu-opioïdes ; ces récepteurs envoient alors un message, via le système
nerveux périphérique, vers le cerveau.
Dans un second temps, le cerveau renvoie un message-retour qui enclenche la synthèse de glucose dans l’intestin (néoglucogenèse). Ce glucose finit par atteindre la circulation sanguine, ce qui active les glucorécepteurs, entraînant l’envoi de messages « coupe-faim » vers les zones du cerveau contrôlant la prise alimentaire. La néoglucogenèse étant un mécanisme lent, l’effet de satiété perdure ainsi plusieurs heures après le repas.
Dans un second temps, le cerveau renvoie un message-retour qui enclenche la synthèse de glucose dans l’intestin (néoglucogenèse). Ce glucose finit par atteindre la circulation sanguine, ce qui active les glucorécepteurs, entraînant l’envoi de messages « coupe-faim » vers les zones du cerveau contrôlant la prise alimentaire. La néoglucogenèse étant un mécanisme lent, l’effet de satiété perdure ainsi plusieurs heures après le repas.
Gare aux régimes hyperprotéiques
L’identification des récepteurs mu-opioïde de la veine porte et la
caractérisation de leur rôle dans la néoglucogenèse intestinale permet
d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques dans le traitement du
surpoids et de l’obésité. L’objectif des chercheurs est donc désormais
de déterminer la façon d’agir sur ces récepteurs pour réguler
durablement la sensation de satiété.
Toutefois, s’il semble bien que les régimes « minceur » basés sur une alimentation hyperprotéique exploitent –de manière totalement empirique- le mécanisme élucidé par ces travaux, Gilles Mithieux affirme être « un adversaire des régimes (type Dukan et consors...) qui, pour des raisons scientifiquement établies, font perdre du poids rapidement, mais l'échec à long terme est quasi certain ». Car selon lui, « sollicités trop fortement, ces récepteurs peuvent devenir insensibles. Il faudrait donc trouver le meilleur moyen de les activer « modérément », afin de garder leur effet bénéfique à long terme sur le contrôle de la prise alimentaire ».
Toutefois, s’il semble bien que les régimes « minceur » basés sur une alimentation hyperprotéique exploitent –de manière totalement empirique- le mécanisme élucidé par ces travaux, Gilles Mithieux affirme être « un adversaire des régimes (type Dukan et consors...) qui, pour des raisons scientifiquement établies, font perdre du poids rapidement, mais l'échec à long terme est quasi certain ». Car selon lui, « sollicités trop fortement, ces récepteurs peuvent devenir insensibles. Il faudrait donc trouver le meilleur moyen de les activer « modérément », afin de garder leur effet bénéfique à long terme sur le contrôle de la prise alimentaire ».
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