Algodystrophie
Cours
de l' appareil locomoteur
|
Sur
une région articulaire, un stimulus périphérique déterminé
(traumatisme local
ou régional ) ou indéterminé, ou d’action plus générale (
médicament par exemple ), s’ associe
à d’éventuels facteurs de terrain pour exercer une action locale
délétère.
Après
une période de latence de quelques heures à quelques semaines , il
entraîne une perturbation neurovégétative sympathique intense,
disproportionnée, durable, mais entièrement réversible,
désadaptatant la microcirculation locale.
Localement
s’associent : stase et vasodilatation capillaires excessives,
oedème ; hyperplasie secondaire de la musculeuse artériolaire,
phénomène fondamental propre aux algodystrophies ; souffrance
cellulaire précoce avec une hyperrésorption osseuse régionale par
hyperostéoclastose et absence prolongée de reconstruction
ostéoblastique suffisante ; fibrose secondaire cicatrisante des
tissus mous.
Trois
étapes se succèdent sur plusieurs semaines ou mois : la première
réalise une phase clinique dite « chaude » avec vasoconstriction
artériolaire intense et prolongée et ouverture d’anastomoses
artérioveineuses, puis vasodilatation et stase capillaire entraînant
localement hyperhémie puis ischémie relative, hypoxie et acidose
locales.
La
stase locale entraîne une baisse de la pression d’ oxygène
et du pH et une élévation de la PCO2 et du K+.
Ces
éléments vasodilatateurs exagèrent la perméabilité capillaire
(oedème). Surtout il n’y a jamais d’infiltrat cellulaire
inflammatoire ni de signe biologique ou biochimique d’inflammation.
La
deuxième étape est une ischémie partielle (phase clinique dite «
froide ») favorisant la polymérisation de la substance fondamentale
du tissu conjonctif et stimulant fibrocytes et fibroblastes (fibrose
secondaire) ; la dernière étape est celle de la guérison avec
séquelles rétractiles éventuelles définitives sur les parties
molles périarticulaires.
Ce
schéma en 3 phases successives peut manquer du fait du télescopage
ou de l’absence ou de l’ inversion dans le temps de certaines de
ces 3 phases.
Exceptionnellement
des crises vasomotrices peuvent faire alterner de brefs épisodes de
phase chaude ou froide dans la même journée.
Étiologie
:
A
- Âge et sexe :
B
- Algodystrophies secondaires :
Les
algodystrophies secondaires représentent 60 à 80% des cas.
• Un
traumatisme est le plus souvent en cause : direct ou indirect, à
distance
ou locorégional, il est à type de fracture, luxation, entorse ou
simple
contusion locale.
Il
est parfois chirurgical : chirurgie orthopédique réglée, plus
exceptionnellement viscérale ou artérielle . L’immobilisation
plâtrée ou avec une résine
et la rééducation fonctionnelle intempestive et douloureuse sont
les facteurs déclenchants ou provocateurs essentiels ; la maladie
s’installe moins de 3 mois après le traumatisme ou son traitement
dans 80 % des cas.
Sur
le plan médicolégal, un traumatisme datant de plus de 6 mois n’est
pas considéré comme étant en cause.
• Causes
non traumatiques :
– les
affections médicales de l’appareil locomoteur telles que les
arthrites septiques, inflammatoires ou métaboliques ; l’
ostéoporose parfois ou même l’ostéomalacie avec acidose
métabolique et tubulopathie rénale ; les affections du système
nerveux central comme une hémiplégie, responsable de syndrome «
épaule -main », une paraplégie , ou périphérique comme une
sciatique , une cruralgie ou un névrome de Morton, ou un syndrome du
canal
carpien
, cause fréquente d’algodystrophie du membre supérieur ;
– les
affections cardiovasculaires (infarctus du myocarde, artériopathies
des membres), pleuro-pulmonaires, endocriniennes et métaboliques (
hyperthyroïdie , diabète sucré) ;
– la
prise régulière de médicaments tuberculostatiques ou
barbituriques, surtout pour le membre supérieur ;
– la
grossesse peut se compliquer lors du 3e trimestre ou juste après l’
accouchement d’une algodystrophie de hanche ;
– peut-être
des tumeurs malignes peuvent-elles être en cause ?
