Myosites
Malgré les progrès réalisés dans la compréhension de ces maladies et les récents développements thérapeutiques, ces myosites constituent des affections redoutables, nécessitant une prise en charge par des équipes spécialisées.
Introduction
:
Les myosites (ou myopathies inflammatoires)
primitives sont des affections d’un grand
polymorphisme clinique et évolutif, caractérisées par
une atteinte inflammatoire des muscles striés.
Elles
regroupent principalement les polymyosites (PM), les
dermatomyosites (DM) et les myosites à inclusions
sporadiques. Des désordres immunitaires sont à
l’origine de ces affections.
Leurs étiologies
demeurent encore inconnues, associant facteurs
environnementaux et génétiques.
Des progrès
considérables ont été réalisés ces dernières années
dans la compréhension de ces maladies.
Épidémiologie :
Les PM et les DM touchent préférentiellement la
femme, avec un sex-ratio de 2 pour 1.
Elles peuvent
survenir à n’importe quel âge avec cependant deux
discrets pics de fréquence : l’enfant entre 5 et 14 ans
où l’on observe principalement des DM; et l’adulte
dans la 5e et 6e décennie chez qui la PM prédomine.
Ce sont des collagénoses rares dont l’incidence
annuelle est estimée entre 5 et 10 cas par million
d’habitants et la prévalence de 6 à 7 cas pour
100 000 personnes.
Manifestations cliniques :
A - Polymyosite :
Syndrome musculaire
Le déficit moteur touche la musculature striée de
façon bilatérale et symétrique.
Il s’agit d’un déficit de
type myogène, prédominant sur les muscles
proximaux, notamment les ceintures scapulaires et
surtout pelviennes.
Le caractère bilatéral, symétrique
et non sélectif de ce déficit moteur permet de le
distinguer du déficit musculaire des myopathies.
L’intensité de la faiblesse musculaire est variable
d’un sujet à un autre, allant d’une simple gêne
fonctionnelle à une véritable paralysie diffuse.
Son
mode d’installation est variable : aigu voire brutal,
notamment dans les formes sévères, ou plus
insidieux et progressif, principalement dans les PM
de l’adulte.
L’atteinte des muscles périrachidiens concerne
essentiellement les muscles de la nuque, aggravant
le pronostic fonctionnel.
Le déficit des muscles
abdominaux, du diaphragme et des muscles
intercostaux participe aux manifestations
respiratoires.
L’atteinte de la musculature striée du pharynx et
de la partie supérieure de l’oesophage, observée
chez 25 à 30 % des sujets, se traduit par une
dysphagie et des troubles de la déglutition qui
conditionnent le pronostic vital.
La musculature
oculaire n’est jamais intéressée.
Les myalgies spontanées ou provoquées, notées
dans 25 à 70% des myosites, peuvent être au
premier plan, notamment dans les formes aiguës.
L’aspect des muscles touchés est généralement
normal à l’examen clinique.
Dans les formes
évolutives et prolongées, peut apparaître une
amyotrophie souvent associée à des rétractions musculotendineuses.
1- Manifestations articulaires
:
Les manifestations articulaires sont notées chez
15 à 30% des patients atteints de myosite pure.
Il
s’agit essentiellement d’arthralgies inflammatoires
intéressant principalement les poignets, genoux,
épaules, inter phalangiennes proximales (IPP) et
métacarpophalangiennes (MCP). Elles réalisent en
règle une atteinte oligoarticulaire.
Les arthrites sont
exceptionnelles et évoluent favorablement en
quelques semaines.
Il n’y a habituellement ni
déformation, ni destruction ostéoarticulaire en
dehors du syndrome des antisynthétases.
2- Atteinte cardiaque
:
Sa fréquence est diversement appréciée ; de 30 à
70% selon les critères retenus.
Cependant, une
symptomatologie clinique cardiaque ne s’observe
que chez 10 à 15% des myosites, pouvant être
responsables de mort subite.
Plusieurs types de
manifestations cardiaques ont été rapportées :
anomalies purement électriques, les plus fréquentes
(bloc de branche, bloc auriculoventriculaire (BAV)...),
troubles du rythme (extrasystoles, fibrillation
auriculaire, tachycardies supraventriculaires et
ventriculaires), vascularite coronaire ou des
vaisseaux intramyocardiques, myocardite
inflammatoire, insuffisance cardiaque congestive...
