Lutte
contre les trafics d'armes
12e législature
Question écrite n° 18530 de M. Philippe
Goujon (Paris - UMP)
publiée dans le JO Sénat du 07/07/2005 - page 1800
M. Philippe Goujon appelle l'attention de M. le ministre
d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur la
question de la lutte contre les trafics d'armes. A la suite de l'affaire
récente de La Courneuve au cours de laquelle un enfant de onze ans a été tué
par balles lors d'une dispute entre les membres de deux familles rivales, il
s'inquiète de l'apparente facilité avec laquelle les caïds des cités se
procurent des armes, y compris de gros calibre. De même, la récente saisie, par
la police, de 100 kilogrammes de Semtex dans un camion en provenance de Bosnie
ainsi que de 3 kilogrammes du même explosif dans la voiture d'un ancien
officier serbe, laisse présager un trafic très important et des réseaux très
organisés. Il apparaît que ces explosifs ainsi que la plupart des armes à feu
circulant sous le manteau dans notre pays sont originaires des Balkans, région
dans laquelle la criminalité est organisée en réseaux qui approvisionnent en
armes le banditisme et le terrorisme. S'il se félicite de l'excellent travail
des services de police qui a permis ces prises exceptionnelles, il s'inquiète
de l'importance du trafic que de telles prises font apparaître au grand jour et
des conséquences incalculables qui pourraient découler de la circulation
d'explosifs et d'armes de guerre. Il souhaite donc savoir quelles sont les
mesures envisagées afin de lutter non seulement contre l'origine étrangère de
ces trafics mais également contre les filières nationales, notamment des «
pseudo-collectionneurs », auprès desquelles des particuliers ont la possibilité
de se fournir en armes de toutes sortes.
Réponse du Ministère de l'intérieur et de l'aménagement
du territoire
publiée dans le JO Sénat du 17/11/2005 - page 2999
La lutte contre le trafic des armes est une priorité
gouvernementale car il porte gravement atteinte à l'ordre public tout en
fournissant des moyens à de nombreuses formes de criminalité et de délinquance.
Cette lutte est coordonnée par l'office central pour la répression du trafic
des armes, explosifs et matières sensibles (OCRTAEMS) qui est rattaché à la
direction centrale de la police judiciaire. Ce service est chargé d'animer et
de coordonner la lutte contre les infractions relatives à la fabrication, la
détention, le commerce et l'emploi illicite d'armes, de munitions, de produits
explosifs et de matières sensibles (nucléaires, biologiques, chimiques). La
problématique de l'armement criminel en France ne se limite pas aux armes de
guerre en provenance des Balkans. En effet, une partie des armes à feu sont
découvertes ou saisies soit à l'occasion d'enquêtes portant sur des faits de
banditisme ou encore à caractère terroriste, soit de manière incidente lors de
perquisitions, soit à l'occasion de contrôles ou fouilles réalisées à l'entrée
du territoire national sur les personnes ou dans les véhicules. D'autre part,
la dérive de certains collectionneurs doit être signalée. L'OCRTAEMS a ainsi
révélé, au travers d'une série d'affaires dans le milieu périphérique des
amateurs d'armes, collectionneurs et tireurs sportifs, un véritable commerce
parallèle d'armes. Des armes à feu achetées dans le milieu du tir sportif, via
ces négoces de gré à gré, ont été retrouvées sur des scènes de crime. L'office
a également été amené à analyser le phénomène des bourses aux armes au sein
desquelles s'effectuent de nombreuses transactions irrégulières. Depuis une
décennie, de 10 000 à 15 000 armes sont saisies chaque année en France. Depuis
2002, année de sa réactivation, l'office a procédé à l'interpellation de 138 personnes
(dont 70 depuis l'année dernière) et à la saisie de 1 363 armes de poing, 1 526
armes longues, près de 900 000 munitions de calibres divers, 144 kilogrammes
d'explosifs, 340 mètres de mèche lente, 483 détonateurs et 2 678 grenades. Les
groupes d'intervention régionaux (GIR) ont contribué, depuis leur création, à
la saisie de 876 armes dont 299 en 2004. Il s'agit principalement d'armes
découvertes lors d'opérations de démantèlement de réseaux de trafic de
stupéfiants et de recel. Actuellement, un fichier national des personnes
interdites d'achat ou de détention d'armes est en cours de création. Il viendra
utilement compléter le fichier « AGRIPPA » qui recense tous les détenteurs
légaux d'armes sur le territoire national. Afin de renforcer les moyens de
prévention et de répression des infractions relatives à la législation sur les
armes, l'ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie
législative du code de la défense est venue codifier le régime des armes et
munitions qui était régi par l'ancien décret-loi du 18 avril 1939. Ce
dispositif a intégré les modifications introduites par la loi n° 2003-329 du 18
mars 2003 sur la sécurité intérieure (LSI). Désormais, les agents habilités de
la police et de la gendarmerie nationales peuvent consulter les traitements
automatisés de données personnelles, renseignés dans le cadre des enquêtes
judiciaires, pour les besoins de l'instruction des dossiers relatifs aux armes
(demandes d'autorisation ou renouvellement d'autorisation d'acquisition ou de
détention d'armes, examen des déclarations de détention d'armes). L'article L.