C
- Algodystrophies primitives :
Ce
sont les plus rares. Les facteurs de terrain éventuels sont isolés
mais ne sont pas plus fréquents que dans les formes secondaires.
D
- Facteurs de terrain :
Ils
existent 1 fois sur 3 au moins.
• Anxiété,
syndrome dépressif, phénomènes de conversion , et chez l’enfant,
environnement parental hyperprotecteur, sont classiquement retrouvés.
•
L’hypertriglycéridémie,
présente dans 30 % à 40 % des formes traumatiques et non
traumatiques, est sans doute une conséquence de la restriction de
mobilité plutôt qu’une cause de la maladie.
Diagnostic
:
A
- Signes cliniques :
Le
début est brutal ou progressif au niveau des articulations
intéressées, volontiers rapporté par le malade
à un traumatisme dont un interrogatoire bien conduit vérifiera la
réalité.
1-
Symptômes articulaires :
• La
douleur est une simple gêne ou au contraire intolérable.
Elle
limite
ou interdit la mobilisation volontaire et passive , ou l’appui, et
réveille volontiers le malade en seconde moitié de nuit (douleur d’
allure clinique inflammatoire).
Exceptionnellement,
au membre inférieur, elle réalise une véritable claudication
intermittente algodystrophique avec périmètre de marche au bout
duquel la douleur oblige à l’arrêt puis à la reprise de la
marche, qui s’interrompt à nouveau au bout de la même distance.
• La
raideur et l’impotence fonctionnelle sont liées à la douleur, ou
surtout aux rétractions capsulo-ligamentaires ou
tendino-aponévrotiques (fléchisseurs des doigts ou des orteils,
aponévrose plantaire, tendon calcanéen).
Celles-ci,
préoccupantes pour le pronostic (risque de séquelles fonctionnelles
ultérieures), sont en général tardives, parfois précoces ou
inaugurales.
L’articulation
peut présenter un épanchement synovial (gonflement, choc rotulien
par exemple) qui limite lui aussi la mobilité articulaire.
2-
Symptômes trophiques et vasomoteurs :
•
L’amyotrophie
massive locale ou locorégionale est constante et s’installe très
rapidement.
Une
amyotrophie quadricipitale de plusieurs centimètres
de périmètre est habituelle dans une algodystrophie du genou.
À
la main, les interosseux, les muscles thénariens et hypothénariens
sont touchés, à l’épaule ce sont les sus- et sousépineux.
• L’oedème
locorégional ou local est fréquent mais inconstant, mou ou ferme ,
pâle ou rougeâtre, douloureux à la palpation, avec hyperthermie
locale ou plus tardivement hypothermie, qui
est
fréquente d’emblée chez le jeune.
•
L’hyperesthésie
cutanée est très évocatrice, parfois isolée, elle concerne plus
de 50 % des cas.
Elle
n’a pas de topographie précise, sauf quand elle intéresse un
territoire nerveux déterminé, signant alors par exemple l’atteinte
d’un tronc nerveux et (ou) un syndrome canalaire (canal carpien,
canal tarsien) au sein de la région touchée par l’algodystrophie.
• Autres
signes associés : hypersudation, pâleur, érythrose ou au contraire
cyanose spontanée ou surtout en déclivité sont permanentes.
Elles
évoluent parfois par accès, véritables crises vasomotrices
douloureuses, brèves et répétées, spontanées ou provoquées,
exceptionnellement isolées.
Hypertrichose
ou hypopillosité anormales et localisées à la région concernée
par la maladie, onychopathies locales, sont rares mais extrêmement
évocatrices dans le contexte.
3-
Regroupements symptomatiques habituels :
Ils
réalisent 3 tableaux classiques mais inconstants.
• La
« phase chaude » a une allure clinique inflammatoire, mais n’est
jamais accompagnée de signes biologiques inflammatoires.
Elle
est dite « pseudoinflammatoire », avec localement rougeur, oedème,
hyperthermie, restriction de la mobilité articulaire.
Les
troubles vasomoteurs sont nets en particulier l’hypersudation.
Parmi les rares troubles cutanéo-phanériens, on retient à ce stade
l’hypertrichose, rare et évocatrice.
• La
« phase froide » succède habituellement à la précédente ou
s’installe d’emblée, et laisse une peau cyanique, surtout en
déclivité, froide, dépilée, atrophique ou infiltrée d’un
oedème ferme avec mobilité articulaire réduite et plutôt
hypopillosité.
L’hypersudation
contraste ici avec l’hypothermie.
• La
rétraction des parties molles est la « phase des séquelles
rétractiles » éventuelles parfois précoces et fixées, qui
grèvent sérieusement le pronostic fonctionnel : équinisme,
rétraction de l’aponévrose plantaire au pied
, surtout rétraction douloureuse des doigts en flexion incomplète,
parfois définitive.
Des
douleurs peuvent persister des années, quelquefois intolérables
dans certaines algodystrophies de la main exceptionnellement graves.
B
- Examens complémentaires :
1-
Examens biologiques :
• L’absence
de syndrome biologique inflammatoire est attestée par la normalité
absolue et permanente de la vitesse de sédimentation et du dosage
plasmatique de la protéine C réactive.
Toute
anomalie fait douter du diagnostic ou rechercher une affection
inflammatoire intercurrente, associée ou à l’origine de
l’algodystrophie.
• Le
liquide articulaire est d’aspect normal citrin et clair.
Il
est paucicellulaire (< 1 000/mm3) et n’est donc ni inflammatoire
ni infectieux (absence de germe à l’examen direct ou à la
culture).
•
L’histologie
synoviale (ponction-biopsie exceptionnellement utile) confirmerait,
si elle était faite, l’absence de cellule inflammatoire, ne notant
initialement qu’une congestion vasculaire avec hyperhémie (phase
chaude) puis ultérieurement une fibrose locale progressive (phase
froide et séquelles éventuelles).
2-
Radiographie simple :
es
clichés comparatifs sont répétés dans le temps, un retard
radiologique de quelques semaines ou mois étant habituel.
Les
signes radiologiques osseux restent absents tout au long de
l’évolution dans 70 % des cas de l’enfant et moins de 20 % de
ceux de l’adulte. Ils peuvent persister bien au-delà de la
guérison clinique.
Par
ailleurs les parties molles périarticulaires sont épaissies (phase
chaude) puis ultérieurement amincies (phase froide).
• La
déminéralisation, à prédominance sous-chondrale, intéresse les
régions articulaires concernées, voire adjacentes ou à distance
sur le membre atteint.
Elle
est homogène ou hétérogène, mouchetée ou non, micro- ou
macrolacunaire, localisée ou diffuse.
Chez
la personne jeune, principalement l’enfant, elle peut être
soulignée par des bandes claires métaphysaires dont la fréquence
diminue avec l’âge, quasi nulle après 60 ans.
• Deux
signes négatifs majeurs sont constants : les interlignes
articulaires restent rigoureusement intacts, il n’y a jamais de
condensation osseuse.
3-
Scintigraphie osseuse au technétium (99mTc) :
Elle
est réalisée si possible en 3 temps successifs : vasculaire
immédiat (1re min) ; diffusion tissulaire précoce (5e min) ; temps
osseux tardifs (4e h).
Le
seul temps obligatoire est le dernier. Les clichés doivent
intéresser au minimum les 2 membres inférieurs (hanches comprises)
ou supérieurs (épaules incluses).
La
scintigraphie a 3 particularités : elle donne des anomalies très
précoces, bien avant les signes radiologiques ; elle est
exceptionnellement normale ; sa sensibilité est de 95 à 100 %, mais
sa spécificité est très mauvaise.