Le caractère volontiers silencieux de l’atteinte
cardiaque justifie des explorations systématiques : ECG, holter et échocardiogramme systématiques,
puis en fonction de la symptomatologie, pouvant
aller jusqu’à la biopsie endomyocardique.
3- Atteintes pulmonaires :
Des manifestations pulmonaires surviennent
dans 5 à 45% des myosites et correspondent à
différents mécanismes.
* Une pneumopathie de déglutition est notée
dans 10 à 20% des séries, représentant à l’heure
actuelle l’une des principales causes de mortalité des
myosites.
Elle est liée à une atteinte de la
musculature pharyngo-oesophagienne et doit être
prévenue systématiquement dès l’apparition des
premiers troubles de la déglutition.
* L’insuffisance ventilatoire par faiblesse des
muscles respiratoires (diaphragme, muscles
intercostaux, muscles respiratoires accessoires) est
notée dans 4 à 8%des cas.
* La pneumopathie interstitielle s’observe chez
10 à 15% des patients.
Elle est inaugurale dans
50% des cas.
Le tableau peut être particulièrement
brutal et symptomatique.
En règle, la présentation
est moins parlante, voire totalement infraclinique.
Cette pneumopathie interstitielle s’observe dans 50
à 65 % des syndromes des antisynthétases.
Sa
survenue aggrave considérablement le pronostic
*
D’autres manifestations pulmonaires ont été
rapportées : bronchiolite oblitérante, hypertension
artérielle pulmonaire (HTAP)... ; et les complications
liées aux thérapeutiques, notamment infections
(éventuellement opportunistes) favorisées par
l’immunodépression et toxicité pulmonaire des
immunosuppresseurs.
4- Autres atteintes
:
Les signes généraux sont très variables d’un sujet
à l’autre, en fréquence et en intensité.
On peut
observer une fièvre élevée dans les formes aiguës
très rapidement évolutives.
L’amaigrissement peut
être difficilement chiffrable lorsqu’il est masqué par l’œdème.
Les atteintes digestives se résument le plus
souvent à une dysphagie et aux troubles de la
motilité œsophagienne (anomalies péristaltiques du
bas œsophage).
L’atteinte rénale au cours des myosites est en
règle purement biologique avec hématurie
microscopique, leucocyturie ou protéinurie, de
fréquence estimée entre 5 et 70% selon les auteurs.
La survenue d’une glomérulopathie est
exceptionnelle, notée dans moins de 1 à 5% des
cas.
B - Dermatomyosite :
Outre les manifestations cliniques décrites dans la
PM et retrouvées avec une égale fréquence dans les
DM, on observe constamment des manifestations
cutanées caractéristiques, qui permettent de
distinguer cliniquement les deux myosites.
1- Syndrome cutané
:
La survenue de manifestations cutanées
caractérise la DM.
Elles peuvent précéder parfois
d’assez longtemps les manifestations musculaires.
Il
s’agit essentiellement d’un érythrodermie, c’est-à-dire
de l’association d’un érythème et d’un œdème.
L’érythème, rose ou violacé, est photosensible chez
l’adulte et prédomine sur les parties découvertes
(visage, face antérieure du cou, épaules, face
d’extension des membres).
L’érythème orbitaire en
lunettes, responsable d’une coloration lilacée
prédominant sur les paupières supérieures est
évocateur.
Les papules de Gottron sont présentes
dans 30 % des cas, sous forme de plaques
érythémateuses ou violacées, légèrement surélevées
de la face dorsale des articulations inter phalangiennes
et métacarpophalangiennes, plus rarement
aux coudes et genoux.
Ces papules de Gottron
peuvent persister après une poussée évolutive de la
maladie.
Enfin, l’érythème péri-unguéal, douloureux
à la pression ( signe de la manucure) est très
évocateur de DM.
L’œdème cutané, parfois
prédominant, peut masquer l’amyotrophie.
Un syndrome de Raynaud, en règle modéré, est
présent dans 10 à 15% des PM et des DM et peut
parfois précéder la maladie de plusieurs années.
Il
peut s’accompagner d’un aspect sclérodermiforme
des doigts au cours des DM associées à une
sclérodermie (scléro-DM).