2336-1 du code de la défense prévoit que l'acquisition d'armes de Sème
catégorie et de certaines armes de 7e catégorie est subordonnée à la
présentation au vendeur, par l'acquéreur, d'un permis de chasse ou d'une
licence de tir en cours de validité. La production d'un certificat médical, par
toute personne sollicitant la délivrance ou le renouvellement d'une
autorisation d'acquisition ou de détention d'arme, est spécifiée par l'article
L. 2336-3 du code de la défense. Un certain nombre de décrets d'application
sont en cours d'élaboration. Ils concernent notamment le refus de délivrance
d'autorisation d'acquisitions d'armes pour les personnes condamnées ou dont
l'état physique ou psychique est incompatible avec la détention de tels
matériels, et le domaine des armes de collection. En application de l'article
226-14 du code pénal, les professionnels de la santé ou de l'action sociale,
bien que soumis au secret professionnel, ont la possibilité de signaler à
l'autorité préfectorale les personnes armées dangereuses pour elles-mêmes ou
pour la société sans encourir de sanction pénale ou disciplinaire. De plus, la
LSI a pérennisé les dispositions de l'article 23 de la loi n° 2001-1062 du 15
novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne (LSQ), qui autorisent, entre
autres, sur réquisition du procureur de la République, la visite des véhicules
aux fins de recherche et de poursuite des infractions en matière d'armes et
d'explosifs (art. 78-2-2 du code pénal). En outre, la loi n° 2004-204 du 9 mars
2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a
introduit, dans le code de procédure pénale, les articles 706-80 et suivants.
Les officiers de police judiciaire peuvent dorénavant procéder à des opérations
de surveillance des personnes contre lesquelles il existe une raison plausible
de les soupçonner d'avoir commis un délit en matière d'armes. Par ailleurs, des
opérations d'infiltration peuvent être menées dans le cadre de l'application
des dispositions des articles 706-81 et suivants du code de procédure pénale.
Egalement chargé d'appréhender les phénomènes liés aux armes, aux substances
explosives et aux matières sensibles, 1'OCRTAEMS est associé aux réflexions sur
ses domaines de compétences. C'est ainsi qu'il est amené à siéger dans des
instances nationales comme les commissions de classement des armes ou, depuis
peu, des explosifs. Il participe également, avec ses voisins européens objets
de menaces similaires, à des réunions de coordination de la lutte contre les
trafics d'armes en provenance des balkans. Dans le même ordre d'idée, il est
étroitement associé à des réflexions relatives au contrôle des explosifs afin
de prévenir et de lutter contre le terrorisme dans le cadre des réunions du
groupe d'experts du G5. Ces travaux ont immédiatement trouvé leur application
puisque ces aspects de sûreté seront pris en compte dans les décrets qui
paraîtront durant l'été. L'OCRTAEMS a été désigné « point de contact » pour la
France, dans le cadre de la mise en place programmée d'un « réseau d'alerte
précoce » (EWS) reliant les pays membres du G5. Ce système novateur prévoit
qu'un avis immédiat soit transmis aux Etats associés en cas de vol,
détournement ou perte significative d'armes de guerre, explosifs, matières
nucléaires, radiologiques, chimiques ou bactériologiques. Cette action
internationale concertée est nécessaire. Dans cette optique, un renforcement
des dispositifs de contrôle aux frontières (notamment aux frontières extérieures
de l'Union européenne) est indispensable, l'OCRTAEMS y travaille en liaison
avec ses partenaires européens et internationaux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire