Ce matin, j’ai regardé un reportage sur l’action des
chercheurs pour enrailler l’infection. C’est en Géorgie que vont certaines
personnes atteintes du staphylocoque doré pour soigner leurs plaies et arrêter
l’étendu du mal qui ronge le corps. Une bonne émission a visionner et à prendre
conscience que l’antibiotique n’est pas automatique
COMMENT VAINCRE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES ?
ÉMISSION DU 07/10/2016
Vous êtes médecin biologiste. Les antibiotiques marchent
de moins en moins bien. En France, plus de 12 000 personnes meurent chaque
année à cause de bactéries antibiorésistantes. C'est trois fois plus que le
nombre de morts sur la route. C'est quoi, ce phénomène ? « C'est
un phénomène naturel amplifié par l'usage des antibiotiques. On le rencontre
depuis des millénaires. Depuis un siècle, on a utilisé massivement dans la
nature, dans la médecine et l'élevage des antibiotiques. Malheureusement, les
bactéries se défendent. Elles développent des résistances. C'est pourquoi on
parle de bactéries multirésistantes ».
Quand on a une bactérie que les antibiotiques n'arrivent
pas à traiter, qu'est-ce qu'il y a, au bout ? Est-qu’il y a la mort ? «
Il y a de plus en plus de morts ».
Est-ce que cela va augmenter parce que les bactéries
prennent le dessus sur les laboratoires ? « Parce qu'on vit de
plus en plus vieux. Plus on vit vieux, plus on est sensible aux maladies. On a
alors davantage affaire à la médecine. On vous met des cathéters, des prothèses
et vous pouvez attraper des infections ».
Face à la prolifération de ces bactéries
multirésistantes, vous prôner la phagothérapie. Qu'est-ce que c'est ? « Une
thérapie antérieure à l'antibiothérapie. Elle existe depuis bientôt 100 ans.
Elle a été utilisée pendant une bonne vingtaine d'années et même davantage en
France pour traiter certaines infections. Il y a eu quelques échecs, mais il y
a eu beaucoup de succès ».
Avant que les antibiotiques n'arrivent, pour traiter les
bactéries ou les infections, utilisait-on la phagothérapie ? « Oui.
En fait, on revient à la nature. C'est un combat qui existe dans la nature et
partout, sur nous-mêmes et en nous-mêmes. Il y a des virus qui s'attaquent aux
bactéries pour se multiplier. C'est un phénomène tout à fait naturel ».
Y a-t-il des virus qui arrivent à tuer les bactéries
? « Une bactérie peut être multirésistante, mais des virus dans
la nature pourront quand même l'éliminer. Ça a été considéré comme une
alternative. Elle a émergé à partir du moment où on s'est dit qu'il y avait un
problème avec les antibiotiques ».
Comment trouve-t-on ces virus ? « Dans la
nature, dans l'eau de la Seine, par exemple. Il suffit de les isoler. Quand on
les a isolées, on les purifie, on les identifie, en les teste comme des
antibiotiques in vitro. On se rend compte que tel ou tel virus est actif contre
certaines bactéries ».
Sur Terre, il y a vraiment des pays qui pratiquent cette
forme de thérapie ? « On la pratiquait jusqu'à la fin des années
90 en France et l'Institut Pasteur de Paris. J'ai travaillé avec ces
instituts pour soigner les patients. Ensuite, ça a été abandonné, parce que les
antibiotiques étaient rois. On a abandonné cette technique un peu archaïque et
pas très facile à maîtriser du point de vue industriel. Certains pays qui
n'avaient pas cette culture industrielle, comme l'URSS, à l'époque, et tous les
pays satellites, comme la Géorgie... Tous les pays occidentaux collaborent
aujourd'hui avec ces pays ».
La phagothérapie revient à la mode, face à la faillite
des antibiotiques. Regardez l'exemple d'une Française qui avait une infection
au pied et dont les antibiotiques classiques n'arrivaient pas à venir à bout.
Elle a finalement évité l'amputation. La connaissez-vous ? « Oui,
car elle s'est adressée à moi. Je l'ai aidée avec des produits que je suis allé
chercher en Russie ».
Comment cela se passe-t-il ? Est-ce de l'eau avec le
virus ? « Tout à fait. C'est un liquide en suspension avec des
virus bactériophages. Elle avait un staphylocoque ».
Risquait-elle d'être amputée ? « C'est pour
ça qu'elle est venue me voir ».
Avez-vous dû aller jusqu'en Russie pour aller chercher le
virus ? « Non, j'en avais en réserve.
Ce n'est pas autorisé en France ? « Ce
n'est pas interdit, mais ce n'est pas autorisé non plus. Il est interdit
d'utiliser des produits qui ne sont pas »
Faut-il aller à Tbilissi, dans des cliniques qui
pratiquent ce genre de thérapie ? Tout le monde connaît Tbilissi. Il y a même
des associations en France qui se chargent d'aider les patients à aller là-bas
pour se faire soigner avec succès. « Je connais très bien les
Géorgiens. Je rapporte des bactériophages pour les patients de Russie ou de
Géorgie à chaque fois ».
N’y a-t-il pas des effets secondaires ? Quand on
s'inocule un virus, ce n'est jamais anodin. « C'est la question
piège. Il y a eu des millions de traitements, des centaines de millions de
traitements par le passé et il n'y a jamais d'effets secondaires. Le seul
risque, c'est que ce soit mal appliqué, mal indiqué. Ça peut arriver, mais il
n'y a aucun effet secondaire. Les bactériophages sont incapables de
s'introduire dans une cellule humaine ».
Les bactéries qui ont contourné les antibiotiques ne
vont-elles pas réussir à contourner vos virus ? « Bien sûr que
si. C'est un combat permanent. Si la bactérie devient résistante, on ira
chercher un autre virus dans la nature ».
C'est fantastique. C'est la médecine du XIXe siècle qui
guérit les maladies du XXIe. « On aurait dû continuer à les
utiliser en complémentarité des antibiotiques et non pas en alternative. C'est
mon cheval de bataille »
L'INVITÉ
ADRESSES UTILES
LIVRES
DES VIRUS POUR COMBATTRE LES INFECTIONS
Alain Dublanchet
237 pages. 20,30 euros.
Depuis 70 ans, la découverte des antibiotiques puis leur
développement avaient suscité un grand espoir dans la lutte contre les
infections bactériennes. Mais aujourd'hui, devant le développement inexorable
des résistances bactériennes aux antibiotiques, les impasses thérapeutiques
peuvent avoir des conséquences dramatiques. Sans compter qu'un nouveau chapitre
s'est ouvert avec les risques nosocomiaux qui peuvent concerner toute personne
hospitalisée. Une réplique doit être trouvée. L'une d'entre elles pourrait être
celle d'une pratique abandonnée et oubliée : la phagothérapie. Il y a plus de
90 ans, bien avant l'ère des antibiotiques, les infections bactériennes
faisaient des ravages et durant plusieurs décennies, la phagothérapie a semblé
répondre, au moins pour certaines infections bactériennes, à cette attente. Ce
traitement implique d'utiliser des phages, qui sont des sortes de virus, pour
combattre les bactéries. Avec l'aide du savoir-faire de certains instituts
étrangers, aujourd'hui accessible à la recherche occidentale, il n'est plus
utopique de mettre cette phagothérapie au service de la médecine moderne de
notre pays. Ce livre fait découvrir ou redécouvrir une thérapie éprouvée et
simple, qui a longtemps été négligée au profit des antibiotiques, et qu'il est
grand temps de réintroduire au vu du nombre de décès provoqués par des
bactéries résistantes aux antibiotiques.
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