• Une
hyperfixation locorégionale est habituelle : présente
habituellement aux 3 temps de l’examen, elle est diffuse,
intéressant toute la région articulaire touchée, et déborde
au-delà le plus souvent (hyperfixation locorégionale de valeur
sémiologique capitale).
L’hyperfixation
peut s’étendre aux articulations voisines ou à distance,
renforçant sa valeur sémiologique, par exemple après un
traumatisme très localisé.
Mais
quand elle est localisée à la région traumatisée, sans extension
locorégionale, elle est alors sans valeur car tout traumatisme sans
algodystrophie donne, parfois pendant des années, une banale
hyperfixation circonscrite à son siège à ne pas confondre avec
l’hyperfixation liée à une algodystrophie secondaire.
L’hyperfixation,
enfin, persiste bien au-delà de la guérison clinique.
Une
réponse dissociée selon les 3 temps de l’examen est parfois
possible.
• Une
hypofixation est rare : elle accompagne le plus souvent une phase «
froide ».
Concernant
70 % des cas de l’enfant, fréquente chez l’adolescent, elle est
pratiquement absente après 40 ans.
4-
Imagerie par résonance magnétique :
Rarement
utile, elle donne des signes osseux précoces.
Elle
révèle un hypersignal en séquences pondérées en T2 et un
hyposignal en T1, rehaussé par le gadolinium dans les formes
hyperhémiées non encore fibrosantes.
Ces
anomalies traduisent un oedème médullaire osseux et existent en
phase chaude uniquement, car elles disparaissent totalement en phase
froide où l’imagerie par résonance magnétique est normale.
Elle
est d’ailleurs le seul des examens d’imagerie à se normaliser
aussi précocement dans l’évolution.
C
- Formes topographiques principales :
1-
Atteinte du membre supérieur :
• Le
« syndrome épaule-main » est une algodystrophie touchant l’épaule
et prédominant à la main et au poignet où les séquelles
douloureuses et rétractiles sont fréquentes et particulièrement
handicapantes ou très graves.
Le
coude est presque toujours respecté.
La
rétraction capsulaire de l’épaule (« épaule gelée »),
inquiétante au début, guérit sans séquelles à la différence de
l’atteinte de la main.
Le
syndrome « épaule-main » peut avoir un mauvais pronostic après 2
à 3 ans d’évolution.
Les
syndromes « épaule-main », homolatéraux à une hémiplégie, très
douloureux, sont de très mauvais pronostic et doivent être dépistés
très tôt pour prévenir les rétractions.
L’installation
correcte du malade, le poignet et les doigts en position de fonction
dès la survenue de l’accident cérébral, est nécessaire.
Les
formes secondaires à la prise de phénobarbital ou d’antituberculeux
(isoniazide) au long cours donnent des tableaux assez complets mais
souvent réversibles si le traitement en cause est modifié.
• Il
existe des formes dissociées, n’atteignant que l’épaule ou la
main et le poignet, par exemple après une fracture de Pouteau-Colles
qui se complique d’algodystrophie dans 20 à 50 % des cas et qui
est un stigmate très précoce d’une ostéoporose primitive ou
secondaire méconnue.
Dans
tous les cas, la scintigraphie donne une hyperfixation franche à la
main, plus discrète à l’épaule, et exceptionnelle au coude.
La
déminéralisation radiologique intéresse en général la main, le
poignet et l’épaule, rarement le coude.
2-
Atteinte du membre inférieur :
• Celle
du pied est la plus fréquente, guérissant en moins de 1 an dans les
3/4 des cas.
Les
séquelles rétractiles sont rares mais handicapantes car elles
concernent l’aponévrose plantaire ou le tendon calcanéen
essentiellement (pied équin définitif).
Elles
sont parfois induites par le poids des couvertures ou le béquillage
prolongé sans aucun appui même partiel.
• L’atteinte
du genou guérit sans séquelles le plus souvent (flessum
exceptionnel), en 6 à 8 mois, mais la stabilité ultérieure du
genou en position debout est fonction de la capacité de récupération
du quadriceps constamment amyotrophié.
•
L’algodystrophie
de hanche guérit en 4 à 6 mois le plus souvent, et pratiquement
sans séquelles.
Elle
réalise une coxopathie d’allure clinique mécanique ou
inflammatoire, volontiers récente ou aiguë, parfois en fin de
grossesse ou en période postnatale. Douleur et impotence
fonctionnelle importantes contrastent avec une mobilité passive
quasi conservée où l’amyotrophie quadricipitale est d’intensité
variable.
Dans
toutes ces localisations, les radiographies, la scintigraphie, et
l’imagerie par résonance magnétique, si elle a été nécessaire,
donnent les images décrites pour la forme typique.
D
- Difficultés du diagnostic :
Elles
sont liées aux multiples formes cliniques de la maladie.
1-
Tableaux pseudo-inflammatoires de la phase « chaude » :
Ils
font discuter une arthrite septique ou inflammatoire pure ou
microcristalline, mais l’absence de tout syndrome biologique
inflammatoire redresse le diagnostic.
Sa
présence paradoxale signe une maladie inflammatoire associée à
l’algodystrophie.
2-
Formes vasculaires de la maladie :
Elles
sont très rares et réalisent des aspects de phase chaude ou froide,
associant ou simulant des tableaux d’atteinte des grands axes
vasculaires :
• les
rares formes pseudo-phlébitiques font discuter une thrombophlébite
d’un membre, diagnostic à éliminer en priorité avant d’affirmer
l’algodystrophie (l’examen échographie-doppler veineux est alors
normal) ;
• ailleurs
une ischémie artérielle, exceptionnellement aiguë, ou chronique
avec claudication intermittente, peut parfois se discuter, en
particulier en phase froide : l’examen doppler et échographique
artériel redresse le diagnostic en montrant des anomalies
artérielles distales purement fonctionnelles et réversibles ;
l’artériographie, si elle était réalisée, révélerait un
réseau artériel distal très grêle et sans aucune thrombose
décelable ;
•
d’authentiques
associations existent parfois entre artériopathie et algodystrophie
d’un membre (exemple : algodystrophie compliquant un acte de
chirurgie artérielle abdominale ou du membre concerné).
De
même une thrombophlébite peut précéder, compliquer ultérieurement
ou accompagner simultanément une algodystrophie locorégionale.
3-
Formes migratrices locales :
Elles
miment la récidive clinique locale d’une algodystrophie guérie et
sont dépistées par une nouvelle scintigraphie osseuse : extinction
du foyer hyperfixant circonscrit initial et apparition immédiatement
voisine d’un nouveau foyer localisé responsable du nouvel épisode
clinique (par exemple un condyle interne après un condyle externe au
genou, ou un cuboïde au pied après un calcanéum).
4-
Formes récidivantes pures :
Ce
ne sont qu’apparemment des récidives, sauf dans de très rares
exceptions.
• Il
s’agit alors plutôt de la réactivation d’une algodystrophie
incomplètement guérie jusque-là, circonstance rare.
• Sinon,
se discute la survenue d’une fracture de contrainte sur os
localement déminéralisé par l’algodystrophie et intéressant en
général un membre inférieur.
Elle
se définit en 4 points : lors de la phase d’amélioration, la
reprise trop rapide des activités du membre atteint (appui, marche
par exemple) provoque une vive douleur de la région malade avec
oedème et signes locaux d’allure clinique inflammatoire, sans
signes biologiques d’inflammation ; la radiographie ne montre que
la déminéralisation connue et quelques semaines plus tard une bande
de condensation perpendiculaire aux travées normales sur un os
trabéculaire (épiphyse tibiale…) ou un liseré de solution de
continuité sur un os cortical (métatarsien) ; la scintigraphie
osseuse retrouve la même hyperfixation que l’algodystrophie, sans
valeur discriminative, cependant intensément renforcée en bande au
niveau exact de la fracture au sein du foyer algodystrophique ; seule
l’imagerie par résonance magnétique permet de reconnaître
rapidement la fracture de contrainte responsable de cette fausse
récidive clinique (trait en hyposignal T1 noyé dans une zone
d’oedème médullaire).
Ces
fractures peuvent survenir aussi à l’endroit d’un épisode
d’algodystrophie apparemment guéri depuis des années.
Il
faut signaler à l’inverse qu’une fracture de contrainte initiale
peut se compliquer d’algodystrophie secondaire.
5-
Formes plurifocales :
Elles
atteignent les articulations homolatérales et ont une expression
clinique dans 20 % des cas, radiologique dans 30 % et isotopique dans
40 %.
Parfois
extensives, elles pourraient alors traduire une exceptionnelle
algodystrophie paranéoplasique dont l’existence fortement
soupçonnée n’a jamais été démontrée.
6-
Formes sans signes radiologiques tout au long de l’évolution :
Elles
sont dépistées par les données cliniques, isotopiques et
évolutives, chez l’enfant ou l’adolescent dont elles sont
l’apanage.
7-
Formes avec hypofixation isotopique :
Elles
sont habituelles chez l’enfant et exceptionnelles chez l’adulte,
et font discuter une « insuffisance d’utilisation ou d’appui »
du membre atteint.
• Il
s’agit de tableaux de douleur d’un membre inférieur ayant
conduit à une mise en décharge totale et prolongée avec 2 cannes
anglaises et accompagnés de troubles vasomoteurs à type
d’érythrocyanose de déclivité, d’une déminéralisation
radiologique retardée et d’une hypofixation du membre intéressé.
• Certains
de ces tableaux ne sont en effet que des pieds dits de « béquillage
» avec simple ostéoporose d’immobilisation : la remise en charge
progressive, douloureuse au début, permet la disparition rapide des
troubles vasomoteurs et de l’hypofixation isotopique qui ne
traduisait alors que le simple ralentissement fonctionnel local
circulatoire par sous-utilisation du membre atteint.
• D’autres
correspondent en revanche à une algodystrophie authentique en phase
« froide » et ne traduisent pas une sous-utilisation du membre
atteint.
8-
Formes partielles et parcellaires :
• Partielles,
elles intéressent un rayon articulaire (orteil et son métatarsien,
doigt et métacarpien).
•
Parcellaires,
elles touchent une parcelle d’os ou un petit os comme le cuboïde
ou les sésamoïdes.
Elles
se présentent avec une hyperfixation intense très localisée puis
une déminéralisation locale pouvant s’étendre secondairement à
l’ensemble du pied.
Les
formes limitées aux seuls sésamoïdes concernent 2 % des
algodystrophies du pied avec possible aspect radiologique
pathognomonique en cible des sésamoïdes concernés.
Ces
formes partielles et parcellaires font discuter une tumeur (ostéome
ostéoïde), une ostéonécrose aseptique ou une fracture de
contrainte.
9-
Algodystrophie de l’enfant :
Elle
se caractérise par la fréquence des formes « froides »
ischémiques.
Il
s’agit volontiers d’enfants hyperprotégés par les parents.
La
phase « froide » s’est souvent installée d’emblée, se
caractérisant par : l’hypofixation isotopique dans 70 % des cas ;
l’absence de signes radiologiques dans 70 % des cas ; l’aspect de
bandes claires métaphysaires, fréquent quand les signes
radiographiques sont présents (30 % des cas).
On
évoque volontiers chez l’enfant un syndrome de conversion
hystérique ou une simulation : la scintigraphie redresse le
diagnostic en révélant une hypofixation évocatrice.
En
réalité, devant toutes ces formes, seul un faisceau d’arguments
permet de poser le diagnostic. Ces arguments sont : cliniques
regroupés en tableaux associant douleur, impotence fonctionnelle,
troubles vasomoteurs et trophiques ; biologiques (aucun syndrome
biologique inflammatoire) ; radiologique avec déminéralisation
retardée, juxta-articulaire et sans pincement articulaire ;
isotopique avec hyperfixation, rarement hypofixation ; évolutifs
vers une guérison sans séquelles en général, ou avec séquelles
le plus souvent modérées ou minimes (en particulier aucune ankylose
ni destruction articulaire).