2- Calcinose sous-cutanée
:
La calcinose universelle est une complication
redoutable qui s’observe quasi exclusivement chez
l’enfant, où elle serait notée dans 30 à 50% des cas.
Il s’agit de calcifications sous-cutanées, retrouvées au
sein des muscles, ou au voisinage des articulations.
Il
s’agit de dépôts granuleux de calcium, sous forme de
cristaux d’apatite ou d’hydroxyapatite, entourés
d’une réaction inflammatoire.
Cette calcinose
respecte les viscères et est indépendante du
squelette, ce qui permet de la distinguer des
myosites, ossifiantes et des calcifications
métastatiques.
Initialement asymptomatique, elle est
uniquement visible sur les radiographies, donnant
une image « en os de seiche ». Cette calcinose peut
devenir rapidement invalidante, réalisant un
blindage sous-cutané pierreux des membres.
Ces
nodules peuvent s’ulcérer ou se fistuliser à la peau.
3- Vascularites :
Une vascularite peut s’observer, principalement
dans les formes infantiles, pouvant aboutir à des
ulcérations et nécroses cutanées.
L’atteinte digestive
par endartérite oblitérante est fréquente, à l’origine
d’ulcérations intestinales pouvant se compliquer
d’hémorragies et de perforations.
Examens complémentaires
:
Les signes biologiques sont inconstants.
La VS est
augmentée chez 50 à 60 % des patients,
généralement de façon modérée.
L’élévation des enzymes musculaires, notée dans
75 à 85% des PM/DM [aldolase, LDH, transaminases
et surtout créatine kinase (CK ou CPK)],
témoignent de la nécrose musculaire.
Certains
dosages, telles la créatine urinaire, la lactacidémie et
les transaminases, ne semblent pas spécifiques.
La
myoglobine semble représenter un index sensible et
précoce de nécrose musculaire.
L’isolement des iso-enzymes MM ou MB des CPK ne permet pas de
différencier une éventuelle atteinte myocardite (les
fibres musculaires en cours de régénération
sécrètent l’iso-enzyme MB).
Les facteurs rhumatoïdes sont positifs dans 20%
des PM/DM.
Les facteurs antinucléaires et anti cytoplasmiques sont présents dans 30 à 50%
des cas : anticorps dirigés contre les protéines
musculaires (anticorps anti myosine et anticorps anti myoglobine) non spécifiques, et anticorps
rencontrés dans de nombreuses affections
auto-immunes (anticorps anti-RNP, anti-PM-Scl,
anti-SSA et anti-SSB, anti-Ku).
Les anticorps plus spécifiques de myosite peuvent
être divisés en trois groupes majeurs constituant des
entités « clinico-épidémio-immunologiques ».
* Des anticorps dirigés contre les enzymes aminoacyl-ARNT-synthétase permettent de fixer
chaque acide aminé à son ARNT lors de la synthèse
protidique. Il s’agit des anticorps anti-JO1
(histidyl-ARN), PL7 (thréonyl ARNT), PL12 (alanine
ARNT), OJ (isoleucil ARNT) et EJ (glycyl ARNT).
Ces
anticorps rencontrés dans 10 à 30 % des cas
s’observent plus volontiers dans les PM, ou plus
rarement les DM, avec arthrite, pneumopathie
interstitielle, syndrome de Raynaud, et
hyperkératose desquamante et fissurée des mains
constituant le syndrome anti-JO1 ou anti synthétase.
Les antigènes HLA DR3, DRw52 et DQa4 seraient
plus fréquents dans ce sous-groupe.
* Les anticorps anticytoplasmiques non
antisynthétases, dirigés contre les protéines de
signal de reconnaissance de particules (SRP),
assurent le transport des protéines nouvellement
synthétisées du cytoplasme vers le réticulum
endoplasmique.
Ces anticorps anti-SRP sont notés
dans 5% des myosites, associées à des myalgies
importantes, avec palpitations et myocardite.
Ce
sous-groupe, peu sensible au traitement, semble de
plus mauvais pronostic (25% de survie à 5 ans).
Il
serait associé à HLA DR5, DRw52 et DQa3.
