lundi 18 mai 2015

L’effarant témoignage d’enseignants confrontés à la misère de leurs élèves

L’effarant témoignage d’enseignants confrontés à la misère de leurs élèves


À l’école Valmy du Havre, les professeurs observent que, pour beaucoup de parents, « la fin du mois commence le 10, les gens mettent des T-shirts dans les trous du plancher pour que les rats ne rentrent pas, certains enfants nous disent : à quoi ça sert d’apprendre, plus tard je serai chômeur ».
Dans son rapport sur la « grande pauvreté et réussite scolaire » publié ce mardi, une enquête menée dans dix académies, Jean-Paul Delahaye, l’ancien directeur général de l’enseignement scolaire formule 68 recommandations. Mais c’est d’abord la multitude de témoignages bouleversants des professeurs confrontés de plein fouet à cette misère que l’on retient. Une situation aggravée par la crise économique.
En France, sixième puissance économique mondiale, 1,2 million d’enfants, soit un enfant sur dix, sont des enfants de familles pauvres. Une famille est considérée comme pauvre quand son revenu mensuel est inférieur à 1739 euros (soit la moitié du niveau de vie médian) pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans, explique le rapport. En voici quelques extraits.
Des élèves qui ont faim, qui volent des goûters, qui font des réserves de pain
Dans des écoles de Stains (Académie de Créteil), on explique que « pour un enfant, une matinée le ventre vide jusqu’à 12h30, c’est long et cela peut compromettre l’investissement de l’élève dans son travail scolaire ; malgré le coût des repas réduits, pour certaines familles, c’est encore trop, les enfants ne mangent pas à la cantine mais ne mangent pas correctement chez eux ».
Même constat à Nancy et à Maxéville ou à Arras où « des enfants ont faim et l’expriment spontanément ou se manifestent par des vols réguliers de goûters. Certains énoncent spontanément le fait de ne pas avoir déjeuné le matin. Face à certaines situations et difficultés observées, la directrice invite les familles à inscrire l’enfant à la cantine (prix du repas 70 cts d’euros) en utilisant des moyens de contournement et promouvant le fait d’être avec ses camarades ».
Dans une cité scolaire de Metz, les impayés de cantine se montent à 15 000 euros pour plusieurs dizaines de familles et le nombre, dit un proviseur, a triplé en 10 ans. Les enseignants d’une école de la Somme en éducation prioritaire remarquent que « les régimes « mono-aliment » sont souvent révélateurs d’un grand état de pauvreté.


L'effarant témoignage d'enseignants confrontés à la misère de leurs élèves


La France compte 1,2 million d'enfants vivant dans la précarité.
Des enfants sans chaussettes l'hiver, qui dorment dans des squats, ne mangent pas à leur faim... Un rapport dévoilé ce mardi raconte la détresse à laquelle sont souvent confrontés les professeurs.
À l'école Valmy du Havre, les professeurs observent que, pour beaucoup de parents, «la fin du mois commence le 10, les gens mettent des T-shirts dans les trous du plancher pour que les rats ne rentrent pas, certains enfants nous disent: à quoi ça sert d'apprendre, plus tard je serai chômeur».
Dans son rapport sur la «grande pauvreté et réussite scolaire» publié ce mardi, une enquête menée dans dix académies, Jean-Paul Delahaye, l'ancien directeur général de l'enseignement scolaire formule 68 recommandations. Mais c'est d'abord la multitude de témoignages bouleversants des professeurs confrontés de plein fouet à cette misère que l'on retient. Une situation aggravée par la crise économique.

En France, sixième puissance économique mondiale, 1,2 million d'enfants, soit un enfant sur dix, sont des enfants de familles pauvres. Une famille est considérée comme pauvre quand son revenu mensuel est inférieur à 1739 euros (soit la moitié du niveau de vie médian) pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans, explique le rapport. En voici quelques extraits.

Des élèves qui ont faim, qui volent des goûters, qui font des réserves de pain

Dans des écoles de Stains (Académie de Créteil), on explique que «pour un enfant, une matinée le ventre vide jusqu'à 12h30, c'est long et cela peut compromettre l'investissement de l'élève dans son travail scolaire ; malgré le coût des repas réduits, pour certaines familles, c'est encore trop, les enfants ne mangent pas à la cantine mais ne mangent pas correctement chez eux».
Même constat à Nancy et à Maxéville ou à Arras où «des enfants ont faim et l'expriment spontanément ou se manifestent par des vols réguliers de goûters. Certains énoncent spontanément le fait de ne pas avoir déjeuné le matin. Face à certaines situations et difficultés observées, la directrice invite les familles à inscrire l'enfant à la cantine (prix du repas 70 cts d'euros) en utilisant des moyens de contournement et promouvant le fait d'être avec ses camarades».

