La fin de la canneberge contre l'infection urinaire ?
Après de longs débats sur les effets bénéfiques de la
canneberge, une étude publiée le 27 octobre 2016 est catégorique : les
résultats ne sont pas probants ni sur son rôle préventif ni sur son efficacité
contre les infections urinaires.
Selon un essai scientifique du 27 octobre 2016, la
canneberge n'aurait aucun effet bénéfique probant sur les infections urinaires.
Ce n’était pas juste un conseil de grand-mère. La canneberge
était recommandée par le milieu scientifique pour prévenir les infections
urinaires avant que des doutes ne soient émis. L'étude publiée au JAMA le
27 octobre 2016 confirme qu’il va falloir laisser tomber le Cranberry. Les
chercheurs ont conduit un essai sur 185 femmes âgées (86 ans en moyenne)
résidant dans des maisons médicalisées (où les infections urinaires sont les
plus répandues selon l’étude) à qui ils ont administré soit des capsules de 72
mg de canneberge, soit un placebo pendant un an. Le résultat est catégorique :
il n’y a pas de différence significative sur la présence de bactéries dans
leurs urines.
Mais l'étude reste à prendre avec des pincettes. En
effet, 65% des échantillons d'urines prévus ont réellement pu être
collectés (certaines femmes étant devenues incontinentes) et la période
d'observance a été relativement courte. En outre, comme les femmes n'ont pas
été testées avant l'étude et pouvaient donc être porteuses de
bactéries, il n'a pas été possible de déterminer si les capsules
de canneberge n'étaient pas efficaces spécifiquement à titre préventif ou
à titre curatif. Les auteurs précisent que les capsules de
canneberge, seules utilisées dans le test, n'ont pas l'effet hydratant du
jus de canneberge alors que l'hydratation peut être un des éléments pour
réduire les infections chez les femmes âgées.
L'histoire de l'engouement scientifique pour la
canneberge ou l'imbroglio scientifique
Les vertus médicinales de la canneberge, dont le nom
scientifique est Vaccinium macrocarpon avaient déjà été préconisées contre
les troubles de la circulation sanguine, les maux d’estomac et du foie, et la
fièvre, et étaient utilisées par les Indiens d’Amérique.
S'agissant des
infections urinaires, c'est en 1914 que le jus de Cranberry avait été
recommandé pour ses qualités acidifiantes (et ainsi antibactériennes) sur
l’urine. Mais très vite il avait été démontré que même en ingérant jusqu’à 4
litres de cocktails de Cranberry, il n’y avait aucune
modification significative sur le PH urinaire.
Par la suite, la plante avait
été recommandée pour contenir des flavonoïdes, des anthocyanes et des
proanthocyanidines qui étaient prétendument capables de se fixer notamment sur
les bactéries Escherichia coli responsables des cystites et
les empêcher d'adhérer aux cellules de la vessie et de causer l'infection. Ne
bénéficiant pas de point d'ancrage, ces bactéries devaient alors être
naturellement éliminées par les voies naturelles.
Plusieurs
études avaient attesté que la consommation de cranberries en capsule
ou en jus permettait effectivement de réduire la fréquence des infections
urinaires chez des jeunes femmes mais également des femmes âgées. Des recherches en
juin 2016allaient encore en ce sens... Pourtant, dès
2012 des travaux concluaient à son absence d’efficacité en termes
de prévention du moins pour les jeunes femmes. Pour les femmes âgées, même
si certaines études concluaient déjà à l'absence d'effets bénéfiques que ce soit
en capsule ou en jus, une étude
plus récente attestait du contraire.
De leur côté, les autorités de santé européennes avaient
interdit les allégations santé sur les produits contenant de la
canneberge dès 2012. Et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de
l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) avaient
estimé que les
essais cliniques évaluant l'effet de la consommation de canneberge présentent
souvent des lacunes méthodologiques, en particulier des effectifs de sujets
limités et/ou l'absence de placebo. Elle a confirmé sa position en mai
2016. Il y a donc de quoi se mélanger les pinceaux : cranberries or
not cranberries ?
La fin d'un débat ?
Pour la chercheuse Lindsay Nicolle, dont l'avis a
été publié en même temps que l'étude, c'est le non qui doit l'emporter
: "Cette réputation de la canneberge pour prévenir les infections
urinaires, relayée par les médias, est incompatible avec les nombreuses
recherches qui démontrent son inefficacité et les lacunes de celles
ayant obtenu des résultats positifs". Selon elle, "il est donc
temps de se pencher sur de nouveaux inhibiteurs d'adhérence ou
interventions immunologiques. Les recherches devraient identifier et
évaluer d'autres agents antimicrobiens". Heureusement, aucune étude
n'a encore préconisé d'arrêter la consommation de canneberge pour le simple
plaisir, donc les amateurs peuvent continuer en toute sécurité !
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