*
Des anticorps antinucléaires dirigés contre
une protéine de 220 kDa a du complexe nucléaire
et de fonction actuellement inconnue : les anticorps
anti-Mi-1 et anti-Mi-2.
Ces anticorps s’observeraient
dans 5 à 10% des DM classiques, très corticosensibles
à l’origine d’un excellent pronostic.
Ces DM
seraient plus fréquemment associées à HLA DR7,
DRw53 et DQa2.
* Enfin, d’autres anticorps anti cytoplasmiques
ont été récemment rapportés dans les myosites : les
anticorps anti-Mas, Fer, ou KJ, observés dans 1 à 5%
des cas.
L’électromyogramme (EMG) permet de mettre
en évidence des anomalies très évocatrices dans les
territoires cliniquement atteints : les potentiels
d’unités motrices sont de faible amplitude,
nombreux, brefs et polyphasiques avec recrutement
précoce associés à des potentiels de fibrillation ; un
aspect d’irritabilité membranaire lors de l’insertion de
l’aiguille et enfin, des décharges spontanées de
haute fréquence pseudomyotonique.
Il objective par
ailleurs deux signes négatifs importants : l’absence
d’aspect neurogène et la normalité des vitesses de
conduction nerveuse.
La biopsie musculaire est l’examen déterminant,
sous réserve de la qualité des prélèvements et de
l’analyse de la biopsie.
La biopsie doit être étudiée en
recourant à des techniques morphologiques, et
éventuellement histoenzymologiques et ultrastructurales,
qui nécessitent un laboratoire spécialisé
dont le concours doit être assuré avant le
prélèvement.
Les radiographies articulaires sont normales,
avec l’absence de déformation ou de destruction ostéoarticulaire, sauf en cas d’arthrite au cours d’un
syndrome des anti synthétases.
L’électrocardiogramme peut mettre en évidence
une atteinte cardiaque infraclinique fréquente.
Toute
anomalie de conduction à l’ECG systématique justifie
l’exploration du faisceau de His.
La radiographie thoracique systématique
recherche des complications pulmonaires infracliniques.
La découverte d’un syndrome
interstitiel justifie des investigations pulmonaires.
Les
explorations fonctionnelles respiratoires objectivent
alors un syndrome principalement restrictif généralement
précédé d’une altération de la DLCO.
Le
lavage bronchioloalvéolaire montre une hypercellularité
faite essentiellement de lymphocytes alors
accessibles à une thérapeutique, puis de
polynucléaires neutrophiles, et enfin à un stade
tardif séquellaire, d’éosinophiles et de macrophages.
Les biopsies pulmonaires objectivent des lésions
interstitielles alvéolaires associant, à des degrés
variables selon le stade évolutif, fibrose et infiltrats
inflammatoires.
La résonance magnétique nucléaire musculaire
permet de différencier les zones inflammatoires
actives et les zones fibreuses (remplacement du
muscle par un signal graisseux).
La RMN permettrait
également de différencier PM et DM. Il semble
exister une corrélation correcte entre les aspects IRM
et l’histologie musculaire.
Histologie dans les myosites :
A - Immunohistologie cutanée
:
Dans les DM, la biopsie cutanée en peau lésée
montre un épiderme épaissi en zone oedémateuse
avec prolifération conjonctive et infiltrats
inflammatoires.
Dans les zones ulcérées, le derme
est nécrosé et œdémateux, avec présence d’une
artérite, d’une nécrose fibrinoïde du collagène et des
infiltrats inflammatoires sous-épidermiques et
périvasculaires.
Ils sont essentiellement constitués de
lymphocytes T (surtout CD4+), et de macrophages.
Les lymphocytes B sont rares ou absents.
On
n’observe généralement pas de lésion en peau
saine.
B - Immunohistologie musculaire
:
La biopsie musculaire constitue un critère
essentiel de diagnostic de myosite.
Les anomalies
musculaires associent une triade caractéristique
constituée de zones de nécrose des fibres
musculaires associées à des foyers de régénération,
et des infiltrats inflammatoires interstitiels de cellules mononucléées.
On différencie désormais PM et DM,
sur les plans histo-immunologiques et physiopathogéniques.
Forme clinique :
la dermatomyosite amyopathique
Les DM amyopathiques constituent une entité
récemment décrite, caractérisée par l’existence de
manifestations cutanées caractéristiques de DM,
évoluant depuis plus de 2 ans, sans atteinte
musculaire associée.
Les problèmes sont d’ordre
nosologique et thérapeutique.
L’absence d’atteinte
musculaire est définie pour la majorité des auteurs
par l’absence de déficit moteur et d’élévation des
enzymes musculaires.
L’EMG et la biopsie
musculaire, s’ils sont pratiqués, mettent en
évidence une atteinte myogène caractéristique.
Le
diagnostic repose sur l’aspect clinique
caractéristique, l’histologie cutanée, et
éventuellement la capillaroscopie.
L’évolution vers
une DM typique avec atteinte musculaire est
possible.
Le traitement des DM amyopathiques
repose sur l’hydroxychloroquine et lesphotoprotecteurs,
la corticothérapie ne devant être proposée
que dans les formes cutanées sévères.
Pronostic
:
Avant l’ère de la corticothérapie, les myosites
constituaient un groupe d’affections particulièrement
graves, dont les taux de survie spontanée étaient
inférieurs à 40 %.
En l’absence de pathologie
tumorale sous-jacente, les myosites de l’adulte
constituent désormais des affections de pronostic
favorable (survie de 90% à 5 ans).
Les facteurs de
mauvais pronostic sont : une pathologie tumorale
associée, un âge avancé, une dysphagie, une
atteinte cardiaque, une pneumopathie interstitielle
ou une faiblesse des muscles respiratoires
accessoires, un début brutal et très fébrile, une
thérapeutique initiale inadéquate ou tardive,
l’appartenance à la race noire, la présence
d’anticorps antisynthétases ou anti-SRP.
Une
rémission complète n’est cependant observée que
chez 30 à 50% des patients, avec persistance d’un
déficit fonctionnel variable chez les patients restants.
Traitement :
A - Traitement étiologique :
* Corticothérapie
Les PM-DM sont des affections rares mais graves
dont la mortalité spontanée s’élève à 70%.
Leur
traitement reste encore à l’heure actuelle empirique.
La corticothérapie à forte dose (1 mg/kg/j de prednisone) constitue le traitement de première
intention, active dans plus de 70%des PM/DM.
Une
efficacité clinique survient en 1 à 6 semaines, mais
des améliorations retardées jusqu’à 3 mois sont
possibles.
En cas d’échec, une augmentation de la
posologie à 1,5 voire 2 mg/kg/j est parfois efficace.
Ces fortes doses doivent être maintenues
plusieurs semaines (6 à 8 semaines), jusqu’à
régression de l’ensemble des signes cliniques et
nette diminution (voire normalisation) du taux des
enzymes musculaires.
Une décroissance lente de la
corticothérapie peut alors être entreprise, en limitant
au maximum celle-ci à 10%de la dose prescrite tous
les 10 jours, en se basant sur la récupération de la
force musculaire et les taux sériques des enzymes
musculaires.
Cette décroissance sera poursuivie
jusqu’à une dose minimale efficace à maintenir
durant une à plusieurs années.
La survenue d’une
rechute clinique aux testings musculaires répétés
justifie la ré-ascension des doses de prednisone,
après élimination d’une myopathie cortisonique.
Les bolus de méthylprednisolone, même s’ils sont
fréquemment utilisés en pratique clinique dans les
formes sévères avec atteinte du carrefour pharyngé,
n’ont jamais fait la preuve absolue de leur intérêt.
En cas de résistance primitive ou secondaire,
d’intolérance ou de dépendance aux corticoïdes,
différentes alternatives thérapeutiques peuvent être
proposées.
* Agents immunosuppresseurs
Les immunosuppresseurs sont actuellement les
plus employés en seconde intention : notamment azathioprine (2 à 3 mg/kg/j per os) et méthotrexate
(0,5 à 0,7 mg/kg/semaine par voie intramusculaire
ou intraveineuse).
Plusieurs publications en étude
ouverte non comparative font état d’une efficacité
dans 50 à 60% des cas pour ces deux thérapeutiques.
Leur utilisation permet en règle une épargne
cortisonique.
La ciclosporine est efficace dans 50 à 70% des
myosites corticorésistantes, notamment DM de
l’enfant.
Son action semble cependant purement
suspensive, la maladie réapparaissant à la
diminution ou l’arrêt des doses.
La ciclosporine
semble également intéressante en traitement de
première intention dans la DM de l’adulte.
Certains auteurs ont publié des succès limités du cyclophosphamide en association avec la
prednisone dans les myosites avec pneumopathie
interstitielle.
* Immunoglobulines intraveineuses
Plus récemment, a été mis en évidence l’intérêt
des immunoglobulines polyvalentes intraveineuses
(IgIV) dans les myosites corticorésistantes.
Leur
efficacité est estimée à 60-70%des PM/DM.
Les IgIV
sont utilisées à la dose de 2 g/kg/cure de façon
mensuelle avec un nombre moyen de 3 à 6 cures.
Une amélioration clinique est généralement notée
après la seconde cure.
Les IgIV permettent une
épargne cortisonique et d’éviter, diminuer ou
retarder les immunosuppresseurs.
Les IgIV peuvent
être actuellement proposées en seconde intention,
en alternative aux immunosuppresseurs, ou en cas
d’échec de ceux-ci.
Les IgIV en première intention
doivent se limiter aux formes viro-induites et aux cas
de contre-indication aux corticoïdes.
* Échanges plasmatiques
De nombreuses études ouvertes ont montré
l’intérêt éventuel des plasmaphérèses dans les
myosites.
Une étude comparative randomisée
concluait à leur inefficacité dans les myosites
chroniques.
Les plasmaphérèses peuvent être
indiquées dans les myosites aiguës et graves, après
échec des thérapeutiques classiques, associées à un
agent immunosuppresseur pour éviter tout effet
rebond à l’arrêt des plasmaphérèses.
* Autres thérapeutiques
L’irradiation corporelle totale a été utilisée avec
quelques succès, en règle transitoires, dans les
myosites sévères et rebelles.
La survenue d’effets
secondaires parfois graves, voire mortels, doit
fortement limiter ces indications.
Enfin, l’hydroxychloroquine peut être utile dans
les lésions cutanées de DM, mais ne possède aucune
action sur les manifestations musculaires.
B - Traitement symptomatique :
La survenue de troubles de la déglutition impose
l’arrêt de l’alimentation par voie orale, une
alimentation entérale ou parentérale et une
surveillance en milieu réanimatoire.
La prévention des pneumopathies d’inhalation, la
kinésithérapie (passive et douce lors des poussées
inflammatoires) et l’ergothérapie sont indispensables
dans la prise en charge de ces patients.
De multiples traitements ont été tentés sans
succès dans les calcinoses de l’enfant.
Les poussées
inflammatoires peuvent être en partie contrôlées par
les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou la
colchicine.
En fait, seule la chirurgie plastique peut
être utile dans les formes ulcérées ou volumineuses.
Myosites à inclusions sporadiques
:
Les myosites à inclusions sporadiques sont des
maladies musculaires inflammatoires lentement
progressives, d’étiologie inconnue, caractérisées sur
le plan histologique par des vacuoles bordées
visibles à l’intérieur des fibres musculaires, et
contenant en microscopie électronique des
inclusions éosinophiliques, constituées de filaments
de 16 à 20 nmde diamètre.
Deux formes de myosites à inclusions ont été
rapportées : d’une part, une maladie familiale
pouvant toucher le sujet jeune et liée au
chromosome 9, et d’autre part les formes
sporadiques, de loin les plus fréquentes.
Celles-ci
touchent le plus souvent l’homme (sex-ratio 3 pour
1), généralement après 50 ans (âge moyen 62 ans).
Les manifestations cliniques de la myosite à
inclusions sont peu spécifiques.
Le tableau associe
typiquement un déficit et une atrophie musculaire
d’installation progressive voire insidieuse, bilatérale,
souvent asymétrique, à la fois proximal et distal,
mais restant prédominant aux ceintures. Les
myalgies et une dysphagie sont rares.
Le tableau
peut être en fait tout à fait superposable à celui d’une polymyosite classique, expliquant les retards
diagnostiques, en moyenne de 5 ans (extrêmes de
3,5 à 9,5 ans), rapportés dans la littérature.
Les enzymes musculaires sont normales ou le
plus souvent modérément augmentées.
On ne
retrouve pas de syndrome inflammatoire ni de
manifestations de dysimmunité.
L’électromyogramme
montre un tracé de type myogène ou mixte
avec la présence inconstante d’un processus neurogène associée.
Les vitesses de conduction
nerveuse sont normales.
Le diagnostic repose sur la biopsie musculaire qui
met en évidence en microscopie optique les
vacuoles bordées, de 3 à 30 lm de diamètre, en
nombre variable, siégeant soit dans le cytoplasme,
soit dans le noyau des cellules musculaires.
Elles
contiennent des granulations basophiles aux
colorations standard.
D’autres anomalies sont
également présentes : infiltrats inflammatoires lympho-histiocytaires modérés périmysiaux et
périvasculaires, fibres musculaires hypertrophiques.
En revanche, on observe rarement des foyers de
nécrose et de régénération, à l’inverse des PM-DM.
La microscopie électronique met en évidence des
structures tubulofilamentaires de 15 à 18 nm de
diamètre, à l’intérieur de ces vacuoles, soit rectilignes,
soit en lamelles irrégulières correspondant aux
granulations basophiles.
L’étiologie de la maladie
ainsi que l’origine des inclusions sont inconnues.
Les cellules mononuclées des infiltrats
inflammatoires sont principalement constituées de macrophages et de lymphocytes T, notamment
CD8+, témoignant d’une immunité prédominante à
médiation cellulaire.
On observe également une
expression anormale de l’antigène de classe I sur le sarcolemme des fibres musculaires.
Cette possible
origine T cytotoxique restreinte au MHC de classe I
rapprocherait les myosites à inclusions des PM
chroniques.
Certains auteurs évoquent une anomalie du
système de protéolyse cellulaire (ubiquitine) à
l’origine de cette maladie, associée à des dépôts de
protéines amyloïdes notamment bêta-amyloïde.
Actuellement, aucune thérapeutique n’a montré
son efficacité, qu’il s’agisse de corticoïdes,
plasmaphérèses, immunosuppresseurs, immunoglobulines
intraveineuses ou irradiation corporelle
totale.
Quelques succès modérés ont parfois été
notés avec l’association corticoïdes-méthotrexate.
Cependant, dans la plupart des cas, les traitements
restent décevants.
Diagnostic différentiel
des myopathies inflammatoires :
A - Myopathies toxiques :
– Alcool, éthanol.
– Chloroquine, hypocholestérolémiants.
– Cimetidine, ipecac.
– Cocaïne, penicillamine.
– Colchicine, procaïinamide.
– Corticostéroïdes, zidovudine (AZT).
B - Myopathies infectieuses :
– Virales (influenzae, Epstein-Barr virus, VIH, VHB,
Échovirus, Coxsackie...).
– Bactériennes (Staphylococcus, Streptococcus,
Clostridia, Legionellae...).
– Parasitaires (toxoplasmose, trichinose,
schistosomiase, cysticercose...).
C - Maladies endocriniennes :
– Hypothyroïdie.
– Hyperthyroïdie.
– Syndrome de Cushing.
– Maladie d’Addison.
D - Affections neuromusculaires :
– Dystrophies musculaires.
– Dystrophies myotoniques.
– Amyotrophie spinale.
– Myasthénie et syndrome de Lambert-Eaton.
– Sclérose latérale amyotrophique (SLA).
E - Myopathies métaboliques :
– Myopathies mitochondriales.
– Anomalies du métabolisme des hydrates de
carbone : Mc Ardle, déficit en phosphofructokinase,
déficit en maltase acide, autres...
– Anomalies du métabolisme des lipides : déficit
en carnitine, déficit en carnitine palmitoyl transférase.
– Anomalies du métabolisme des purines : déficit
en myoadenylate déaminase.
F - Anomalies électrolytiques :
– Hypokaliémie.
– Hypocalcémie.
– Hypercalcémie.
– Hypomagnésémie.
G - Divers :
– Pseudopolyarthrite rhizomélique.
– Sarcoïdose, maladie de Crohn.
– Collagénoses : lupus érythémateux systémique,
syndrome de Sjögren, sclérodermie, maladie de
Sharp.
– Vascularites.
– Neuromyopathie paranéoplasique.
– Syndrome éosinophilie-myalgie.
– Fibromyalgie.
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