Dans une cité scolaire de Metz, les impayés de cantine se montent à 15 000 euros pour plusieurs dizaines de familles et le nombre, dit un proviseur, a triplé en 10 ans. Les enseignants d'une école de la Somme en éducation prioritaire remarquent que «les régimes «mono-aliment» sont souvent révélateurs d'un grand état de pauvreté.
Des témoignages de chefs d'établissement signalent que certains élèves prennent beaucoup de pain à la cantine le vendredi, afin de faire des réserves pour le week-end. Dans cet établissement de l'Académie de Grenoble, «des repas copieux avec féculents sont servis le lundi car beaucoup d'élèves ne prennent pas de repas structuré le week-end et le jeudi car l'existence d'un forfait 4 jours fait que certains élèves n'ont pas de repas structuré du mardi midi au jeudi midi. Les rations servies ces jours sont importantes et il n'y a guère de restes».

Ces quartiers de «non blancs»

Dans une école du centre de Saumur, qui accueille une forte proportion d'élèves de familles demandeurs d'asile, d'allophones et de gens du voyage, les enseignants décrivent ainsi leur situation: «Il n'y a plus de mixité ici, on est dans un autre monde». Comme le précisent les personnels d'écoles visitées au Havre, les familles d'ouvriers «ont peu à peu quitté le quartier, laissant la place à des familles en plus grande détresse sociale: femmes seules avec un ou plusieurs enfants et immigration. Il nous semble que le quartier s'est paupérisé lors des quinze dernières années. Actuellement certains de nos élèves vivent dans des squats sans eau, sans électricité ; une autre partie de la population vit dans des logements insalubres. La destruction du foyer Sonacotra et l'arrivée massive dans des squats de familles non francophones nous a fait perdre certains élèves issus d'une immigration traditionnelle remplacée par une immigration clandestine et l'arrivée d'immigrés issus de pays européens en crise».
Les ghettos sont aussi ethniques, comme dans des écoles des quartiers nord de Marseille où les seules personnes non issues de l'immigration sont essentiellement les personnels de l'éducation nationale. Si l'on considère divers quartiers dont nous avons une connaissance directe, on observe en effet dans les rues, les écoles, les centres sociaux, les commerces, les transports qu'une large part de la population est d'origine immigrée, et/ou composée de «non-Blancs». Cette réalité, trop souvent sous-estimée par une partie des élites et des sociologues, est toutefois omniprésente dans l'expérience et le discours des habitants des cités. Un tel décalage participe ainsi au sentiment de ces derniers d'être parqués dans des «ghettos».

La précarité des conditions de logement: marchands de sommeil, locaux insalubres…

Dans une ville de Seine-Saint-Denis, les enseignants observent comme indices de pauvreté: «les adresses communes à plusieurs familles, les factures de cantine, l'absence de papiers, des difficultés à se tenir aux horaires de rentrée. On trouve des situations irrégulières (squat de marchands de sommeil, sous location, locaux insalubres…).
Dans un collège de Thionville, «plusieurs familles qui sont originaires d'un même pays résident à la même adresse,jusqu'à 22 personnes dans un F2».
Comment un enfant peut-il bien apprendre à l'école quand il est hébergé à l'hôtel avec 6 personnes de sa famille dans une pièce de 15m2? La plupart de ces hébergements collectifs peuvent être considérés comme surpeuplés et privés de confort. Par exemple, dans 21 % des cas, il n'est pas possible de cuisiner ni dans les parties privatives ni dans les parties collectives de l'hébergement. Quelque 41 % de ces enfants doivent partager le même lit qu'un de leur parent.

L'école comme refuge

Cet exemple dans une école de l'académie de Créteil est révélateur: «Pas d'absentéisme,mêmes malades les enfants viennentcar ils vivent dans de meilleures conditions d'accueil à l'école que dans leur logement: Il y a un lieu d'accueil près du bureau du directeur avec un lit pour les deux écoles». L'école est devenue un refuge. Les écoles d'Aulnay-sous-Bois le vivent quotidiennement: «L'école est devenue le seul service public dans certains quartiers. Il y a une méconnaissance des services sociaux. Les familles trouvent refuge à l'école, en premier lieu car ils «ont confiance». L'école est à leurs yeux le service de proximité en capacité de leur fournir une aide adaptée. Ils n'osent pas ou plus pousser la porte du service social car il y a trop souvent des craintes (dues à une méconnaissance de ce service): placement des enfants, expulsion…».

Des problèmes de santé

Des enfants et des adolescents de familles en situation de précarité ont des problèmes de santé non résolus et de très grandes disparités existent dans l'accès aux soins. Parmi les innombrables témoignages, celui d'une principale d'un collège de Seine-Saint-Denis: «Nous constatons que de nombreux enfants n'ont aucune hygiène de vie: pas de petit déjeuner, peu de sommeil (10 % arrivent en retard le matin), un manque d'hygiène corporelle, aucune activité physique (plus d'un quart de nos élèves sont en surcharge pondérale)».
Dans les écoles REP du Havre visitées par la mission, 40 % des caries dentaires ne sont pas soignées. Les médecins de l'Éducation nationale et les infirmières témoignent que le lundi est un jour très chargé car les jeunes viennent se faire soigner à l'école, n'ayant pu le faire le week-end. En zones urbaines comme en zones rurales, on est «souvent dans l'urgence, on oriente vers». En outre, ces familles, sans ressources, n'ont pas souscrit de mutuelle et sont souvent dans l'impossibilité de faire face à l'achat de lunettes, aux soins dentaires.

Des enfants sans chaussettes et parfois sans chaussures

Les services de la vie scolaire des établissements de l'académie de Nancy-Metz repèrent les enfants en état de grande pauvreté à plusieurs signes. «Les absences/retards, les bourses, le recours aux fonds sociaux (mais aussi de cantine), les impayés. L'aspect vestimentaire dégradé ou inadapté aux saisons, l'hygiène et la santé. Il est également question des informations liées à des déménagements fréquents et/ou à des changements récurrents de coordonnées.
Outre l'absence et le mauvais état du matériel scolaire, la difficulté voire l'impossibilité à obtenir une attestation d'assurance scolaire peut aussi être significative. Le comportement global d'un élève peut également constituer un indicateur: son isolement par rapport aux autres, mais aussi son inhibition voire sa visible tristesse.
Une équipe d'école maternelle de Seine-Saint-Denis le confirme, «les vêtements de remplacement (distribués en cas de fuite urinaire ou souci gastrique) ne sont pas restitués par les familles» mais conservés et utilisés comme vêtement principal, et «le repas pris à la cantine constitue souvent le seul apport nutritionnel de la journée. De nombreux enfants viennent à l'école sans chaussettes et parfois sans chaussures (chaussons) même en hiver».

Propositions du rapport

Pour remédier à «l'incompréhensible effondrement des crédits destinés aux fonds sociaux» observé sur le terrain, divisés par deux en dix ans, Jean-Paul Delahaye préconise d'augmenter et de sanctuariser les fonds sociaux des établissements scolaires à leur niveau de 2001 (70 M€) afin de «réduire l'impact des difficultés rencontrées par les enfants des familles pauvres et faciliter ainsi leur vie quotidienne à l'école».
L'ancien directeur général de l'enseignement scolaire, artisan de la réforme sur les rythmes scolaires menée par Vincent Peillon accuse le système scolaire: «Si, en dépit des réformes conduites , les inégalités sociales pèsent encore autant sur ledestin scolaire de la jeunesse de notre pays , c'est que l'échec scolaire des plus pauvres n'est pas un accident. Il est inhérent à un système qui a globalement conservé la structure et l'organisation adaptées à la mission qui lui a été assignée à l'origine: trier et sélectionner.»
Il examine les marges de manœuvre budgétaires à explorer pour «engager un effort supplémentaire de solidarité» et propose par exemple de «réaffecter une partie des économies réalisées» par la suppression du redoublement au financement «d'actions pédagogiques d'accompagnement des élèves les plus en difficulté».
Il suggère de concentrer les moyens disponibles en direction des écoles primaires, de mieux doter les collèges et lycées qui accueillent des élèves en difficultés sociales. Et de diminuer les effectifs des classes des écoles primaires et ses collèges en REP +, ceux qui accueillent le plus d'enfants en difficulté.

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