Évolution
:
Raccourcie
par le traitement, l’évolution conduit à la guérison, parfois
avec des séquelles : les douleurs diminuent lentement autorisant peu
à peu l’usage du membre, avec amélioration des troubles
trophiques puis disparition de l’impotence fonctionnelle.
L’évolution
est plus brève au membre inférieur (moins d’un an en général)
qu’au membre supérieur (2 à 3 ans en moyenne).
Elle
est plus longue en cas de troubles psychologiques associés ou si un
accident du travail est à l’origine du traumatisme.
La
reprise d’une vie normale se ferait en moyenne 3 à 18 mois après
le début du traitement médicamenteux.
Une
fracture de contrainte peut parfois survenir en zone algodystrophique
lors de la reprise trop rapide de la marche, retardant la guérison.
De
gravité variable (rétraction des parties molles ou raideur
articulaire localisée), les séquelles sont présentes dans 5 % à
50 % des cas selon les séries.
Une
simple gêne douloureuse intermittente et capricieuse peut persister
des mois ou des années.
Thérapeutique
:
A
- Traitement curatif :
1-
Traitement physique et installation du malade :
Le
traitement vise à limiter la stase et à supprimer la douleur qui
entretiennent la maladie :
• décharge
temporaire du membre atteint (exemple : le pied surélevé le plus
longtemps possible dans la journée) ;
• éviter
tout contact avec les vêtements ou le couchage en cas
d’hyperesthésie (exemple : arceau de protection sous les draps
pour le pied) ;
•
physiothérapie :
limitation de la mobilisation articulaire passive au minimum
nécessaire ; mobilité active contrôlée par le patient dans la
limite de la non-douleur ; massages de drainage lymphatique, à
distance de la région atteinte ; balnéothérapie ou bains écossais
alternant en quelques minutes eau chaude et froide s’ils sont
tolérés ; attelles de posture, si elles sont tolérées, pour
prévenir les attitudes vicieuses.
Tous
ces moyens sont utilisés tout au long de l’évolution, seuls ou
associés au début à des médicaments ; ergothérapie dans un but
de restauration fonctionnelle et d’éventuelle compensation au
stade des séquelles.
2-
Médicaments d’action générale :
• Le
paracétamol (3 g/j), seul avec dextropropoxyphène ou codéine,
voire dérivés morphiniques pendant quelques jours.
• Les
antidépresseurs, tricycliques donnés comme antalgiques centraux
(clomipramine : 30-50 mg/j) ou psychotoniques antidépresseurs
(clomipramine : 75- 150 mg/j avec un anxiolytique).
Ils
sont utiles aussi chez l’enfant, seuls ou associés aux autres
traitements généraux et à une prise en charge psychothérapique
éventuelle.
• Les
antiostéoclastiques (calcitonine, bisphosphonates) : la calcitonine
intramusculaire ou sous-cutanée, à doses équivalentes de 160 UI/j
de calcitonine de porc par jour, pendant 15 à 20 jours, pas plus.
Elle
donne 60 à 70 % de résultats positifs en phase « chaude » ou «
froide » et théoriquement quelle que soit l’ancienneté de la
maladie.
Son
efficacité rapide est liée à son effet vaso-actif plutôt qu’à
son action antiostéoclastique.
Nausées,
vomissements et flush font arrêter le traitement dans 8 % des cas
mais sont prévenus par les antiémétiques et l’injection loin
après le dîner.
La
seule contre-indication est l’exceptionnelle allergie à la
calcitonine.
Parmi
les bisphosphonates, beaucoup utilisent le pamidronate en une
perfusion intraveineuse de 60 mg, éventuellement répétée 2 mois
et 4 mois plus tard.
Son
efficacité paraît certaine dans de nombreux cas.
