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La méthode TIPI
Les émotions sont désormais reconnues comme des facteurs
importants de notre état de santé. Certaines peuvent devenir récurrentes, au
point de paralyser le quotidien et, à terme, de provoquer des pathologies. Pour
ne plus les subir, une nouvelle approche sensorielle semble prometteuse : la
méthode TIPI.
La liste des peurs et angoisses qui encombrent l’humain est
longue comme un dimanche de pluie. Elles peuvent se manifester de multiples
façons, parfois irrationnelles et complexes : colère, jalousie, dépression,
peur des araignées, de la foule, de parler en public... Angoisse de choisir, de
voyager, d’être trompé, d’être quitté, de finir quelque chose, de s’engager, de
se dévoiler, de compter pour quelqu’un... Si un grand nombre nous animent sans
trop faire de dégâts, d’autres deviennent handicapantes, voire pathologiques.
Freud et ses héritiers d’un côté, psychothérapeutes de diverses obédiences
tendances thérapies courtes de l’autre, ne suffisent pas toujours à réguler ou
annihiler ce qui nous mine. Sans compter tous ceux qui se refusent à aller voir
un psy pour évoquer un handicap émotionnel. Vous les entendrez souvent
argumenter : "Je ne suis pas fou", "Ce n’est pas pour moi",
"Je ne me vois pas payer pour parler de moi", etc.
C’est à eux en priorité que s’adresse une toute nouvelle
méthode, la TIPI, pour technique d’identification sensorielle des peurs
inconscientes (rien à voir avec les Indiens). Elle est aussi dédiée à tous ceux
qui sont convaincus que le corps à la possibilité d’engrammer nos souvenirs, ou
à ceux qui sont à la recherche d’une méthode concrète, efficace et rapide pour
appliquer le principe de plus en plus à la mode du lâcher-prise de l’être zen,
si cher aux préceptes de sagesse. Observer, sans s’identifier, ni s’attacher à
ce que l’on traverse.
Mémoire corporelle
La méthode TIPI ne suppose pas que l’on s’attarde sur une
analyse mentale des problèmes dont on veut se débarrasser. Ici, nul besoin de
contexte détaillé, de tenants et aboutissants familiaux, ou de liens
psychologiques à faire. Au contraire, un lâcher-prise mental s’impose. Il est
cependant important d’identifier au moins une situation précise à l’origine de
l’émotion non désirée. Car le travail se fera autour des sensations physiques
qui l’accompagnent.
Une singulière approche, car comme le souligne Luc Nicon,
fondateur de cette méthode, "nous ne sommes pas habitués à nous attarder
sur ce que nous ressentons physiquement quand une émotion nous submerge.
D’autant moins en situation thérapeutique où le patient aura tendance à ne se focaliser
que sur les mots, à verbaliser et commenter mentalement des informations sur
une situation traumatique pour les rendre dicibles, les appréhender avec la
parole. TIPI ira exclusivement solliciter la mémoire du corps, sans passer par
le cortex cérébral".
En quatre étapes
Une séance de TIPI avec un thérapeute se déroule en quatre
phases. D’abord, définir clairement ce dont on veut se débarrasser, ce qui nous
gâche la vie, ce qui nous fait peur. La liste des réponses possibles est
variée. Et les niveaux d’inconfort très différents : peur de prendre un avion,
de demander une augmentation, de se mettre dans des colères noires face à ses
enfants, son conjoint, sa mère ou même les embouteillages, paniquer à l’idée de
prendre la parole en public, mais aussi angoisses de ne pas savoir choisir, de
s’engager, de perdre le contrôle de soi ou tout simplement de mourir.
Ensuite, on retournera sensoriellement dans un souvenir
précis lié à cette émotion: "C’est là que l’essentiel va se faire, insiste
Luc Nicon, la personne est invitée à plonger dans les sensations que cette
situation enclenche dans les moindres détails." La gorge nouée, le souffle
court, les jambes coupées, les mains moites sont des sensations qui viennent
facilement. Mais chacun affinera. Des torsions peuvent être ressenties dans le
ventre ou les membres, le rythme cardiaque peut changer, une sensation de soif
peut apparaître. Ici, ça pique, là ça tire, là ça gonfle. Le champ des
possibles est vaste. "Tout est à vivre, sans retenue et sans peur",
affirme le spécialiste qui, après des milliers de témoignages, n’a jamais eu à
enregistrer de conséquences ou d’effets secondaires néfastes.
Cette exploration insolite, yeux clos, pendant laquelle le
sujet est plongé dans un état de semi-hypnose, dure entre quelques secondes et
moins de trois minutes seulement. Mais cela suffirait pour provoquer une sorte
de court-circuit dans la mémoire du corps à l’origine du trouble émotionnel.
Enfin, après un court moment de repos, on est invité à retourner dans la situation
désagréable qui a été le point de départ de la séance. Pour tester et
constater, dans la plupart des cas, que le ressenti émotionnel n’est absolument
plus de la même nature.
Des fondements scientifiques
Pour simple qu’elle apparaisse, la méthode a toutefois été
mise au point à partir d’une série d’études pointues sur la biologie et la
neurologie des peurs racines, colonne vertébrale de la méthode. Luc Nicon admet
que la mémoire émotionnelle, comme toutes les autres, a une capacité
d’autoguérison dans la plupart des cas. Mais il y a des traumatismes qui
s’incrustent, amenant nos cellules à répéter à l’envi des réactions excessives.
Or, à l‘issue d’années d’études et d’expériences sur des centaines de cas, il a
abouti à la conclusion que "toute émotion perturbatrice a pour origine la
peur, et singulièrement la peur de mourir. Un souvenir non conscient, engrammé
dans les cellules, le plus souvent remontant à la période fœtale ou lors de la
naissance, qui a fait qu’on a eu quelques instants une perte de conscience".
Cette dernière peut avoir été provoquée par une asphyxie, un
mini-infarctus, une déshydratation ou une mauvaise nutrition. Or Nicon a pu
constater qu’en faisant revivre sensoriellement cette perte de conscience,
pleinement, sans intervenir, on arrive à déclencher une forme d‘électrochoc sur
le système qui va réguler une mémoire encombrante et changer des comportements
ou des pensées non appropriées à l’"ici et maintenant".
Conseiller en pédagogie à l’origine, puis formé en
autodidacte aux avancées de la neurobiologie, Luc Nicon, auteur de deux
ouvrages expliquant son approche, est le premier à réclamer plus d’études sur
le protocole qu’il a mis au point. Reste que des travaux scientifiques divers
viennent déjà étayer une partie de sa technique, notamment ceux autour des
multi-embryons. Lorsqu’un embryon ne survit pas dans le cas d’une grossesse
gémellaire, on sait aujourd’hui que le survivant conserve en mémoire les traces
des perturbations vécues in utero. Mais là où la psychologie classique s’attachera
aux troubles émotionnels répercutés sur l’adulte (par exemple la peur de
l’abandon, la difficulté à couper, etc.), la TIPI ne travaillera que sur les
sensations physiques (être tiré ou absorbé par l’autre, être empoisonné par les
restes de l’embryon voisin qui se décompose, manquer d’air, etc.). On leur
permettra d’émerger authentiquement, sans le filtre du cortex cérébral
développé ultérieurement. Même logique quand la perte de conscience, et donc
l’origine d’émotions perturbatrices, a eu lieu lors d’un accouchement, à partir
d’un cordon ombilical enroulé par exemple.
Méthode courte
Connaître les bases théoriques de l’approche n’est
absolument pas nécessaire au travail. Bien au contraire, puisqu’on invite le
mental à un total lâcher-prise pour laisser le corps vivre des sensations « en
pleine conscience ». Une ou deux séances sont censées suffire à se débarrasser
d’une émotion ou d’une autre. Et le même protocole peut être repris pour une
autre situation perturbatrice.
D’autant que des formations courtes d’auto-TIPI sont
proposées. "Les professionnels formés font au total environ 5 000 séances
par mois, depuis six ans, et quand la séance est réussie, dans 90 % des cas,
les émotions sont régulées définitivement", s’enthousiasme Luc Nicon. Dans
l’attente d’une réponse scientifique pour mieux comprendre les mécanismes
neurologiques et chimiques qui perturbent notre psyché, pourquoi faudrait-il
avoir peur de tester pareil outil ?
Une séance TIPI sous conditions
La méthode TIPI s’adresse à un large public, à condition de
respecter quelques règles de base.
• Poser clairement l’objectif de se débarrasser d’une
émotion qui encombre ; elle peut n’avoir été ressentie qu’une seule fois, ou au
contraire, se répéter, même si on ne travaillera qu’à partir d’un souvenir précis.
• Accepter de jouer le jeu d’une plongée sensorielle, sans
résistance, sans commentaire intérieur et sans intervention. En clair, se
mettre dans un état de total lâcher-prise pour ne pas altérer la séance.
• Venir avec un souvenir précis d’une difficulté
émotionnelle, et non pour une douleur physique ou une maladie. Les troubles
physiques ou chroniques (maux de dos, migraines, acouphènes, allergies...) ne
sont a priori pas les bienvenus. Idem pour les troubles obsessionnels
compulsifs (TOC), car "leurs sources auraient de multiples origines alors
que la TIPI entend revenir à une source fondamentale unique d’un blocage
spécifique", explique Luc Nicon. Avant toute séance, un bon thérapeute
formé à la méthode vérifiera toujours que l’on a clairement identifié une
situation à laquelle la TIPI peut être appliquée. Ce qui limite les risques de
perdre son temps.
De l’influence des émotions sur la santé
Travailler ses émotions fait partie d’une vraie politique de
prévention santé. Contrairement à l’Orient (médecine chinoise, taoïste ou
ayurvédique), l’Occident ne s’est mis que récemment à les prendre en compte
dans l’évaluation de l’état de santé global. Les travaux d’Antonio Damasio,
neurologue américain, auteur du best-seller "L’erreur de Descartes"
(éd. Odile Jacob, 2008), ont ouvert la voie dans les années 1980 à d’autres
chercheurs, qui ont, par exemple, mis en avant la capacité du corps à produire
en quelques minutes de la sérotonine (efficace pour lutter contre la
dépression) à partir de la simulation d’émotions comme la joie ou la tristesse.
De son côté, le Dr Bruce Lipton, aux États-Unis, a avancé sur l’ADN et la
santé. Pour constater qu’en exposant les cellules à un environnement sain,
propice au développement de la dopamine, de l’ocytocine ou de la sérotonine,
les cellules malades s’auto-régénèrent. Par ailleurs, en compilant 300 études
réalisées sur quarante ans, l’American Psychological Association a confirmé en
2004 des liens entre stress et système immunitaire. Si, sur le court terme, les
glucocorticoïdes (produits en plus grande quantité sous l’effet du stress) ont
un effet immunosuppresseur, sur le long terme en revanche, les défenses immunitaires
sont fragilisées. D’où l’apparition de moult pathologies.
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