• D’autres
médicaments peuvent être utiles quelquefois : les bêtabloquants
comme le propranolol, à effet sympatholytique, sont utilisés à des
doses amenant le pouls à 55-60/min.
Ils
donneraient 60 % de résultats positifs et sont bien tolérés si les
contre-indications classiques sont respectées ; la griséofulvine,
située à part, est donnée pendant 1 à 2 mois (40 à 50 mg/kg/j,
nettement plus que dans les mycoses auxquelles elle est
habituellement réservée).
Céphalées,
dyspepsie et surtout leucopénie exceptionnelle peuvent faire arrêter
la prescription, imposant de contrôler la numérationformule au bout
de 1 mois et de ne pas prolonger le traitement plus de 3 mois.
3-
Traitements locaux et locorégionaux :
Ils
comportent plusieurs possibilités théoriques : infiltrations
locales et les blocs sympathiques régionaux.
• Les
infiltrations de corticoïdes intra-articulaires ou intracanalaires
ont un effet purement antalgique, vasomoteur et antifibrosant et
n’ont évidemment aucun impact local anti-inflammatoire.
L’atteinte
de l’épaule est une bonne indication.
• Les
blocs sympathiques régionaux au buflomédil (2 à 6 blocs en 2
semaines par exemple) seraient parfois efficaces mais leur lourdeur
les fait abandonner.
La
disparition de la guanéthidine empêche de faire ces blocs avec cet
excellent produit.
• Des
injections intra-artérielles fémorales de lidocaïne et de
buflomédil pourraient être utiles, mais leur efficacité réelle
est inconnue.
B
- Schéma thérapeutique :
1-
Phase d’attaque (1er-20e jour) :
Mise
en décharge, prévention des attitudes vicieuses, lutte contre
douleur et stase sont impératives, associées à la calcitonine
choisie en première intention.
La
mobilisation active contrôlée est privilégiée et la mobilisation
passive est utilisée de façon minimale pour ne pas exacerber la
douleur ou la limiter en renforçant le traitement antalgique pendant
quelques heures lors de chaque séance.
Dans
les formes discrètes, les bêtabloquants ou la griséofulvine sont
utilisés d’emblée.
Après
la calcitonine, un relais est généralement nécessaire, rarement
par les bêtabloquants ou la griséofulvine (formes discrètes), en
général par le pamidronate qui devient le médicament de seconde
intention.
La
remise en charge progressive en piscine est nécessaire dès la fin
de cette phase (21e-60e jour).
Le
drainage lymphatique est associé ; la déambulation avec 2 cannes
anglaises impose du côté malade, même pour un pied, l’usage du
pas simulé, puis un appui pondéré progressif ; la décharge
prolongée totale est proscrite.
2-
Phase d’entretien :
Elle
comporte le maintien des bêtabloquants ou de la griséofulvine
pendant 1 à 2 mois, ou surtout des cures de pamidronate (1 ou 2
supplémentaires), et surtout une balnéothérapie prudente, avec
autorééducation du patient et mobilisation passive raisonnée avec
contrôle appuyé de la douleur.
L’ergothérapie
prolongée est nécessaire pour restaurer la fonction.
Le
soutien psychologique est souvent nécessaire, en particulier chez
l’enfant.
La
reprise des activités familiales puis sociales et professionnelles
sera très progressive.
Une
équipe pluridisciplinaire est souvent utile : médecin généraliste,
rhumatologue, médecin rééducateur, psychologue, kinésithérapeute,
ergothérapeute, assistant social…
C
- Traitement préventif :
Aucun
médicament dans une situation à risque n’empêche la survenue de
la maladie.
On
respectera cependant : l’installation correcte du blessé ou de
l’opéré en orthopédie ; sa prise en charge psychologique ; le
traitement de son anxiété.
Les
symptômes initiaux de l’algodystrophie seront dépistés le plus
tôt possible lorsque le contexte s’y prête, en particulier en
milieu orthopédique.
Au
moindre doute, la scintigraphie osseuse est le meilleur moyen du
diagnostic précoce.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire