Des pesticides retrouvés dans des échantillons d’air et de pluie
Écrit par J.Maherou
Créé le mercredi 25 juin 2014 13:14
On
croyait que les pesticides se contentaient d’être présents dans les
champs, les fruits et légumes ou dans les rivières, et bien il
semblerait qu’ils aient également élu domicile dans l’air et dans l’eau
de pluie. C’est en effet le constat d’une nouvelle étude américaine. Et
celui qui se fait encore le plus remarquer, c’est le glyphostate.
Menée par l’US Geological Survey, cette
étude originale a été réalisée aux Etats-Unis dans l’état du
Mississippi, une région particulièrement agricole. Les chercheurs ont
prélevé des échantillons d’air et d’eau de pluie en 1995 et en 2007.
Résultats : sept substances ont été détectées dans plus de 50% des échantillons en 1995, contre cinq en 2007.
Parmi elles, se trouvaient l'atrazine, le propanil, et le métolachlore,
des herbicides susceptibles d’être néfastes pour la santé. Les deux
premiers sont interdits en France depuis 2003 mais sont encore présents
aujourd’hui dans l’environnement car ils sont très persistants dans la
nature.
Quant au glyphosate, et son
produit de dégradation, l'acide aminométhylphosphonique (AMPA), ils ont
été retrouvés dans plus de 75% des échantillons de pluie en 2007 (ils n’ont pas été recherchés en 1995).
Le glyphosate est un herbicide qui
s'attaque directement au cœur des plantes, et reste ainsi à l'intérieur
des récoltes traitées. C’est un principe actif présent dans de
nombreuses formulations et plusieurs études ont déjà prouvé sa toxicité,
notamment sur des cellules du placenta. Ce qui est d’autant plus
inquiétant, c’est que les formulations commerciales contenant du
glyphosate sont 1 000 fois plus toxique que le principe actif seul en
raison des additifs présents dans le produit.
Les habitants du Mississipi respirent
donc quotidiennement ces substances nocives auxquelles s’ajoutent
d’autres polluants comme les particules, le benzène ou l’ozone.
La France est la championne d’Europe des pesticides et se situe à la 3ème place au niveau mondial. Utilisés de façon massive en agriculture, ils ont d’abord paru bénéfiques mais leur toxicité a rapidement été mise en évidence, notamment chez les agriculteurs qui les utilisent tous les jours. Des troubles de la reproduction aux cancers en passant par les problèmes neurologiques, voici tout ce dont on les accuse. Pour en savoir plus sur ce qui est devenu un problème sanitaire, l’ASEF vous propose de faire rapidement le tour de la question.
Les pesticides, c’est quoi ?
Les pesticides, aussi appelés phytosanitaires, sont des produits chimiques utilisés en agriculture pour lutter contre des organismes qui peuvent être nuisibles aux cultures. Il en existe différentes classes, selon la nature des cibles sur lesquels ils agissent : les herbicides neutralisent les mauvaises herbes, les fongicides détruisent les champignons, les insecticides tuent les insectes, etc. Une fois déversés sur les cultures, ces substances se retrouvent dans les aliments et dans les sols, atteignant ainsi les milieux aquatiques. Nous y sommes donc tous exposés via notre alimentation ou l’eau que nous buvons. Diverses enquêtes récentes ont par exemple montré que la grande majorité des produis à base de blé (pains, biscuits, pâtes…), des fruits et des vins contiennent des pesticides, sans pour autant dépasser les normes. Aujourd’hui, 93% des cours d’eau français sont d’ailleurs contaminés par ces polluants, une pollution quasi généralisée donc ! Même l’air que nous respirons peut contenir des produits phytosanitaires puisque des chercheurs ont détecté la présence de fongicides dans l’air de certaines écoles de la région Aquitaine situées en zone rurale. Néanmoins, les premières victimes sont les agriculteurs qui les utilisent quotidiennement et pendant plusieurs années. Une enquête récente qui a porté sur l’analyse de pesticides dans les cheveux a montré que les professionnels portent en moyenne 11 fois plus de résidus de phytosanitaires que les non professionnels.
Des composés qui nous veulent du mal
La toxicité des produits phytosanitaires ne se limite pas aux seules espèces que l’on souhaite éliminer... Ils sont également néfastes pour l’homme. Si leurs mécanismes d’actions sur notre organisme sont encore mal connus, leurs effets eux, ont été mis en évidence. Les pesticides sont des perturbateurs endocriniens, ce qui signifie qu’ils perturbent les hormones, entrainant ainsi des troubles de la reproduction (problèmes de stérilité, malformations chez les bébés). Des études les accusent également de diminuer les capacités cognitives, les suspectant même parfois de jouer un rôle dans l’apparition de Parkinson ou de la maladie d’Alzheimer. Les pesticides sont aussi mis de plus en plus en cause dans le développement de certains cancers, notamment celui de la prostate et le lymphome non-Hodgkinien (NHL).
Depuis plusieurs années, voire même décennies, certains d’entre eux ont été interdits en raison de leur toxicité. Mais qui dit interdit, ne dit pas forcément disparu de notre environnement…. En effet, certains d’entre eux sont des polluants organiques persistants, ce qui signifie qu’ils sont très stables et peu biodégradables. Malgré leur interdiction, nous y sommes donc encore exposés aujourd’hui et ils continuent à faire des dégâts sur notre santé.
Ces pesticides qui défraient la chronique
Comme chez les hommes, certains pesticides se font plus remarquer que les autres. Les noms de Chlordécone, Roundup ou Cruiser doivent surement vous dire quelque chose… . On a en effet beaucoup parler d’eux dans les médias et dans le monde scientifique, et pas forcément en bien ! En cause : leur toxicité sur notre santé. Prenons le chlordécone. Cet insecticide utilisé pendant longtemps et de façon intensive aux Antilles pour lutter contre le charançon du bananier, est interdit en France depuis 1990 et aux Antilles depuis 1993. Pourtant, les habitants de ces régions y sont toujours exposés car il est très stable dans l'environnement. Considéré comme perturbateur hormonal, il est aussi accusé de favoriser les cancers. Quant au Cruiser, c’est un insecticide suspecté d’être à l’origine du déclin des abeilles. Et adieu café, fruits, légumes, miel et beaucoup d’autres aliments si les abeilles disparaissent (adieu peut-être même Humanité…). Enfin, dernier nominé : le Roundup, l’herbicide le plus vendu au monde. Son principe actif, qui s'attaque directement au cœur des plantes est le glyphosate. Classé dangereux pour l’environnement et toxique pour les organismes aquatiques, ce dernier est également néfaste pour les cellules humaines. Mais le plus inquiétant, c’est que le Roundup est encore plus dangereux que le glyphosate, en raison des autres ingrédients présents dans ce produit, c’est ce qu’on appelle les adjuvants.
En deux mots, les pesticides font partie des polluants auxquels nous sommes exposés quotidiennement via ce que nous mangeons, buvons et respirons. Difficile de les éviter, mais il est tout de même possible de limiter notre exposition, en optant par exemple pour les solutions « naturelles » pour désherber sa terrasse ou débarrasser son potager d’insectes nuisibles. Pour notre alimentation, on peut aussi privilégier les fruits et légumes issus de l’agriculture biologique, mais attention, il faut que cela reste local, sinon, c’est votre bilan carbone qui en prendra un sacré coup !
Un pesticide, qu’est-ce que c’est ?
Utilisés pour lutter contre les animaux ou les plantes jugés nuisibles aux plantations, les pesticides sont des produits chimiques dotés de propriétés toxicologiques. Il existe différents types de pesticides :
- Les insecticides qui tuent les insectes,
- Les herbicides, qui neutralisent les mauvaises herbes,
- Les fongicides, qui luttent contre les champignons,
- Les raticides, qui éradiquent... les rats.
Les principaux pesticides utilisés actuellement appartiennent à quelques grandes familles chimiques :
* Les organochlorés sont issus de l’industrie du chlore et représentent un groupe important des polluants organiques persistants comme le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane). Synthétisé dès les années 1940, ce sont des pesticides très stables chimiquement. Le DDT a été utilisé partout dans le monde dans la lutte contre les insectes. En raison de sa toxicité et de sa capacité à s’accumuler dans les organismes, son utilisation est interdite en France depuis 1972, mais aussi dans de nombreux pays tempérés. Cependant, on en trouve encore beaucoup dans les milieux aquatiques et ils continuent à être employés dans certains pays tropicaux.
* Les organophosphorés sont des composés organiques contenant du phosphore. Ils se sont imposés rapidement par leur grande efficacité, notamment contre les insectes. Ils se dégradent assez rapidement dans l’environnement mais qui ont des effets neurotoxiques sur les vertébrés.
* Les pyréthrinoïdes sont utilisés contre une grande variété d'insectes en agriculture, horticulture, dans le domaine forestier, en santé publique (dans les hôpitaux) et dans les résidences, dans les constructions publiques et commerciales, dans les installations pour les animaux, dans les entrepôts et les serres. Dans les maisons, les pyréthrinoïdes, tels que la perméthrine, ne sont également utilisés pour la protection des textiles tels que les tapis, mais aussi dans la lutte contre les moustiques ou les parasites. Ces substances exercent aussi une activité toxique sur les poux, mites et autres arthropodes (ex : tiques, araignées).
* Les carbamates sont utilisés comme insecticides et fongicides.
* Les phytosanitaires, qui regroupent un très grand nombre de produits de la famille des triazines (familles d’herbicides) ou des fongicides. Ils représentent plus de la moitié du tonnage annuel des pesticides utilisés en France.
Comment contaminent-ils les populations ?
La population générale
Nous sommes tous exposés aux pesticides, que ce soit à travers notre alimentation ou l’eau que nous buvons. En avril 2013, l’InVS (Institut national de Veille Sanitaire) a publié un rapport sur l'exposition de la population française aux pesticides. Au total, 42 biomarqueurs ont été dosés dans le sang ou l’urine de 400 personnes pour évaluer l'exposition des Français à trois familles de pesticides (pyréthrinoïdes, organophosphorés et organochlorés). Globalement, les concentrations urinaires de métabolites (produits de dégradation) des pesticides organophosphorés sont inférieures à celles de la population allemande et similaires à celles de la population israélienne. Elles sont en revanche supérieures à celles des Américains ou des Canadiens. Quant aux pyréthrinoïdes, la famille d’insecticides la plus utilisée dans le traitement des cultures et dans les applications domestiques, les concentrations sont plus élevées que celles observées en Allemagne, au Canada ou aux Etats-Unis. Ceci est dû à la consommation de certains aliments et l’utilisation domestique de pesticides comme le traitement antipuces des animaux domestiques ou pour le potager.
Les enfants aussi ne sont pas épargnés par cette contamination. Une enquête de Génération Futures a montré en 2014 que les cheveux d’enfants de 3 à 10 ans vivant ou allant à l’école à proximité de zones agricoles contenaient en moyenne 20 résidus de pesticides. Parmi ces molécules, certaines sont actuellement interdites en usage agricole par l’UE. Mais il semblerait que cette contamination soit également due aux traitements antipoux ou aux insecticides ménagers de type antimoustiques ou antipuces pour animaux.
A travers l’eau que nous buvons
Lors de l’épandage de pesticides, une grande partie d’entre eux est dispersée dans l’atmosphère, soit lors de leur application, soit par évaporation ou par envol à partir des plantes ou des sols sur lesquels ils ont été répandus. Disséminés par le vent parfois loin de leur lieu d’épandage, ils retombent avec les pluies directement sur les plans d’eau et sur les sols d’où ils sont ensuite drainés jusque dans les milieux aquatiques par les eaux de pluie (ruissellement et infiltration). Les pesticides sont ainsi aujourd’hui à l’origine d’une pollution diffuse qui contamine toutes les eaux continentales : cours d’eau, eaux souterraines et zones littorales. Dans une note de juillet 2013, le Commissariat général au Développement durable a révélé que 93% des cours d’eau français sont contaminés par les pesticides (principalement du glyphosate), une pollution quasi généralisée donc ! Les régions agricoles du bassin parisien, du nord et du sud-ouest sont les plus touchées. Dans 35% des cas, l’eau est même jugée impropre à la consommation humaine… En savoir plus… Et ces eaux arrivent ensuite jusqu’à notre robinet… L’eau en bouteille n’est pas non plus à l’abri ! En 2013, une étude de 60 millions de consommateurs a révélé la présence de traces de pesticides dans l’eau du robinet, mais aussi dans l’eau en bouteille. Sur les 47 bouteilles d'eau étudiées, 10 présentaient des traces de pesticides. Du buflomédil et du naftidrofuryl, deux vasodilitateurs, et des traces d'atrazine et d'hydroxyatrazine, des désherbants pourtant interdits en 2001 mais très persistants, ont été également détectés dans certaines bouteilles.
A travers notre alimentation
Les pesticides peuvent également se retrouver dans notre assiette… En juillet 2010, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié un rapport sur les résidus de pesticides présents dans les aliments consommés par les européens en 2008. Plus de 70 000 échantillons provenant de près de 200 types d’aliments différents ont été analysés. Des résidus de pesticides ont été retrouvés dans 37,9% des échantillons testés - 3,5 % d’entre eux dépassaient les limites maximales de résidus (LMR) de pesticides autorisées dans les produits alimentaires en Union Européenne. Parmi les 2 062 échantillons d’aliments pour bébés, 76 contenaient des traces de pesticides et 4 dépassaient la limite légale. En ce qui concerne les produits « biologiques », les LMR ont été dépassées pour seulement 0,9 % des échantillons analysés.
En juillet 2013, cette même association s’est intéressée cette fois aux fraises vendues en France en provenance de France et d’Espagne. Après avoir analysé 49 échantillons de ces fruits, Génération Futures a constaté que 91,83% d’entre eux contenaient un ou plusieurs pesticides. Le plus préoccupant, c’est que 71,42 % des fraises renfermaient des pesticides considérés comme perturbateurs endocriniens. Les limites maximales autorisées n’ont été dépassées qu’une seule fois mais des produits interdits en Europe ont été détectés comme l’endosulfan et le carbosulfan.
L’alcool peut également contenir des pesticides ! En mars 2008, les associations du Pesticides Action Network Europe (PAN-Europe) ont publié les résultats d’une campagne d’analyses réalisée sur des vins d’Europe et du monde entier. Au total, 40 bouteilles de vin rouge ont été analysées – 34 étaient issues de l’agriculture intensive et 6 de l’Agriculture Biologique. Les vins ont été sélectionnés parmi des marques à bas prix, aussi bien que parmi les marques des plus célèbres du monde. Les 34 vins conventionnels testés été contaminés par les pesticides. Les niveaux de contamination étaient dans certains cas 5 800 fois plus élevés que ceux autorisés pour l’eau potable ! Les vins « Bio », eux, ne contenaient pas de pesticides à l’exception d’un contaminé par les pulvérisations du champ voisin...
Plus récemment, l’UFC-Que-Choisir a confirmé cette contamination des vins par les pesticides en testant 92 vins sélectionnés dans toutes les régions de France. Les résultats ont montré que tous les vins testés étaient contaminés par des pesticides, même les bio ! Cependant, les quantités relevées sont largement inférieures aux seuils de toxicité appelés LMR (Limite Maximale de Résidus) établis par l’Agence Européenne des aliments (ASEA).
Les agriculteurs
Si la population générale est exposée aux pesticides à travers l’eau et l’alimentation, les premières victimes sont les agriculteurs qui les utilisent quotidiennement dans le cadre professionnel. L’exposition professionnelle aux pesticides concerne entre 1 et 2 millions de personnes en France. Lors de l’épandage, du stockage et du transport de pesticides, ces personnes s’exposent à de fortes doses de pesticides, et ce, tous les jours pendant plusieurs années. La contamination peut se faire par inhalation (pulvérisation), par ingestion, ou par contact cutané.
Une enquête menée par l’association Générations Futures a révélé que l’exposition de salariés viticoles ou de voisins de vignes à des pesticides dangereux était très importante, même si ceux-ci n’ont pas manipulé les produits… L’association a prélevé et fait analyser par le laboratoire Kudzu Science des mèches de cheveux de 25 personnes : 15 salariés viticoles du bordelais, 10 non-salariés viticoles dont 5 riverains habitants à moins de 250 m des vignes du bordelais et 5 « témoins » vivants loin des vignes. Les cheveux portent la trace de l'exposition à une substance pendant trois mois. Sur les 35 molécules recherchées lors des tests, 22 ont été retrouvées au moins une fois dans les échantillons de cheveux. En moyenne, 6,6 substances différentes ont été trouvées chez les salariés viticoles, contre 0,6 chez les personnes n'exerçant pas ce métier. Autrement dit, les professionnels portent en moyenne 11 fois plus de résidus de phytosanitaires que les non professionnels habitant loin de vignes. Par ailleurs, les personnes non-professionnelles de la vigne habitant près des vignes sont plus exposées que celles habitant loin des vignes : 3 résidus de pesticides en moyenne trouvés chez les premières contre 0,6 pour les secondes, soit 5 fois plus ! Au moins 45% des molécules repérées sont classées cancérigènes possibles en Europe ou aux Etats-Unis et 36% sont suspectées d'être des perturbateurs endocriniens
Tout savoir sur les pesticides en 3 minutes
La France est la championne d’Europe des pesticides et se situe à la 3ème place au niveau mondial. Utilisés de façon massive en agriculture, ils ont d’abord paru bénéfiques mais leur toxicité a rapidement été mise en évidence, notamment chez les agriculteurs qui les utilisent tous les jours. Des troubles de la reproduction aux cancers en passant par les problèmes neurologiques, voici tout ce dont on les accuse. Pour en savoir plus sur ce qui est devenu un problème sanitaire, l’ASEF vous propose de faire rapidement le tour de la question.
Les pesticides, c’est quoi ?
Les pesticides, aussi appelés phytosanitaires, sont des produits chimiques utilisés en agriculture pour lutter contre des organismes qui peuvent être nuisibles aux cultures. Il en existe différentes classes, selon la nature des cibles sur lesquels ils agissent : les herbicides neutralisent les mauvaises herbes, les fongicides détruisent les champignons, les insecticides tuent les insectes, etc. Une fois déversés sur les cultures, ces substances se retrouvent dans les aliments et dans les sols, atteignant ainsi les milieux aquatiques. Nous y sommes donc tous exposés via notre alimentation ou l’eau que nous buvons. Diverses enquêtes récentes ont par exemple montré que la grande majorité des produis à base de blé (pains, biscuits, pâtes…), des fruits et des vins contiennent des pesticides, sans pour autant dépasser les normes. Aujourd’hui, 93% des cours d’eau français sont d’ailleurs contaminés par ces polluants, une pollution quasi généralisée donc ! Même l’air que nous respirons peut contenir des produits phytosanitaires puisque des chercheurs ont détecté la présence de fongicides dans l’air de certaines écoles de la région Aquitaine situées en zone rurale. Néanmoins, les premières victimes sont les agriculteurs qui les utilisent quotidiennement et pendant plusieurs années. Une enquête récente qui a porté sur l’analyse de pesticides dans les cheveux a montré que les professionnels portent en moyenne 11 fois plus de résidus de phytosanitaires que les non professionnels.
Des composés qui nous veulent du mal
La toxicité des produits phytosanitaires ne se limite pas aux seules espèces que l’on souhaite éliminer... Ils sont également néfastes pour l’homme. Si leurs mécanismes d’actions sur notre organisme sont encore mal connus, leurs effets eux, ont été mis en évidence. Les pesticides sont des perturbateurs endocriniens, ce qui signifie qu’ils perturbent les hormones, entrainant ainsi des troubles de la reproduction (problèmes de stérilité, malformations chez les bébés). Des études les accusent également de diminuer les capacités cognitives, les suspectant même parfois de jouer un rôle dans l’apparition de Parkinson ou de la maladie d’Alzheimer. Les pesticides sont aussi mis de plus en plus en cause dans le développement de certains cancers, notamment celui de la prostate et le lymphome non-Hodgkinien (NHL).
Depuis plusieurs années, voire même décennies, certains d’entre eux ont été interdits en raison de leur toxicité. Mais qui dit interdit, ne dit pas forcément disparu de notre environnement…. En effet, certains d’entre eux sont des polluants organiques persistants, ce qui signifie qu’ils sont très stables et peu biodégradables. Malgré leur interdiction, nous y sommes donc encore exposés aujourd’hui et ils continuent à faire des dégâts sur notre santé.
Ces pesticides qui défraient la chronique
Comme chez les hommes, certains pesticides se font plus remarquer que les autres. Les noms de Chlordécone, Roundup ou Cruiser doivent surement vous dire quelque chose… . On a en effet beaucoup parler d’eux dans les médias et dans le monde scientifique, et pas forcément en bien ! En cause : leur toxicité sur notre santé. Prenons le chlordécone. Cet insecticide utilisé pendant longtemps et de façon intensive aux Antilles pour lutter contre le charançon du bananier, est interdit en France depuis 1990 et aux Antilles depuis 1993. Pourtant, les habitants de ces régions y sont toujours exposés car il est très stable dans l'environnement. Considéré comme perturbateur hormonal, il est aussi accusé de favoriser les cancers. Quant au Cruiser, c’est un insecticide suspecté d’être à l’origine du déclin des abeilles. Et adieu café, fruits, légumes, miel et beaucoup d’autres aliments si les abeilles disparaissent (adieu peut-être même Humanité…). Enfin, dernier nominé : le Roundup, l’herbicide le plus vendu au monde. Son principe actif, qui s'attaque directement au cœur des plantes est le glyphosate. Classé dangereux pour l’environnement et toxique pour les organismes aquatiques, ce dernier est également néfaste pour les cellules humaines. Mais le plus inquiétant, c’est que le Roundup est encore plus dangereux que le glyphosate, en raison des autres ingrédients présents dans ce produit, c’est ce qu’on appelle les adjuvants.
En deux mots, les pesticides font partie des polluants auxquels nous sommes exposés quotidiennement via ce que nous mangeons, buvons et respirons. Difficile de les éviter, mais il est tout de même possible de limiter notre exposition, en optant par exemple pour les solutions « naturelles » pour désherber sa terrasse ou débarrasser son potager d’insectes nuisibles. Pour notre alimentation, on peut aussi privilégier les fruits et légumes issus de l’agriculture biologique, mais attention, il faut que cela reste local, sinon, c’est votre bilan carbone qui en prendra un sacré coup !
Les pesticides : qu’est-ce que c’est ? Notre exposition ?
Écrit par J.Maherou & L.Ferrer
Créé le mardi 29 avril 2014 11:50
La
France est le premier utilisateur européen de pesticides en Europe et
le 3ème dans le monde. Utilisés de façon massive en agriculture, les
pesticides ont d’abord paru bénéfiques. Mais leurs effets nocifs ont été
rapidement mis en évidence, et notamment chez les agriculteurs :
troubles de la fertilité, troubles neurologiques voire même cancers.
Face à ce problème sanitaire, l’ASEF fait le point sur ces produits plus
que toxiques.Un pesticide, qu’est-ce que c’est ?
Utilisés pour lutter contre les animaux ou les plantes jugés nuisibles aux plantations, les pesticides sont des produits chimiques dotés de propriétés toxicologiques. Il existe différents types de pesticides :
- Les insecticides qui tuent les insectes,
- Les herbicides, qui neutralisent les mauvaises herbes,
- Les fongicides, qui luttent contre les champignons,
- Les raticides, qui éradiquent... les rats.
Les principaux pesticides utilisés actuellement appartiennent à quelques grandes familles chimiques :
* Les organochlorés sont issus de l’industrie du chlore et représentent un groupe important des polluants organiques persistants comme le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane). Synthétisé dès les années 1940, ce sont des pesticides très stables chimiquement. Le DDT a été utilisé partout dans le monde dans la lutte contre les insectes. En raison de sa toxicité et de sa capacité à s’accumuler dans les organismes, son utilisation est interdite en France depuis 1972, mais aussi dans de nombreux pays tempérés. Cependant, on en trouve encore beaucoup dans les milieux aquatiques et ils continuent à être employés dans certains pays tropicaux.
* Les organophosphorés sont des composés organiques contenant du phosphore. Ils se sont imposés rapidement par leur grande efficacité, notamment contre les insectes. Ils se dégradent assez rapidement dans l’environnement mais qui ont des effets neurotoxiques sur les vertébrés.
* Les pyréthrinoïdes sont utilisés contre une grande variété d'insectes en agriculture, horticulture, dans le domaine forestier, en santé publique (dans les hôpitaux) et dans les résidences, dans les constructions publiques et commerciales, dans les installations pour les animaux, dans les entrepôts et les serres. Dans les maisons, les pyréthrinoïdes, tels que la perméthrine, ne sont également utilisés pour la protection des textiles tels que les tapis, mais aussi dans la lutte contre les moustiques ou les parasites. Ces substances exercent aussi une activité toxique sur les poux, mites et autres arthropodes (ex : tiques, araignées).
* Les carbamates sont utilisés comme insecticides et fongicides.
* Les phytosanitaires, qui regroupent un très grand nombre de produits de la famille des triazines (familles d’herbicides) ou des fongicides. Ils représentent plus de la moitié du tonnage annuel des pesticides utilisés en France.
Comment contaminent-ils les populations ?
La population générale
Nous sommes tous exposés aux pesticides, que ce soit à travers notre alimentation ou l’eau que nous buvons. En avril 2013, l’InVS (Institut national de Veille Sanitaire) a publié un rapport sur l'exposition de la population française aux pesticides. Au total, 42 biomarqueurs ont été dosés dans le sang ou l’urine de 400 personnes pour évaluer l'exposition des Français à trois familles de pesticides (pyréthrinoïdes, organophosphorés et organochlorés). Globalement, les concentrations urinaires de métabolites (produits de dégradation) des pesticides organophosphorés sont inférieures à celles de la population allemande et similaires à celles de la population israélienne. Elles sont en revanche supérieures à celles des Américains ou des Canadiens. Quant aux pyréthrinoïdes, la famille d’insecticides la plus utilisée dans le traitement des cultures et dans les applications domestiques, les concentrations sont plus élevées que celles observées en Allemagne, au Canada ou aux Etats-Unis. Ceci est dû à la consommation de certains aliments et l’utilisation domestique de pesticides comme le traitement antipuces des animaux domestiques ou pour le potager.
Les enfants aussi ne sont pas épargnés par cette contamination. Une enquête de Génération Futures a montré en 2014 que les cheveux d’enfants de 3 à 10 ans vivant ou allant à l’école à proximité de zones agricoles contenaient en moyenne 20 résidus de pesticides. Parmi ces molécules, certaines sont actuellement interdites en usage agricole par l’UE. Mais il semblerait que cette contamination soit également due aux traitements antipoux ou aux insecticides ménagers de type antimoustiques ou antipuces pour animaux.
A travers l’eau que nous buvons
Lors de l’épandage de pesticides, une grande partie d’entre eux est dispersée dans l’atmosphère, soit lors de leur application, soit par évaporation ou par envol à partir des plantes ou des sols sur lesquels ils ont été répandus. Disséminés par le vent parfois loin de leur lieu d’épandage, ils retombent avec les pluies directement sur les plans d’eau et sur les sols d’où ils sont ensuite drainés jusque dans les milieux aquatiques par les eaux de pluie (ruissellement et infiltration). Les pesticides sont ainsi aujourd’hui à l’origine d’une pollution diffuse qui contamine toutes les eaux continentales : cours d’eau, eaux souterraines et zones littorales. Dans une note de juillet 2013, le Commissariat général au Développement durable a révélé que 93% des cours d’eau français sont contaminés par les pesticides (principalement du glyphosate), une pollution quasi généralisée donc ! Les régions agricoles du bassin parisien, du nord et du sud-ouest sont les plus touchées. Dans 35% des cas, l’eau est même jugée impropre à la consommation humaine… En savoir plus… Et ces eaux arrivent ensuite jusqu’à notre robinet… L’eau en bouteille n’est pas non plus à l’abri ! En 2013, une étude de 60 millions de consommateurs a révélé la présence de traces de pesticides dans l’eau du robinet, mais aussi dans l’eau en bouteille. Sur les 47 bouteilles d'eau étudiées, 10 présentaient des traces de pesticides. Du buflomédil et du naftidrofuryl, deux vasodilitateurs, et des traces d'atrazine et d'hydroxyatrazine, des désherbants pourtant interdits en 2001 mais très persistants, ont été également détectés dans certaines bouteilles.
A travers notre alimentation
Les pesticides peuvent également se retrouver dans notre assiette… En juillet 2010, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié un rapport sur les résidus de pesticides présents dans les aliments consommés par les européens en 2008. Plus de 70 000 échantillons provenant de près de 200 types d’aliments différents ont été analysés. Des résidus de pesticides ont été retrouvés dans 37,9% des échantillons testés - 3,5 % d’entre eux dépassaient les limites maximales de résidus (LMR) de pesticides autorisées dans les produits alimentaires en Union Européenne. Parmi les 2 062 échantillons d’aliments pour bébés, 76 contenaient des traces de pesticides et 4 dépassaient la limite légale. En ce qui concerne les produits « biologiques », les LMR ont été dépassées pour seulement 0,9 % des échantillons analysés.
En 2013, l’EFSA, qui a renouvelé son expertise, a révélé que plus de 97 % des échantillons d’aliments testés à l’échelle européenne contenaient des résidus de pesticides – mais qu’ils respectaient les limites autorisées… Au total, plus de 77 000 échantillons d'environ 500 types différents d'aliments bruts ou traités ont été analysés pour détecter la présence de résidus de pesticides et seul 1,6% des échantillons analysés dépassaient les limites juridiques européennes (LMR). L’EFSA estime que l’exposition alimentaire à ces résidus ne présente pas de risque à long terme pour la santé des consommateurs. En revanche, pour une exposition à court terme, le rapport a montré qu’un risque ne pouvait pas être exclu pour 0,4 % des échantillons testés.
En mars 2013, l’association Générations Futures a montré que la grande majorité des aliments à base de blé contiennent des pesticides. En analysant une dizaine de produits alimentaires, elle a constaté que 75% des échantillons analysés contenaient des résidus de pesticides, sans pour autant dépasser les limites de LMR (Limite Maximale de Résidus). Il s’agissait de biscuits au blé complet, de céréales complètes, de pain complet, de pain de mie Harris, de pâtes, de viennoiserie, autrement dit, des produits à base de blé.
En juillet 2013, cette même association s’est intéressée cette fois aux fraises vendues en France en provenance de France et d’Espagne. Après avoir analysé 49 échantillons de ces fruits, Génération Futures a constaté que 91,83% d’entre eux contenaient un ou plusieurs pesticides. Le plus préoccupant, c’est que 71,42 % des fraises renfermaient des pesticides considérés comme perturbateurs endocriniens. Les limites maximales autorisées n’ont été dépassées qu’une seule fois mais des produits interdits en Europe ont été détectés comme l’endosulfan et le carbosulfan.
L’alcool peut également contenir des pesticides ! En mars 2008, les associations du Pesticides Action Network Europe (PAN-Europe) ont publié les résultats d’une campagne d’analyses réalisée sur des vins d’Europe et du monde entier. Au total, 40 bouteilles de vin rouge ont été analysées – 34 étaient issues de l’agriculture intensive et 6 de l’Agriculture Biologique. Les vins ont été sélectionnés parmi des marques à bas prix, aussi bien que parmi les marques des plus célèbres du monde. Les 34 vins conventionnels testés été contaminés par les pesticides. Les niveaux de contamination étaient dans certains cas 5 800 fois plus élevés que ceux autorisés pour l’eau potable ! Les vins « Bio », eux, ne contenaient pas de pesticides à l’exception d’un contaminé par les pulvérisations du champ voisin...
Plus récemment, l’UFC-Que-Choisir a confirmé cette contamination des vins par les pesticides en testant 92 vins sélectionnés dans toutes les régions de France. Les résultats ont montré que tous les vins testés étaient contaminés par des pesticides, même les bio ! Cependant, les quantités relevées sont largement inférieures aux seuils de toxicité appelés LMR (Limite Maximale de Résidus) établis par l’Agence Européenne des aliments (ASEA).
Des pesticides dans les salles de classes...
Une
étude menée en 2011 par Airaq, l’association de surveillance de la
qualité de l’air en Aquitaine, a en effet révélé la présence de
fongicides dans l’air ambiant de quatre établissements scolaires de la
région Aquitaine situées en zone rurale et à proximité de zones
viticoles (Saint-Emilion, Saint-Estèphe, Saint-Gervais et
Saint-Sulpice-de-Faleyrans). Dans chaque école, Airaq a détecté la
présence de fongicide dans l’air ambiant, et notamment de Folpel. Le
Folpel est un fongicide de la famille des phtamilides. Cette substance
est classée « cancérogène probable pour l’homme » par l’Agence de
Protection de l’Environnement des Etats-Unis (EPA). Pour en savoir plus, cliquez ici !
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Les agriculteurs
Si la population générale est exposée aux pesticides à travers l’eau et l’alimentation, les premières victimes sont les agriculteurs qui les utilisent quotidiennement dans le cadre professionnel. L’exposition professionnelle aux pesticides concerne entre 1 et 2 millions de personnes en France. Lors de l’épandage, du stockage et du transport de pesticides, ces personnes s’exposent à de fortes doses de pesticides, et ce, tous les jours pendant plusieurs années. La contamination peut se faire par inhalation (pulvérisation), par ingestion, ou par contact cutané.
Une enquête menée par l’association Générations Futures a révélé que l’exposition de salariés viticoles ou de voisins de vignes à des pesticides dangereux était très importante, même si ceux-ci n’ont pas manipulé les produits… L’association a prélevé et fait analyser par le laboratoire Kudzu Science des mèches de cheveux de 25 personnes : 15 salariés viticoles du bordelais, 10 non-salariés viticoles dont 5 riverains habitants à moins de 250 m des vignes du bordelais et 5 « témoins » vivants loin des vignes. Les cheveux portent la trace de l'exposition à une substance pendant trois mois. Sur les 35 molécules recherchées lors des tests, 22 ont été retrouvées au moins une fois dans les échantillons de cheveux. En moyenne, 6,6 substances différentes ont été trouvées chez les salariés viticoles, contre 0,6 chez les personnes n'exerçant pas ce métier. Autrement dit, les professionnels portent en moyenne 11 fois plus de résidus de phytosanitaires que les non professionnels habitant loin de vignes. Par ailleurs, les personnes non-professionnelles de la vigne habitant près des vignes sont plus exposées que celles habitant loin des vignes : 3 résidus de pesticides en moyenne trouvés chez les premières contre 0,6 pour les secondes, soit 5 fois plus ! Au moins 45% des molécules repérées sont classées cancérigènes possibles en Europe ou aux Etats-Unis et 36% sont suspectées d'être des perturbateurs endocriniens
Les pesticides : quelles conséquences pour la santé?
Écrit par J.Maherou
Créé le mercredi 8 janvier 2014 14:12
Les
pesticides sont utilisés pour lutter contre les insectes, les herbes ou
encore les champignons. Mais leur toxicité ne se limite pas aux seules
espèces que l’on souhaite éliminer... Ils sont également néfastes pour
l’homme et l’environnement. Si les mécanismes d’actions des pesticides
sur notre organisme sont complexes et encore mal connus, leurs effets
eux, ont été mis en évidence. Troubles de la reproduction, cancers,
troubles du système nerveux : voici un descriptif des maladies pouvant
être la conséquence d’une exposition à ces produits toxiques.
Troubles de la reproduction
Les pesticides sont des perturbateurs endocriniens,
c’est-à-dire qu’ils interfèrent avec le fonctionnement du système
hormonal et engendrent ainsi des dommages sur la personne exposée ou sur
ses descendants. Les pesticides entrainent alors des troubles de la
reproduction, et notamment des problèmes de stérilité. Si les études sur
la population générale restent rares, nombreuses sont celles qui ont
mis en évidence un lien entre l’exposition des agriculteurs et les
troubles de la reproduction.
Entre 1995 et 1998, des scientifiques de
l’INSERM[1] ont suivi une population de 225 Argentins qui avaient
consulté pour problème d’infertilité dans une des régions agricoles où
les pesticides sont fortement utilisés. Les résultats ont montré que
l’exposition aux pesticides est associée à des concentrations en
spermatozoïdes bien en dessous de la limite de la fertilité.
Chez les femmes l’exposition aux
pesticides est également un facteur de risque d’infertilité important.
Une étude[2] publiée en 2003 a montré que, dans une population de femmes
ayant des problèmes d’infertilité, le facteur de risque le plus
important était la préparation et l’utilisation de pesticides et
particulièrement d’herbicide, le risque d’infertilité étant multiplié
dans ce cas par 27 !
Une autre étude[3] a fait le lien entre
pesticides et infertilité à travers l’endométriose, une maladie
gynécologique qui touche une femme en âge de procréer sur 10. En
analysant les composés organochlorés dans le sang de 786 femmes, les
chercheurs ont constaté que celle qui étaient le plus imprégnées à deux
produits organochlorés, le bêta-hexachlorocyclohexane (béta-HCH) (un
sous-produit du lindane) et le Mirex, avaient un risque accru de
souffrir d’endométriose. Cette maladie se caractérise par la présence de
muqueuse utérine (appelé endomètre) à l’extérieur de l’utérus et se
traduit principalement par des douleurs abdominales et pendant les
rapports sexuels, des règles irrégulières et l’infertilité. En savoir plus sur cette étude...
Troubles pour le fœtus
Autre
cible vulnérable : les femmes enceintes. Elles ne sont pas épargnées
par les pesticides. En menant une étude auprès de 3 421 femmes enceintes
vivant en Bretagne, des chercheurs de l’INSERM[4] ont observé des
traces d’atrazine et un de ses métabolites dans l’urine de 5,5% des
femmes. L’atrazine est interdit en Europe depuis 2003, mais en raison de
sa persistance, il est aujourd’hui très présent dans l’environnement.
Selon cette étude, l’exposition à l’atrazine de la mère pendant sa
grossesse entraîne une diminution du poids de naissance de l’enfant et plus de risques d’avoir un enfant avec un petit périmètre crânien.
Une autre étude[5] a souligné l’apparition des malformations génitales
lors d’une exposition in utero. Elle a été réalisée au Brésil, pays
dans lequel les insecticides sont utilisés massivement car beaucoup
d’habitants vivent dans des favelas dépourvues d'égouts, où pullulent
les insectes. Pendant
deux ans, 2 710 garçons ont été examinés dans les 48 heures après
l’accouchement et les scientifiques ont recherché trois anomalies
génitales : l'absence de descente des testicules dans les bourses
(cryptorchidie), la position anormale du méat urinaire (hypospadias) et
le micropénis (défini comme de morphologie normale mais mesurant moins
de 31 mm, par rapport à la moyenne qui est de 47 mm dans cette
population). Ils ont alors identifié 56 cas de malformations génitales:
23 cas de cryptorchidie (0,85 % des garçons), 15 cas d'hypospadias (0,55
%) et 18 cas de micropénis (0,66 %). En
parallèle, l’exposition prénatale a été évaluée à l’aide d’un
questionnaire adressé aux parents. Résultats : 92 % des garçons
présentant une malformation génitale avaient subi une exposition durant
la période fœtale ! De plus, 80 % des mères et 58 % des pères avaient eu
une ou plusieurs activités professionnelles impliquant l'usage de
pesticides ou d'autres perturbateurs endocriniens.
Enfin, les pesticides peuvent impacter sur le développement du cerveau des enfants exposés in utero. Ces sont les conclusions d’une étude américaine publiée en 2012.
Les auteurs se sont intéressés aux taux de CPF (Chlorpyriphos-éthyl)
dans le sang du cordon ombilical car ils constituent un bon indicateur
de l'exposition de la mère durant les dernières semaines de grossesse.
En comparant 20 enfants de 6 à 11 ans qui avaient les niveaux
d'exposition fœtale au CPF le plus élevé à 20 enfants du même âge moins
exposés, les scientifiques ont observé un développement cérébral altéré
chez le premier groupe. Les cerveaux de ces enfants présentaient
plusieurs types d'anomalies : un élargissement de certaines régions,
associé à de moins bonnes performances aux tests cognitifs à l'âge de 7
ans ainsi qu'une diminution de l'épaisseur du cortex frontal et
pariétal. Le CPF, présent dans de nombreux pesticides, inhibe
l'acétylcholinestérase, l'enzyme qui dégrade l'acétylcholine, un des
principaux neurotransmetteurs excitateurs du cerveau. Ce pesticide
augmenterait ainsi la quantité d'acétylcholine dans le cerveau. Ces
anomalies cérébrales trouvées chez ces enfants pourraient être associées
à des troubles neurocognitifs ou neuropsychologiques durables…
Troubles neurologiques
Cet
impact sur la structure du cerveau entraine des altérations des
fonctions et du développement du système nerveux, du fœtus, de l’enfant
et de l’adulte. Une étude[6] publiée en 2012 a d’ailleurs démontré que l’exposition professionnelle aux pesticides chez les ouvriers viticoles girondins pouvait réduire les capacités cognitives.
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont suivi pendant au
moins 12 ans, 929 personnes âgés de 42 à 57 ans. Les personnes exposées
aux pesticides présentaient des performances altérées aux tests
neurocomportementaux par rapport aux personnes non-exposées. Les
altérations touchaient plus particulièrement les fonctions les plus
fines de la cognition : attention, conceptualisation et attention
contrôlée.
Déjà en 1998, une étude[7] avait montré
que des populations d’enfants âgés de 4 à 5 ans exposés à des pesticides
avaient une moins bonne coordination motrice, une mémoire à trente
minutes moins bonne et de moins bonnes aptitudes à dessiner. Toujours
chez l’enfant, une étude[8] a révélé que l'exposition aux pesticides
pourrait être associée à l'apparition d'un trouble d'hyperactivité avec
déficit de l'attention (THADA). L’exposition aux organophosphorés
pendant l’enfance pourrait ainsi avoir des effets persistants sur le
système nerveux et provoquer des troubles de l’attention et un déficit
cognitif. D’autres études[9] ont mis en évidence des effets neuro-cognitifs des pesticides tels que des troubles de la mémoire, l’anxiété, l’irritabilité, l’agressivité et la dépression.
Parkinson
Ces effets nocifs sur le système nerveux central peuvent jouer un rôle dans l’apparition de la maladie de Parkinson. Une étude[10] publiée en 2011
a en effet montré le lien entre pesticides et cette pathologie. Au
total, 808 personnes ont été interrogées sur leurs habitudes de vie,
leur emploi, leur consommation de médicaments et leur exposition aux
pesticides. Parmi les participants, 403 patients atteints de la maladie
de Parkinson, et 405 personnes dans le groupe témoin. La comparaison
entre les deux groupes a montré que l’exposition aux pesticides reportée
par les sujets augmente d’un facteur 1,76 le risque de développer la
maladie de Parkinson. Chez les agriculteurs, le facteur de risque est de
2,47 ! En avril 2009, une autre étude[11] avait montré qu’habiter à
moins de 500 mètres de surfaces agricoles sur lesquelles des pesticides
ont été épandus augmente le risque de Parkinson de 75 % ! Et le risque
de développer la maladie avant 60 ans (cas plus rares) est même
multiplié par 4 !
Alzheimer
Si de nombreux facteurs de risques tels
que l’âge ou la génétique sont impliqués dans le déclenchement de la
maladie d’Alzheimer, il semblerait que l’exposition aux pesticides joue
également un rôle. Selon une étude[12] américaine publiée en mai 2010,
les personnes exposées ont respectivement 38% et 42% de risques en plus d’être atteint de démence et de la maladie d’Alzheimer que les personnes non-exposées.
Une autre étude[17]
a pointé du doigt le dichlorodiphényltrichloroéthane (DTT pour les
intimes). Il s’agit d’un insecticide interdit en France depuis 1972 mais
qui est encore présent dans notre environnement en raison de ses
propriétés persistantes : il est très stable et peu biodégradable. Cela
signifie que nous y sommes encore aujourd’hui exposés, notamment via
notre alimentation (les fruits, les légumes, les céréales, etc.). Menée
sur 86 patients de plus de 60 ans atteints de la maladie d’Alzheimer et
79 personnes en bonne santé, cette étude a révélé que les participants malades avaient presque 4 fois plus de DDE
(un composant qui reste dans l’organisme après que le DDT ait été
métabolisé) dans le sang que les personnes non-malades. Les chercheurs
ont ensuite soumis des cultures de cellules neuronales en laboratoire à
des concentrations élevées de DDE similaires à celles retrouvées chez
les personnes dont les teneurs dans le sang étaient les plus élevées.
Ils ont alors observé une augmentation d'une substance clé pour la formation de protéines qui forment des plaques dans le cerveau, caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.
Cancers
Plusieurs études montrent que l’exposition aux pesticides augmenterait
le risque de développer certains cancers, dont le lymphome
non-Hodgkinien (NHL), le sarcome, la leucémie, le cancer de la prostate
et le cancer du cerveau. S’ajoutent à ces informations les
résultats de recherches émergeantes, qui indiquent également que
l’exposition aux pesticides jouerait un rôle dans des cancers
hormono-dépendants, dont celui de la prostate, du sein ou des
testicules.
D’ailleurs, en juin 2013, une étude[13] de l’Inserm
a confirmé ce lien entre pesticides et cancers. Après avoir analysé les
données de la littérature scientifique internationale publiées au cours
des 30 dernières années, les experts ont conclu qu’il existait une
association positive entre exposition professionnelle à des pesticides
et certaines pathologies chez l’adulte : la maladie de Parkinson, le
cancer de la prostate, et certains cancers hématopoïétiques (lymphome
non hodgkinien, myélomes multiples).
Pour ces derniers, les principaux
pesticides suspectés sont les organophosphorés et certains organochlorés
(lindane, DDT). Pour les cancers de la prostate, il existe une
augmentation du risque de 12 à 28% chez les agriculteurs, les ouvriers
d’usines de production de pesticides et les populations rurales.
Selon une étude[14] conduite dans le
sud-ouest viticole français, les agriculteurs exposés à de forts niveaux
de pesticides, mais aussi ceux qui les utilisent pour leurs plantes
d'intérieur, ont un plus grand risque de développer une tumeur
cérébrale. L'étude a porté sur 221 adultes domiciliés en Gironde ayant
une tumeur cérébrale et 442 témoins non malades. Les chercheurs ont
alors constaté que chez les agriculteurs exposés aux niveaux les plus
élevés, le risque est plus que doublé, toutes tumeurs cérébrales
confondues. Il est même multiplié par plus de trois si l'on ne considère
que les gliomes, les tumeurs du cerveau les plus fréquentes chez
l'adulte. Le risque de développer une tumeur cérébrale serait aussi plus
que doublé pour les personnes qui traitent leurs plantes d'intérieur
avec des pesticides.
Ces études sur le lien entre pesticides
et cancer ont mené le CIRC (Centre International de Recherche sur le
Cancer) à classer certains pesticides :
Pesticides | Classement par le CIRC |
application professionnelle d’insecticides non arsenicaux | groupe cancérogène probable (groupe 2A) |
arsenic | cancérogène certain (groupe 1) |
captafol et dibromure d’éthylène | cancérogènes probables (groupe 2A) |
dix-huit molécules, dont le DDT | cancérogènes possibles (groupe 2B) |
L’étude AGRICAN (AGRIculture et CANcer)
L'étude AGRICAN
est une vaste étude, coordonnée par le Dr Pierre Lebailly du GRECAN
(Groupe Régionale d’Etudes sur le Cancer) dont l’objectif était
d’étudier le risque de cancer en milieu agricole en France en suivant
une population agricole en activité ou à la retraite. Elle concerne les
personnes affiliées à la Mutualité Sociale Agricole (MSA) des
départements couverts par un ou plusieurs registres de cancer.
La première phase, qui a débuté en
septembre 2005 a consisté à envoyer un questionnaire à plus de 600 000
personnes afin de recueillir leur histoire professionnelle, leur état de
santé générale ainsi que certaines de leurs habitudes de vie : 180 000
personnes (constituant la cohorte de cette étude) ont répondu au
questionnaire.
Les premiers résultats de cette étude, publiés en juin 2011 concernent différents aspects :
- l’obésité : les hommes et les femmes de la cohorte sont plus souvent en surpoids que la population générale.
- la bronchite chronique
: près d’une personne sur dix déclarait souffrir de bronchite
chronique, la fréquence augmentait avec l’âge mais aussi avec
l’ancienneté et l’intensité du tabagisme.
- mortalité générale :
les membres de la cohorte ont une plus grande espérance de vie que la
population générale quel que soit la cause de décès mais la cause n’a
pas été précisée.
- mortalité par type de cancers
: il a été observé une sous-mortalité de cancer de la cohorte par
rapport à la population générale pour de nombreux cancers, notamment
ceux liés au tabagisme : lèvres, colon, anus, foie, pancréas, poumons,
vessie, rein... En revanche des excès ont été observés pour les
mélanomes malins de la peau chez deux sexes, du cancer du sein chez les
hommes – même s’il reste très rare - et des cancers de l’œsophage, de
l’estomac et du sang chez les femmes.
- intoxication à un pesticide
: les hommes utilisateurs de pesticides ont déclaré plus souvent une
intoxication à un pesticide (8,7 %) que les femmes utilisatrices (5,1%)
quelle que soit l’activité agricole. Près de la moitié de ces
intoxications ont entraîné une consultation chez un professionnel de
santé, voire une hospitalisation.
La biodiversité également victimes des pesticides
Nous ne sommes pas les seules victimes des pesticides. Les écosystèmes subissent aussi leurs effets, ce qui à terme pourrait perturber la chaine alimentaire.
Ce sont les conclusions d’une étude[15] américaine publiée en 2013. En
Allemagne, en France et en Australie, les chercheurs ont observé une
réduction de 42 % des populations d'insectes et autres formes de vie
dans les rivières et ruisseaux fortement contaminées par des pesticides
par rapport à celles qui ne le sont pas. Cette disparition concerne
notamment des libellules et des mouches éphémères, des insectes
importants dans la chaîne alimentaire, aussi bien pour les poissons que
pour les oiseaux. En savoir plus sur cette étude.
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Mortalité
Selon les résultats d’une étude[16]
menée par une équipe de chercheurs américains, une exposition aux
pesticides, métaux et solvants, augmenterait de façon significative le
risque de mortalité quinze ans plus tard. Les chercheurs ont suivi des
hommes américains d’origine japonaise d’une cinquantaine d’années. Au
total, 4 485 morts ont été dénombrées parmi les participants. La
mortalité était significativement corrélée à l’exposition aux pesticides
quel que soit la cause : toutes causes confondues, maladies
circulatoires, crise cardiaque, cancers. En savoir plus sur cette étude…
Les algues vertes
L’usage
des pesticides peut avoir des conséquences à long terme sur
l’environnement : pollution des eaux, des sols, mais aussi prolifération
des algues vertes. Depuis 30 ans, ces algues envahissent les côtes
bretonnes. Cette pollution est due à un excès de nitrates provenant des
pesticides agricoles ou industriels, et à la configuration des baies qui
favorise le développement des algues. Sur les plages, celles-ci
dégagent de grandes quantités de gaz lors de leur putréfaction,
notamment de sulfure d’hydrogène (H2S), caractérisé par une odeur «
d’œuf pourri ». Ce gaz est un irritant des voies respiratoires, un
neurotoxique par asphyxie et qui pourrait être à l'origine du
déclanchement du syndrôme MCS (Hypersensibilité Chimique Multiple).
Durant
l’été 2011, une mortalité importante de sangliers ainsi que de
blaireaux et de ragondins a été constatée sur la plage de Morieux, dans
l’estuaire et dans les alentours du Gouessant, cours d’eau des côtes
d’Armor. L’hypothèse de l’intoxication par l’H2S est très probable.
En
ce qui concerne les risques pour l’homme, selon l’INERIS, pour des
expositions de longues durées et de faibles concentrations, les effets
olfactifs de l’H2S interviennent à des doses très inférieures à celles
entraînant des effets sur la santé.
Par
contre, pour une forte exposition à courte durée à laquelle par exemple
sont soumis les randonneurs ou les promeneurs, les risques pour la
santé sont plus inquiétants. En effet, les concentrations mesurées se
situent à des niveaux pour lesquels des effets ont été observés sur
l’homme, notamment l’anesthésie de l’odorat, au-delà d’une heure
d’exposition en continu sur des zones de dépôts d’algues. Pour en savoir
plus, consultez notre article. Pour la protection du public et des travailleurs chargés du ramassage, en 2010, l’Anses a émis des recommandations. Pour les consulter, cliquez ici.
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Les dangers des pesticides dénoncés par le Sénat
En octobre 2012, le Sénat a présenté un
rapport dénonçant les risques sanitaires des pesticides pour les
utilisateurs: dermatoses, problèmes respiratoires, troubles
neurologiques et cognitifs, cancers... Au terme de 7 mois de travail
durant lesquels 205 personnes ont été entendues, les Sénateurs ont
estimé que les dangers et les risques des pesticides pour la santé
étaient sous-évalués. Ils ont déploré également le manque de suivi des
produits après leur mise sur le marché.
Ils ont ainsi proposé une centaine de
recommandations parmi lesquelles figurent celles ayant pour but
d’amélioration la connaissance des risques sanitaires: généraliser les
registres de cancer; harmoniser les informations collectées par l’Anses,
l’InVS, les mutuelles, développer la recherche pluridisciplinaire sur
les liens entre exposition et maladies.
Les Sénateurs recommandent également le
renforcement du contrôle des nouvelles substances, en prenant notamment
en compte le critère de perturbateur endocrinien, ou encore le
classement d'un produit comme cancérogène dès la reconnaissance de cet
effet chez l'animal.
En octobre 2013, le sénateur Europe Ecologie Les Verts (EELV) Joël Labbé a déposé une proposition de loi visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national. Il a demandé aux collectivités
territoriales, mais également à l'Etat et aux autres organismes publics
gérant des espaces verts et naturels de cesser d'utiliser des
pesticides d'ici au 1er janvier 2018 et d'interdire la vente de
pesticides aux particuliers d'ici cette même date. Il demande
aussi de développer les alternatives aux pesticides en favorisant le
développement des préparations naturelles peu préoccupantes (PNNP). Ces
produits existent, il convient donc de comprendre dans un premier temps
quels sont les freins à leur développement.
La toxicité des pesticides sous-estimée
Une étude[18] du Pr Gilles Séralini
a montré que les pesticides seraient encore plus toxiques que ce qui
est indiqué lors de leur commercialisation. En cause : les adjuvants
utilisés pour leurs formulations. Les auteurs ont mis en contact des
cellules humaines avec neufs pesticides. Résultats : huit d’entre eux sont jusqu'à 1 000 fois plus toxiques que leurs substances actives sur les cellules humaines.
Le problème, c’est que seule la substance active est évaluée
toxicologiquement avant l'autorisation de mise sur le marché. Ces
résultats remettent donc en cause la pertinence de la DJA (Dose
Journalière Admissible) pour les pesticides et suggèrent que la toxicité des pesticides est grandement sous-estimée par les agences sanitaires.
Selon les chercheurs, cela peut entrainer des limites maximales de
résidus autorisés erronées et mettre en danger les populations exposées.
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Des troubles de la reproduction aux
troubles neurologiques en passant par le cancer, les pesticides peuvent
être à l’origine de nombreuses pathologies. Même si certains sont
désormais interdits, beaucoup de pesticides restent encore autorisés en
France et en Europe et continue à intoxiquer les populations, et
notamment les agriculteurs. Il est donc nécessaire que les pouvoirs
publics reconnaissent la toxicité des pesticides. Le Sénat a déjà fait
le premier pas, c’est un bon début…
Zoom sur les pesticides les plus connus !
Écrit par J.Maherou
Créé le mardi 6 mai 2014 16:05
Les
pesticides ont en général mauvaise réputation mais certains en
particulier font beaucoup parler d’eux en raison de leur toxicité avérée
sur les hommes, les animaux ou les écosystèmes. C’est le cas du
chlordécone, utilisé pour les bananes aux Antilles, du Cruiser et du
Firponil, interdits en Europe car nocifs pour les abeilles ou encore du
Roundup dont la toxicité a été révélé publiquement entre autre par les
études du Pr Séralini… Zoom sur ces pesticides qui ont défrayé la
chronique…
Le chlordécone
Le chlordécone est un insecticide
organochloré utilisé pendant longtemps et de façon intensive en
Martinique et en Guadeloupe pour lutter contre le charançon du bananier.
Très stable dans l'environnement, il est à l'origine d'une importante
pollution des sols et des eaux et de la contamination de certaines
denrées animales et végétales. De ce fait, même s’il n’est plus autorisé
aujourd’hui, les habitants de ces régions y sont toujours exposés.
Histoire d’un pesticide trop longtemps autorisé
En
1972, alors que rien n’est venu confirmer son innocuité pour
l’environnement et la santé, la France autorise le chlordécone pour une
durée d’un an. Finalement, cette autorisation provisoire ne sera
réexaminée qu’en 1976 mais le gouvernement ne prononce pas
d’interdiction, ni même de restriction ! La même année, les USA
interdisent ce pesticide suite à l’intoxication des ouvriers d’une usine
de chlordécone en Virginie aux USA due à des fuites accidentelles.
En 1981, certaines recherches mettent en
évidence les effets nocifs du chlordécone pour la santé et
l’environnement. A l’époque, les risques sont non prouvés, mais
fortement plausibles. Pourtant, cette même année, la commission autorise
officiellement le Curlone, un pesticide dont la substance active est le
chlordécone. Les membres de la Commission des Toxiques considèrent que
compte tenu de l’intérêt de cette molécule et de l’absence de solution
alternative, les connaissances sur les risques ne sont pas suffisantes
pour s’opposer à son homologation... les risques suspectés ne permettent
pas de contrebalancer les intérêts agronomiques avérés. Le chlordécone
finit tout de même par être interdit en 1990 en France...avec une
dérogation pour les Antilles où il est autorisé jusqu’en 1993 !!!
Pourquoi ? L’intérêt est purement économique : s’il y avait bien des
produits de substitution pour les autres cultures, il n’y en avait
toujours pas pour la banane...
Le chlordécone : quels risques pour la santé ?
Le chlordécone est un insecticide
reconnu comme perturbateur endocrinien et classé 2B (cancérigène
possible chez l’homme) par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé)
depuis 1979. De nombreuses études épidémiologiques ont montré le lien
entre l’exposition au chlordécone et le cancer, dont une de l’INSERM[1]
publiée en 2010. Les chercheurs ont comparé les caractéristiques de 709
personnes nouvellement atteintes de cancer de la prostate à 723 sujets
constituants le groupe témoin, tous originaires des Caraïbes
(Guadeloupe, Martinique, Haïti, Dominique). L’exposition au chlordécone
des participants a été évaluée par des analyses de la molécule dans le
sang. Les résultats ont montré que l’exposition au chlordécone est
associée à un risque augmenté de développer la maladie. Le risque
augmente particulièrement lorsque les concentrations sanguines en
chlordécone sont supérieures à 1 μg/L.
Une autre étude[2] toujours réalisée par
l’INSERM a montré que le chlordécone avait un impact sur le
développement cognitif, visuel et moteur de très jeunes enfants. Au
total, 1 042 femmes ont été suivies pendant et après leur grossesse et
153 nourrissons ont fait l’objet d’un suivi à l’âge de 7 mois.
L’exposition prénatale au chlordécone a été estimée par son dosage
sanguin dans le sang du cordon. L’exposition post-natale a, quant à
elle, été estimée par son dosage dans le lait maternel ainsi que par la
fréquence de consommation par les nourrissons de denrées alimentaires
susceptibles d’être contaminées par le chlordécone. La mémoire visuelle,
l’acuité visuelle et le développement moteur des nourrissons ont été
testés. Résultats : les enfants ayant été exposés au chlordécone pendant
la grossesse ont présenté moins d’attention visuelle que les autres.
Ils sont aussi moins habiles à saisir un objet entre leur main. Chez les
enfants exposés après la naissance, les chercheurs ont noté une
réduction de la vitesse d’acquisition visuelle. Plus récemment, la même
équipe de chercheurs[18] a montré un lien entre l’exposition des femmes
enceintes au chlordécone et un risque accru de naissances prématurées.
En suivant 818 guadeloupéennes au cours de leur troisième trimestre de
grossesse entre 2005 et 2007, ils ont constaté que la durée de gestation
est plus courte (-0,27 semaines) et le risque de naissances prématurées
est augmenté de 60% chez les femmes présentant le taux sanguin de
chlordécone le plus élevé. Si cet effet peut paraitre modeste, il peut
devenir plus important avec l’exposition à d’autres polluants ou si
d'autres facteurs de prématurité interviennent. Les chercheurs incitent
donc à mettre en place de moyens d’informations destinés aux femmes
enceintes sur les types d’aliments à éviter pendant leurs grossesses. En savoir plus sur cette étude.
Pour aller plus loin, consultez notre article « Chlordécone : chronologie d’un scandale sanitaire ».
Les pesticides tueurs d’abeilles
Les néonicotinoides sont une famille
d’insecticides agissant sur le système nerveux des insectes. Ce sont les
pesticides les plus utilisés à travers le monde mais ils sont suspectés
d’être à l’origine du déclin des abeilles, des insectes vitaux pour
notre écosystème et notre survie. D’ailleurs, en janvier 2013,
l’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA) a publié un avis
plutôt inquiétant sur l'impact de trois pesticides de cette famille : le
clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame. Selon l'autorité,
ces pesticides commercialisés sous les noms de Gaucho, Cruiser, Poncho,
Nuprid, ou encore Argento, présenteraient un risque élevé pour les
abeilles. Cliquez ici pour en savoir plus.
Ainsi,
la Commission européenne a tenté en mars 2013 d’interdire ces trois
pesticides mais elle n’avait pas obtenu la majorité. Elle a alors fait
appel et en avril 2013, quinze États, dont la France et l'Allemagne, ont
voté en faveur de la suspension pendant 2 ans de ces trois
insecticides. Cette interdiction provisoire a pris effet à partir du 1er
juillet 2013 dans toute l’Union européenne, et elle concernera quatre
grands types de cultures : le maïs, le colza, le tournesol et le coton.
Mais seulement pendant certaines périodes de l'année pendant lesquelles
les abeilles sont actives. Pour aller plus loin, vous pouvez consulter notre article en cliquant ici !
En juillet 2013, l’Union européenne a
aussi interdit un autre insecticide, le fipronil qui lui fait partie de
la famille des phénylpyrazoles. A partir du 31 décembre 2013, son usage
sera banni pour deux ans pour le traitement des semences de maïs et
tournesols. Il ne pourra plus être utilisé que pour certaines cultures
sous serre, excluant les poireaux, oignons et brassicacées (choux,
radis...). Cette insecticide avaient lui aussi été identifié comme
présentant un risque élevé pour les abeilles par l’EFSA en mai 2013[3].
Focus sur le Cruiser
Le Cruiser est le nom commercial du
thiaméthoxame, un des insecticides appartenant à la famille des
néonicotinoïdes et utilisé pour l’enrobage des semences. Ce pesticide a
beaucoup fait parler de lui en 2012 après que Gérard Bapt, député PS de Haute Garonne, ait demandé son interdiction définitive en France.
Cette demande s’est appuyée sur les conclusions d’une étude[4] de
l’INRA (Institut Nationale de la Recherche Agronomique) publiée en mars
2012 montrant que le thiamétoxame avait des effets sur le comportement
des abeilles. Pour réaliser cette étude, les scientifiques ont collé des
micropuces RFID sur le thorax de plus de 650 abeilles afin de contrôler
individuellement les entrées ou les sorties de la ruche grâce à une
série de capteurs électroniques. La moitié des individus a été nourrie
avec une solution sucrée contenant une dose très faible de
thiaméthoxame, comparable à celle que les abeilles peuvent rencontrer
dans leur activité quotidienne de butinage de nectar sur une culture
traitée. L’autre moitié constituant le groupe témoin, a reçu une
solution sucrée sans insecticide. Les abeilles ont ensuite été relâchées
à 1 kilomètre de leur ruche, distance habituelle de butinage chez les
abeilles domestiques. En comparant les deux groupes d’abeilles, les
chercheurs ont constaté un taux significatif de non-retour à la ruche
des abeilles du premier groupe par un phénomène de désorientation. Cette
disparition liée à l'insecticide aboutit à une mortalité journalière de
25% à 50% chez les butineuses intoxiquées, alors que le taux normal de
mortalité journalière est d’environ 15% des butineuses. Ces travaux ont
ainsi montré que l’exposition à une faible dose et bien inférieure à la
dose létale de cette molécule entraîne une disparition des abeilles deux
à trois fois supérieure à la normale.
La désorientation des abeilles peut les
rendre aussi plus vulnérables à d’autres facteurs tels que les
pathogènes ou les variations de la disponibilité des ressources florales
naturelles. Et à long terme, c’est toute la biodiversité qui pourrait
être menacée ! Consultez notre article pour en savoir plus sur cette étude.
Suite à cette étude, le ministre de l'Agriculture d'alors, Bruno Le
Maire, avait demandé au comité d'experts spécialisé sur les produits
phytosanitaires de l'Agence de sécurité sanitaire (Anses) un réexamen de
l'autorisation du Cruiser. L’avis de l’Anses, rendu public en mai 2012 a
confirmé que le Cruiser pouvait avoir un impact sur le comportement des
abeilles et ainsi contribuer à leur déclin.
Face à ces conclusions, le ministre de
l’agriculture Stéphane Le Foll, a annoncé vendredi 29 juin 2012
l’interdiction définitive en France du pesticide Cruiser devenant ainsi
le premier pays à interdire l'usage de ce produit en Europe. En savoir plus...
Le Round up
Commercialisé
par la firme Monsanto depuis 1975, le «Roundup» est l’herbicide le plus
vendu au monde. Son principe actif est le glyphosate, un herbicide qui
s'attaque directement au cœur des plantes. Ce produit est classé «
dangereux pour l’environnement et toxique pour les organismes aquatiques
» par la Commission européenne. Au-delà de ces impacts sur
l’environnement, le Roundup est suspecté d’avoir des effets sur la
reproduction et d’être cancérigène. En effet, trois études[5][6] ont
suggéré une association entre l'utilisation de glyphosate et le risque
du lymphome non-hodgkinien tandis qu’une autre étude[7] menée dans les
états de l'Iowa et de la Caroline du Nord a suggère un lien entre
l'utilisation de glyphosate et le myélome multiple.
Pour les femmes enceintes, le risque est
également important. En 1997, une étude[8] épidémiologique conduite
dans l'Ontario et portant sur des populations d'agriculteurs a montré
que l'exposition de ceux-ci (que ce soit le père ou la mère) au
glyphosate avait presque doublé le risque des avortements spontanés
tardifs.
Et le glyphosate est même là où on ne l’attend pas. Une étude[19] récente
a en effet montré qu’il aurait un lien avec l’intolérance au gluten.
Egalement connue sous le nom de maladie cœliaque, cette pathologie
concerne 500 000 personnes en France. Elle se manifeste par des douleurs
abdominales, une diarrhée chronique, un amaigrissement, des pathologies
osseuses, de l'anémie et de la fatigue. Un seul traitement existe : un
régime sans gluten à vie. Pas facile pourtant, car cette substance est
présente dans de nombreux aliments de notre quotidien : céréales, pâtes,
pain, semoule, gâteaux, etc. En exposant des poissons d'eau douce au
glyphosate, les chercheurs ont constaté qu’ils développaient des
problèmes digestifs qui rappellent la maladie cœliaque. Cette maladie
est associée à des déséquilibres dans les bactéries intestinales. Or, le
glyphosate peut agir sur les bactéries de l'intestin. Les carences en
fer, le cobalt, le molybdène, le cuivre et d'autres métaux rares
associés à cette pathologie peuvent également être attribuées au
glyphosate car il est capable d’empêcher ces éléments de se fixer.
Les études du Professeur Seralini
Le Pr Gilles-Eric Seralini, chercheur à
l’Institut de Biologie Fondamentale et Appliquée (IBFA) de l'Université
de Caen s’est intéressé de près à la toxicité de ce pesticide. En 2005,
il a mené une première étude[9] qui avait montré que le glyphosate avait
un effet toxique sur des cellules du placenta humain à des
concentrations de glyphosate inférieures à celles utilisées en
agriculture. Elle avait également montré que cet effet augmente avec la
concentration et en présence des adjuvants du Roundup. En 2009, il a
publié une autre étude[10] révélant que la toxicité du glyphosate était
plus importante dans le produit commercialisé en raison de l’excipient
utilisé. Publiée dans la revue scientifique américaine de renom
«Chemical Research in Toxicology», cette étude a démontré les mécanismes
de la toxicité de quatre différentes formulations de « Roundup » sur
des cellules humaines.
En publiant en 2011 une autre étude[11]
dans la revue Toxicology in vitro, ce chercheur a encore une fois mis en
évidence la toxicité du Roundup. Cette étude a démontré que le
glyphosate induirait des nécroses et la mort de cellules testiculaires
de rats à des doses comprises entre 50 et 10000 ppm. De plus, les
chercheurs ont constaté qu’à très faibles doses (1ppm), le glyphosate
entrainait des perturbations hormonales des cellules testiculaires
induisant des perturbations de la reproduction et du nombre de
spermatozoïdes. Ces effets se traduisent par une baisse de 35% de la
fertilité !
La dernière étude[12] du Pr Gilles-Eric
Seralini publiée en septembre 2012 a relancé le débat sur les OGM, mais a
aussi fait polémique au sein du monde scientifique pendant plusieurs
semaines. Son étude a mis en lumière la toxicité combiné du maïs OGM
avec du Round up sur des rats, même à faible dose. Pendant deux ans, le
chercheur et son équipe ont étudié, quasi-clandestinement, 10 groupes de
20 rats dont certains étaient soumis à des différentes doses de maïs
transgénique OGM NK603, d’autres étaient soumis différentes doses de
maïs transgénique OGM NK603 et du Roundup, et d’autres encore étaient
alimentés avec une eau contenant de faibles doses de Roundup présent
dans les champs OGM. Quant au groupe témoin, il a été nourri avec la
variété de maïs non transgénique la plus proche de l'OGM testé, sans
traitement à l'herbicide.
Au bout du 13ème mois, les groupes de
rats étant nourris aux OGM ou au Round Up ont été frappés par une
multitude de pathologies lourdes (anomalies sévères, tumeurs mammaires).
Quant à la mortalité, elle a également été accrue dans l'ensemble des
groupes traités. Dans le groupe témoin, 30% des mâles et 20 % des
femelles sont morts prématurément, contre 50 % des mâles et 70 % des
femelles dans des groupes nourris avec l'OGM.
Selon le Dr Joël Spiroux, directeur
adjoint de l’étude mais aussi président de l’Association Santé
Environnement Grand Ouest, le système métabolique et les organes des
rats fonctionnent à peu près comme les nôtres. Quand des signes de
toxicité apparaissent sur eux, on peut penser qu’ils peuvent se
reproduire valablement chez l’homme…
Pour en savoir plus sur cette étude, consultez notre article en cliquant ici !
Le diflubenzuron
Le diflubenzuron est un pesticide
couramment utilisé en agriculture, qui, comme l’ensemble des pesticides,
présente des risques pour la santé. En France, l’usage du diflubenzuron
est autorisé pour lutter contre différents insectes, notamment les
papillons (carpocapses, bombyx).
Le
diflubenzuron est aussi donné aux poissons d’élevage comme le saumon
pour lutter contre le pou de mer, notamment en Norvège. Cette pratique
pose donc un problème au niveau sanitaire lors de la consommation de
poisson. Si les doses recommandées sont bien appliquées dans les
élevages, la dose[13] journalière acceptable pour l’homme (0,02 mg/kg de
poids corporel) n’est pas dépassée... En revanche, le diflubenzuron
peut présenter des risques lorsqu’il est présent dans l’eau. En effet,
dans les régions où sévit le paludisme, le diflubenzuron peut être
dissout dans l’eau potable pour éviter la multiplication des moustiques
vecteurs de maladies. Il agit comme un inhibiteur de la fabrication de
la chitine, molécule complexe qui forme l’exosquelette des insectes.
L’OMS recommande de dissoudre le diflubenzuron dans l’eau potable (à
raison de 0,25 mg/l)[14] pour tuer les larves qui se développent dans
les points d’eau stagnante. Pour un adulte de 60 kg qui boit 2 litres de
cette eau par jour, la dose journalière acceptable n’est pas dépassée.
Mais pour les enfants de moins de 10 kg qui boivent un litre d’eau, la
dose journalière est alors de 0,025 mg/kg de poids corporel, soit une
dose légèrement supérieure à celle recommandée. Cependant selon l’OMS,
dépasser les doses journalières acceptables n’entraine pas forcément
d’effets indésirables. On peut alors légitimement se demander à quoi
sert de fixer une dose journalière acceptable…. D’autant que des études
l’ont prouvé, ce pesticide n’est pas inoffensif. Le diflubenzuron peut
provoquer des effets hématologiques. Par un moyen encore inconnu, elle
provoque une augmentation de la concentration sanguine en méthémoglobine
(dérivé de l’hémoglobine). Des études de toxicité ont montré qu’une
administration orale répétée sur des souris, des rats ou des chiens peut
entrainer des effets sur le foie et la rate, surtout chez les
chiens[15].
Ce n’est pas l’avis de l’OMS qui, dans
un rapport[16] de 2006, considère le diflubenzuron comme très peu
toxique, la dose létale 50 (DL50 = dose causant la mort de 50 % des
animaux) chez la souris étant supérieure à 4,5 g/kg de poids corporel.
Suivant les études réalisées sur les animaux (souris, chien, rat,
lapin), aucun indice ne permet de supposer que la substance soit
génotoxique ou carcinogénique. Elle n’est pas non plus fœtotoxique, ni
tératogénique (ne provoque pas de malformations congénitales), et
n’aurait pas d’effet sur la reproduction. Les jeunes animaux ne seraient
pas plus sensibles que les adultes. Mais en 2009, l’Autorité Européenne
de Sécurité Alimentaire (EFSA) a indiqué que le diflubenzuron est
«hautement toxique pour les organismes aquatiques»[17]. Lorsqu’un
organisme ingère du diflubenzuron, la PCA (4-chloroaniline) se forme
dans son estomac et son intestin. Or, selon l’EPA et l’Ineris (Institut
national de l’environnement industriel et des risques), cette substance
est considérée comme cancérigène pour l’homme. Pour en savoir plus,
consulter notre article « Zoom sur le diflubenzuron, un pesticide toxique ».
Les OGM : solution pour demain ou catastrophe annoncée ?
Écrit par J.Maherou, S. Norest & L.Ferrer
Créé le samedi 12 avril 2014 07:46
À
l’origine, les organismes génétiquement modifiés (OGM) ont été créés
pour augmenter la production agricole et simplifier le travail au champ.
Mais aujourd’hui, on ne parle plus d'OGM sans lancer un débat passionné
entre les défenseurs des OGM et leurs opposants. La raison ? Les
risques potentiels pour la santé et l’environnement, mais aussi, les
questions liées à la marchandisation du vivant…. Les OGM
représentent-ils vraiment des risques pour la santé et l’environnement ?
Peut-on s’en préserver ? L’ASEF fait le point…
Définition
D’après la directive européenne 90/220 rectifiée par la directive ultérieure 2001/18, «un OGM est un organisme, à l'exception des êtres humains, dont le matériel génétique, l’ADN, a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle».
En d’autres termes, c’est un organisme dans lequel a été inséré un gène
étranger et absent à l'état sauvage, ou dont l'expression d'un gène a
été volontairement modifiée pour lui apporter une fonction nouvelle. Les
gènes introduits peuvent provenir de n'importe quel type d'organisme du
fait de l'universalité du code génétique. Cette technique peut être
appliquée aux microorganismes, aux végétaux et aux animaux.
Les deux types d’OGM les plus fréquents[1]
Deux principales propriétés sont ajoutées aux plantes transgéniques cultivées aujourd’hui : la tolérance à un herbicide et la production d’une toxine protégeant contre les insectes. Certaines plantes peuvent même cumuler ces deux caractéristiques.
Les OGM tolérant à un herbicide
Le soja tolérant à un herbicide total
est la plante transgénique la plus courante. Cette propriété est obtenue
grâce à l’insertion d’un gène microbien dans les cellules de la plante.
(cf. schéma ci-contre et légende). On peut ainsi arroser les cultures
de pesticides sans crainte que cela ne tue à la fois les « nuisibles »
et les cultures….
En général, les entreprises qui
produisent ce type d’OGM fabriquent également l’herbicide
correspondant….. C’est par exemple le cas du Groupe Monsanto, qui
fabrique le soja OGM supportant le Roundup, dont la substance active est
le glyphosate, qu’il commercialise également.
Le gène ajouté code pour une enzyme
appelée EPSPS (en rose). Lorsqu’on pulvérise de l’herbicide sur le soja,
sa substance active pénètre dans les cellules de la feuille. Il bloque
l’enzyme végétale (en vert) mais pas l’enzyme microbienne (en rose). Ce
dernier peut alors assurer la synthèse d’acides aminés indispensables à
la croissance de la plante et la plante devient donc tolérante aux
herbicides.
Action de l’enzyme EPSPS microbienne dans la cellule de la plante. (Source : La Recherche)
Les OGM produisant un herbicide
Le maïs dit « Bt » est représentatif de
la seconde catégorie la plus courante de plantes transgéniques : celles
qui produisent une toxine insecticide en continu. Cette
propriété est obtenue par l’insertion d’un gène de la bactérie Bacillus
thuringiensis – d’où le nom de maïs « Bt » - dans les cellules
embryonnaires de la plante. Ce gène code une toxine insecticide nommée
Cry (en bleu). Lorsque les insectes infestent la plante, ils mangent les
feuilles et ingèrent alors la toxine, qui se fixe à un récepteur
présent dans les cellules intestinales. Cela entraine la destruction des
cellules et la mort de l’insecte. Ce processus n’a pas lieu chez
l’homme car il ne possède pas ce récepteur.
Action de la toxine Cry dans les cellules intestinales d’un insecte (Source : La Recherche)
Les plantes génétiquement modifiées qui
produisent en permanence cette toxine nécessitent d’être traitées par de
moins grandes quantités d’insecticides dans certaines situations,
notamment lorsqu’il y a une forte pression des nuisibles.
Intérêt des OGM
Comme nous venons de le voir, l’intérêt de ces techniques est d’améliorer les caractéristiques agronomiques des organismes : tolérances à un herbicide ou résistance aux insectes. Ainsi, le
nombre de traitements et les quantités de produits utilisés sont
réduits, et à fortiori, les coûts de production le sont aussi, tout en
augmentant les rendements des récoltes. L'introduction de
nouveaux gènes dans le patrimoine d'une espèce peut aussi lui conférer
une résistance à certaines maladies, notamment virales.
La culture d’OGM dans le monde
Les OGM les plus cultivés au monde sont les plantes telles que le soja, le maïs, le coton ou le colza.
De 1996, date de la première mise en culture, à 2011, les surfaces cultivées en soja transgéniques sont passées de 0 à 75 millions d’hectares. Le soja transgénique est même beaucoup plus cultivé que le soja traditionnel.
Quant à la culture du maïs transgénique,
elle a augmenté moins vite, atteignant en 2011, 50 millions d’hectares.
En revanche, il reste moins cultivé que le maïs conventionnel (108
millions d’hectares en 2011).
En 2011, les OGM se cultivaient dans 29
pays dont 19 pays en voie de développement et 10 pays industrialisés. Au
total, c’est quelques 16,7 millions de producteurs qui utilisent les cultures génétiquement modifiées. A l’heure actuelle, 90% des cultures se situent sur le continent américain, soit aux Etats-Unis, en Argentine, au Brésil et au Canada.
(Source : OGM.gouv.qc.ca)
Environ 90% de ces plantes transgéniques appartiennent au groupe Monsanto...
Syngenta, Dupont et Bayer détiennent les 10% restant. Malgré l’intérêt
des OGM sur les rendements des cultures, les agriculteurs ont tout de
même certaines contraintes. En effet, ces derniers doivent racheter
chaque année de couteuses semences OGM brevetées, ce qui les rend
totalement dépendants des multinationales semencières.
D’ici 2015, les prévisions estiment que le nombre d’agriculteurs cultivant des OGM dans le monde atteindra 20 millions
et ce dans 40 pays et que la superficie totale des cultures
génétiquement modifiées dans le monde sera de 200 millions d’hectares.
Pour les 5 prochaines années, on prévoit l’arrivée d’un riz doré (en
2013) et d’un riz Bt (2015).
Quels sont les impacts sur la santé ?
Les OGM sont principalement utilisés
pour nourrir les animaux d’élevage. Ils atterrissent ensuite dans nos
assiettes sous forme d’œufs, de viandes ou de produits laitiers. Les OGM
actuellement sur le marché ont un intérêt essentiellement agronomique
et économique mais elles n’apportent pas de bénéfices aux consommateurs.
Au contraire, certaines associations et scientifiques affirment qu’ils
présenteraient des risques pour la santé. Manipuler génétiquement des
organismes peut avoir des conséquences incontrôlables car notre
connaissance du fonctionnement du génome est incomplète. Alors quels
peuvent être les risques des OGM pour la santé ? Et bien, pour
l’instant, personne ne le sait ! Les scientifiques n’ont pas assez de
recul et les études nécessaires doivent être réalisées sur le long
terme. On soupçonne néanmoins les OGM de provoquer bien plus de réactions allergiques
que les cultures issues de croisements conventionnels. Ainsi, lors
d’une expérimentation[2] à long terme menée en Australie, il a été
constaté que des petits pois OGM causaient des réactions allergiques
chez les souris.
En septembre 2012, une étude choc dirigée par le Pr Séralini
a apporté de nouveaux éléments concernant la toxicité des OGM sur la
santé. Etude qui est loin d’avoir fait l’unanimité dans le milieu
scientifique, mais qui a permis de remettre les OGM au cœur du débat…
L’étude de Gilles-Eric Séralini[3]
L’expérience menée par l’équipe de
Gilles-Eric Séralini a été réalisée quasi-clandestinement pendant 2 ans
sur 10 groupes de 20 rats :
- 3 groupes étaient soumis à un régime
alimentaire avec des doses respectives de maïs transgénique OGM NK603 de
11 %, 22 % et 33 %.
- 3 groupes étaient soumis à un régime
alimentaire avec des doses respectives de maïs transgénique OGM NK603 de
11 %, 22 % et 33 % et du Roundup, un herbicide très toxique.
- 3 groupes étaient alimentés avec une eau contenant de faibles doses de Roundup présent dans les champs OGM.
- 1 groupe témoin nourri avec la variété de maïs non transgénique la plus proche de l'OGM testé, sans traitement à l'herbicide.
Les résultats
Au bout du 13ème mois, les groupes de rats étant nourris aux OGM ou au Round Up étaient frappés par une multitude de pathologies lourdes. Chez les mâles, ce sont les organes dépurateurs, le foie et les reins, qui sont atteints d’anomalies marquées ou sévères, avec une fréquence deux à cinq fois plus importante que pour les rongeurs nourris au maïs sans OGM.
Chez les femelles, cela s’est manifesté par des explosions en chaine de tumeurs mammaires qui atteignent parfois jusqu’à 25% de leur poids. A la fin de leur vie, de 50% à 80% des femelles OGM ont été touchées contre seulement 30% chez les non-OGM.
Les chercheurs ont également remarqué que les tumeurs surviennent nettement plus vite chez les rats OGM
: vingt mois plus tôt chez les mâles, trois mois plus tôt chez les
femelles, ce qui est considérable sachant que l’espérance de vie d’un
rat est de deux ans…
Quant à la mortalité, elle a également
été accrue dans l'ensemble des groupes traités. Dans le groupe témoin,
30 % des mâles et 20 % des femelles sont morts prématurément, contre 50 %
des mâles et 70 % des femelles dans des groupes nourris avec l'OGM.
Les chercheurs estiment que les effets
observés peuvent être imputables au Round Up mais, cela n'explique pas
les effets mesurés sur les animaux nourris à l'OGM seul…
Selon le Dr Joël Spiroux, directeur adjoint de l’étude mais aussi président de l’Association Santé Environnement Grand Ouest,
le système métabolique et les organes des rats fonctionnent à peu près
comme les nôtres. Quand des signes de toxicité apparaissent sur eux, on
peut penser qu’ils peuvent se reproduire valablement chez l’homme…
Les critiques
Quelques jours après sa publication, le débat était à son comble !
- L'étude remise en cause étant donnée la fragilité des cobayes choisis.
L’interrogation des experts
Pour cette étude, les chercheurs ont
choisi les rats Sprague-Dawley, une des deux souches de rats les plus
souvent utilisées en science. L’autre étant la variété Wistar. Les
Sprague Dawley se distinguent des Wistar par une plus grande fragilité.
Ils ont notamment un taux de tumeurs beaucoup plus élevé. Les femelles
Sprague-Dawley développent ainsi souvent des tumeurs mammaires. Ces rats
sont également fragiles des reins et meurent assez facilement
d’insuffisance rénale. Selon Stephen Hillen, vétérinaire, près de 80%
des Wistar atteignent l’âge de 104 semaines, donc de deux ans, alors
qu’un peu plus que 50% des Sprague-Dawley en moyenne y parviennent. Il
est exceptionnel que des Sprague-Dawley parviennent à l’âge de deux ans
en bonne condition physique, d’autant plus lorsqu’ils ont été nourris
avec une nourriture protéinique ou riche en énergie, ce qui a été le cas
lors de l’expérience française.
La réponse du Dr Joël Spiroux, co-auteur de l’étude
« Il nous est reproché d'avoir
utilisé cette variété de rats qui ont tendance à faire plus de tumeurs
que d'autres mais ces rats sont très couramment utilisés pour
l'expérimentation. D'une part, je ne vois pas pourquoi il faudrait
choisir des rats qui n'ont aucune susceptibilité à développer des
maladies. Enfin, c'est bien pour cela que nous avons des rats témoins !
Si nous n'avons pas pris une bonne variété de rats, il faut annuler
toutes les autorisations de mise sur le marché de tous les OGM de la
firme Monsanto parce qu'elle a fait ses études sur la même variété de
rats… »
- L'étude remise en cause en raison du faible nombre de rats étudiés pour que les résultats soient significatifs.
L’interrogation des experts
L’étude s’est basée sur 10 groupes de 20
rats (10 de chaque sexe). Or, les tests officiels en cancérologie
portent sur des groupes de 50 mâles et de 50 femelles, soit 5 fois plus.
Ces effectifs sont importants justement pour pallier les risques de
tumeurs spontanées fréquentes des Sprague-Dawley. Du fait des décès
spontanés qui surviennent pendant l'expérience, l'échantillon est bien
trop faible pour tirer la moindre conclusion.
La réponse du Dr Joël Spiroux
«D'un point de vue scientifique, on
nous dit que les études de cancérogenèse demandent 50 rats par groupes.
Je réponds à cela que nous n'avions aucune raison de partir a priori
avec l'idée d'un effet tumorigène. En ré-analysant les études de
Monsanto, nous n'avions mis en évidence que des signes de toxicités
hépatiques et rénales. Si nous avions pensé qu'il pouvait y avoir un
effet tumorigène dès le départ, nous n'aurions pas étudié autant de
groupes et nous aurions fait des groupes avec un plus grand nombre de
rats. Le protocole des études d'évaluation de la toxicité des produits
chimiques par l'Europe décrit dans le référentiel OCDE n°408 recommande
des populations d'au moins 10 animaux par sexe par groupe avec trois
doses de la substance à tester et un groupe contrôle. Ce que l'on
observe dans l'étude de Gilles-Eric Séralini. »
- L'étude remise en cause car les auteurs de l’étude n’auraient pas publié toutes les données.
L’interrogation des experts
Certains scientifiques pointent le
manque d’informations sur la composition précise de la diète à laquelle
les rats ont été soumis. Le Pr Marc Fellous, ancien président de la
Commission du génie biomoléculaire, a pointé ce manque d'information : «
A part le maïs OGM, on ne sait pas ce qu'ils ont mangé. De plus, le
maïs renferme des mycotoxines, des substances naturelles fortement
cancérigènes ».
- L'étude remise en cause car il n’y a pas de dose-réponse
L’interrogation des experts
Le Los Angeles Times, comme d'autres
titres, s'étonne que la gravité des symptômes observés n'augmente pas
avec la dose d'OGM et d'herbicides donnés aux rats. Les rongeurs mâles
nourris avec 33 % d'OGM vivent ainsi plus longtemps que ceux qui n'en
avaient que 11 % dans leur alimentation et même que ceux qui n'en
mangent pas du tout.
La réponse du Dr Joël Spiroux, co-auteur de l’étude
« Il est possible d'avoir un effet
stimulant avec des petites doses et des effets saturants avec des doses
plus élevées. On sait d'ailleurs déjà, qu'il n'y a pas d'effets
dose-réponse avec les perturbateurs endocriniens. Le système endocrine
ne répond pas directement à un effet-dose dépendant. »
Les avis des instances
L'avis de l'EFSA
Deux semaines après la publication de
cette étude, l’Autorité
européenne de sécurité des aliments (EFSA) a
déclaré qu’elle était d'une qualité scientifique insuffisante pour être considérée valide pour l'évaluation des risques des OGM.
L'EFSA considère que la conception, le système de rapport des données
et l’analyse de l’étude, tels que présentés dans le document, sont
inadéquats. Selon elle, plusieurs points pêchent : la souche de rat
utilisée, la division des rats en dix groupes de travail, le manque de
données sur le volume des aliments consommés par les animaux.
L'avis de l'Anses
Le 22 octobre 2012, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) a réfuté les conclusions des travaux du Pr Gilles-Eric Séralini. Saisie par le gouvernement, l’agence a conclu que les résultats de ce travail de recherche ne permettent pas de remettre en cause les évaluations précédentes du maïs OGM NK603 et du Roundup.
Elle a de plus a souligné le nombre limité de publications traitant des
effets potentiels à long terme d’une consommation d’OGM associés à des
pesticides. Selon elle, la faiblesse centrale de l'étude réside dans le
fait que les conclusions avancées par les auteurs sont insuffisamment
soutenues par les données qui ne permettent pas d'établir
scientifiquement un lien de cause à effet entre la consommation du maïs
OGM et/ou de pesticide et les pathologies constatées. Cependant, l’Anses
note «l’originalité» de l'étude du Pr Séralini «qui aborde un sujet jusqu’ici peu étudié ».
L'avis du HCB
Le même jour, le HCB (Haut
Conseil des Biotechnologies), une instance indépendante chargée
d’éclairer le gouvernement sur les OGM, a également réfuté les travaux
de Séralini. Il estime que le dispositif expérimental, les
outils statistiques utilisés et les interprétations données par les
auteurs de l’étude, souffrent de lacunes et de faiblesse
méthodologiques, qui ne permettent pas de soutenir les conclusions
avancées.
L'Anses et le HCB ont tout de même recommandé une étude "indépendante" de long terme sur ce maïs pour "lever le doute" désormais partagé dans l'opinion publique.
Le projet GRACE
Coordonnée par une équipe allemande, un
ambitieux projet européen sur l’évaluation des OGM, proposé fin 2011, a
officiellement commencé en juin 2012. Nommé GRACE, il comprend un volet
expérimental dont l’objectif est d’optimiser les essais de la toxicité «
subchronique », c’est-à-dire à court terme (3 mois). Dès janvier 2013,
plusieurs variétés de maïs cultivées en Espagne seront comparées et
testées chez les rats : 2 variétés du maïs insecticide MON810, et
plusieurs variétés conventionnelles commerciales. L’objectif sera
d’obtenir le plus d’informations possibles sur les effets des maïs
testés sur les animaux.
Quels sont les impacts sur l’environnement ?
Les cultures d’OGM posent également des problèmes environnementaux. D’abord, en multipliant les cultures, on multiplie l’espace nécessaire aux cultures.
En Amérique du Sud par exemple, la forêt tropicale et les paysages
naturels sont détruits jour après jour au profit du développement des
cultures d’OGM. Mais la culture d’OGM en plein champ suscite d’autres
inquiétudes chez les spécialistes, et ce pour les raisons suivantes.
Toxicité pour les insectes
Les
cultures transgéniques résistantes aux insectes ont pour fonction de
tuer les nuisibles spécifiques qui attaquent les cultures. Mais les
processus n’éliminent pas seulement les parasites. Ils peuvent également
détruire des organismes vivants non nuisibles et même nécessaires aux cultures.
Par exemple, les abeilles risquent-elles d’être affectées par la toxine
lorsqu’elles butinent le pollen de ces plantes transgéniques? Les vers
de terre et les microorganismes du sol doivent-ils craindre la
décomposition de ces plantes génétiquement modifiées et la présence de
la toxine dans la terre? La plupart des études réalisées jusqu’à présent
ne montrent pas d’effets néfastes pour les insectes non nuisibles. En
revanche, en quantifiant la concentration de la protéine Cry dans les
insectes non ciblés et dans leurs prédateurs comme les araignées, des
chercheurs[4] de l’Université du Kentucky ont retrouvé la protéine dans
certains insectes non ciblés ainsi que dans leurs prédateurs, mais en
quantité qui semblait trop faible pour avoir un effet négatif. Il a été
également démontré qu’une exposition prolongée au pollen de maïs Bt
affectait le comportement et la survie du papillon monarque, le plus
connu des papillons d’Amérique du nord[5],[6]. L’OGM peut également
donner des opportunités d’expansion à des nuisibles qui profiteraient de
la disparition du parasite ciblé…
Insectes résistants
Dans les champs d’OGM résistants aux
insectes, les insectes nuisibles se retrouvent continuellement en
contact avec le même agent toxique sécrété par la plante. Il existe donc
un risque potentiel de voir également apparaître des populations d’insectes résistants.
Deux cas de ravageurs devenus résistants à un insecticide produit par
des maïs OGM ont déjà été rapportés. Le premier concerne des larves de
Bussolea fusca, insecte foreur de maïs, en Afrique du Sud et le second,
des larves du paillon Spodoptera frugiperda, à Porto Rico.
En 2013, une étude[7] a montré qu’il
existe de plus en plus de cas d'insectes résistant à la protéine Bt. Sur
les 13 types de ravageurs étudiés, cinq espèces étaient devenues
résistantes en 2011, contre une seule en 2005. Le ravageur est considéré
comme résistant lorsque plus de 50% des insectes d'un champ ont
développé cette résistance. Sur les cinq insectes résistants, trois
s'attaquent aux champs de coton et deux aux cultures de maïs. Parmi les 5
cas de résistance, 3 ont été recensés aux Etats-Unis, qui abritent la
moitié des surfaces d'OGM produisant la protéine Bt, les deux autres en
Afrique du Sud et en Inde.
Dispersion des gènes
La diffusion dans l’environnement de gènes introduits artificiellement constitue également un risque.
Comme tous les êtres vivants, les
végétaux doivent se reproduire pour assurer leur descendance. Par
exemple, les plantes à fleurs libèrent du pollen (la semence mâle qui
renferme le matériel génétique de la plante). Emporté par le vent ou par
les insectes, le pollen peut rencontrer éventuellement le stigmate –
partie femelle – d’une fleur d'une variété sexuellement compatible et
ainsi féconder l’ovule pour produire une graine. Par conséquent, les
gènes d’une plante OGM peuvent se retrouver dans une plante d'une espèce
apparentée. Ce transfert potentiel peut alors entrainer un
échange de gènes entre des cultures traditionnelles, biologiques et
génétiquement modifiées.
Des cultures traditionnelles « polluées
génétiquement » acquerraient le gène de tolérance et auraient ainsi de
meilleures chances de survie dans un champ traité avec ce pesticide.
Cela leur apporte alors un « avantage sélectif » et elles pourraient
devenir envahissantes, ce qui entrainerait un impact environnemental
négatif.
Mauvaises herbes tolérantes
Les cultures OGM tolérantes aux herbicides ont la capacité de survivre à un traitement d’herbicide spécifique. Mais
l’usage répété, année après année, du même herbicide ayant le même mode
d’action peut entrainer le développement de la résistance chez une
mauvaise herbe, une résistance qui persiste ainsi au fil des saisons…
On a d’ailleurs constaté l’évolution de
la résistance des mauvaises herbes au Roundup, devenue un sérieux
problème dans les pays qui cultivent les plantes Roundup Ready à grande
échelle comme les Etats-Unis. Les agriculteurs se retrouvent alors dans
l’obligation d’augmenter les quantités de Roundup pour contrôler les
mauvaises herbes ou d’utiliser d’autres herbicides en complément du
Roundup.
Une menace pour l’écosystème du sol
L’impact de la culture d’OGM sur
l’environnement passe aussi par la modification des écosystèmes. En
effet, grâce aux avantages des OGM, un agriculteur sera peut être tenté
d’abandonner certaines techniques traditionnelles, telles que la
rotation des cultures ou le labour. Ce changement de pratiques peut
modifier la structure et la composition chimique des sols et avoir par
exemple un impact sur les vers de terre. Enfin, de nombreuses cultures
Bt sécrètent leur toxine de la racine vers le sol. Les résidus restant
dans le champ contiennent de la toxine Bt active mais les effets cumulés
sur le long terme de la culture de maïs Bt n’ont pas été évalués.
Que dit la réglementation européenne sur les OGM ?
Avant la commercialisation d’un OGM
Partout
dans le monde, la commercialisation des OGM est soumise à une
autorisation, délivrée après que les risques aient été évalués. Dans le
monde, la réglementation européenne est la plus contraignante.
Dans l’Union européenne, avant la
commercialisation de leurs OGM, les fabricants doivent constituer un
dossier d’évaluation contenant :
- une description de l’OGM.
Il s’agit de décrire l’organisme d’origine puis toutes les
manipulations effectuées. Le fabricant doit notamment prouver que les
gènes introduits, l’ont été dans l’ADN du noyau cellulaire et non dans
des zones où ils pourraient perturber l’expression normal des gènes de
l’organisme ou dans des zones connues pour leur instabilité.
- les résultats des expérimentations exigées par la réglementation.
Ces expérimentations sont menées par les fabricants eux-mêmes, dans
leurs propres laboratoires ou dans des laboratoires sous-traitant.
L’évaluation des risques pour la santé.
Le fabricant doit tout d’abord apporter la preuve que son aliment OGM présente les mêmes qualités nutritionnelles que le même aliment conventionnel.
Plusieurs dizaines de composés sont ainsi analysés, dont les protéines,
les glucides, les lipides, les minéraux, les toxines naturelles, les
allergènes, etc. Lorsque les analyses montrent que l’OGM a une valeur
nutritionnelle différente de celle des variétés non OGM, le fabricant
doit prouver que ces différences n’ont pas d’impact important sur le
consommateur, ou peuvent être facilement comblées. La toxicité de
l’aliment OGM est ensuite évaluée. Depuis février 2013, l'Union
Européenne impose l'obligation d'études de toxicité sur quatre-vingt dix
jours pour toute demande d'importation et de commercialisation
d'organismes génétiquement modifiés (OGM) destinés à l'alimentation
humaine ou animale. Les organismes conventionnels étant considérés comme
sains et connus, seule la toxicité des différences entre organismes OGM
et organisme non OGM est évaluée. Si la documentation est limitée, le
fabricant doit réaliser des tests sur des animaux de laboratoire. Le
protocole expérimental consiste à nourrir les cobayes avec les protéines
suspectes pendant 1 mois et avec l’OGM entier pendant 3 mois, à des
doses correspondant aux doses maximales susceptibles d’être ingérées.
Pour être valables, les expériences à 3 mois doivent inclure, dans
chaque groupe au moins 10 animaux de chaque sexe. Ces études n’étant
effectuées que chez l’animal, leurs résultats sont extrapolés chez
l’homme avec une marge d’incertitude. Le fabricant doit également
évaluer le potentiel allergène des OGM qu’il souhaite commercialiser. En
effet, un aliment avec OGM pourrait contenir une plus grande quantité
de toxines ou d’allergènes par suite des réactions possibles de la
plante à l’insertion d’un ou des gènes introduits dans son génome,
incluant la production de la ou des protéine(s). L’évaluation du risque
d’allergie d’un OGM consiste le plus souvent à la comparaison entre
celui-ci et son homologue conventionnel.
L’évaluation des risques pour l’environnement.
Enfin, les fabricants ont l’obligation
d’identifier les risques pour l’environnement. Dans un premier temps,
ils doivent déterminer sous serre et en plein champs, si la plante OGM
présente un « avantage sélectif » sur les autres plantes. Pour cela, ils
doivent rechercher de quelles autres plantes elle est assez proche pour
pouvoir s’hybrider, c’est-à-dire se croiser avec une espèce différente,
ce qui conduirait à échanger les gènes. Si les essais montrent que des
croisements entre l’OGM et une plante non OGM sont possibles, il faudra
alors vérifier, en plein champ, si l’hybride a acquis un « avantage
sélectif » sur les plantes de son environnement. Ils doivent ensuite
évaluer sa capacité à survivre à l’hiver dans nos régions.
Une fois le dossier d’évaluation établi,
il est soumis au gouvernement d’un Etat membre. En France, c’est le
ministère de l’Economie qui est saisi. Il consulte alors l’Anses et le
HCB : l’avis de l'Anses concerne uniquement les OGM et leurs produits
destinés à l’alimentation alors que le HCB évalue l'autorisation
concernant la mise en culture. Leurs avis sont ensuite transmis à l’EFSA
qui a également recueilli les avis des autres Etats membres. Elle
évalue alors l’existence de risques pour la santé et pour
l’environnement. Son avis, rendu public est transmis au Comité permanent
de la chaine alimentaire et de la santé animale de la Commission
européenne, qui vote pour ou contre l’autorisation de mise sur le marché
en Europe. Cette autorisation est valable 10 ans.
Procédure d'une autorisation de mise sur le marché d'un OGM
Variétés d’OGM autorisées par l’Union Européenne
Actuellement, 46 variétés de plantes
transgéniques sont autorisées dans l’Union européenne pour
l’alimentation humaine et animale, dont 26 variétés de maïs. Seules 2
variétés de maïs sont autorisées pour la culture dont le maïs MON810.
Interdit en France en 2008, le Conseil d’Etat avait finalement autorisé
la culture appliquée au MON810 en 2011. Mais le gouvernement d’alors
avait réagi en mars 2012 en produisant un nouvel arrêté interdisant
temporairement la culture de ce maïs transgénique. La demande française
s'appuyait notamment sur un avis de l'Agence européenne de sécurité alimentaire
montrant que la culture du maïs OGM Bt 11 présentait des risques
importants pour l'environnement et que ces effets seraient transposables
au mais MON810… Nouveau rebondissement en août 2013 : le Conseil d’Etat
a à nouveau d’annuler cette interdiction. Pour en savoir plus, cliquez ici. C'est sans compter sur la détermination du gouvernement puisqu'en février 2014, une proposition de loi visant à interdire la culture de maïs OGM a
été examinée par le Sénat qui l'a rejeté. Finalement, en mai 2014, une
loi a été votée interdisant la culture de ce maïs. Actuellement, chaque pays européen devient libre de restreindre ou non la culture d'OGM sur son territoire.
Un décret « sans OGM » pour informer les consommateurs
Depuis
le 1er juillet 2012, les consommateurs peuvent choisir d’acheter des
aliments avec ou sans OGM. En effet, depuis cette date, un
décret relatif à l'étiquetage des denrées alimentaires issues de
filières qualifiées « sans organismes génétiquement modifiés » est entré
en vigueur. Il définit les règles d’étiquetage pour les fabricants souhaitant apposer la mention « sans OGM » sur leur produit.
Jusqu’à présent la réglementation
européen rendait obligatoire la mention « avec OGM » lorsqu’un aliment
en contenait mais elle ne définissait pas les modalités d’information du
consommateur pour les filières « sans OGM ». Elle ne permettait pas non
plus de faire la distinction entre une viande issue d’un animal nourri
avec des OGM et une viande provenant d’une filière garantissant une
alimentation des animaux sans OGM. Désormais, l’indication de l’absence
d’OGM par la mention « sans OGM » sur les denrées permettra aux
consommateurs d’exercer pleinement leur choix.
Mais sur quels critères se base cette mention « sans OGM » ?
Tout d’abord, les ingrédients
d’origine végétale (par exemple, la farine, l’amidon ou la lécithine)
pourront porter la mention « sans OGM » s’ils sont issus de matières
premières contenant au maximum 0,1% d’OGM.
En revanche, pour les ingrédients
d’origine animale comme le lait, la viande, le poisson ou les œufs, les
choses se compliquent. En effet, pour nourrir leurs animaux, les
éleveurs importent beaucoup de soja de pays où il est difficile
d’obtenir du soja sans OGM. Pour ces aliments, deux types d’étiquettes
ont donc été mis en place : "nourri sans OGM (<0,1%)" ou "nourri sans OGM (0<9%)".
Enfin, pour les ingrédients d’origine apicole comme le miel ou le pollen, ils pourront être étiquetés « sans OGM dans un rayon de 3 km », cela signifie que ces produits sont issus de ruches situées à plus de 3 km de cultures génétiquement modifiées.
Notons que des contaminations
accidentelles peuvent également se produire. Dans les champs, pollens et
graines peuvent passer d’une culture OGM à une autre culture voisine
non OGM. La récolte des grains, leur stockage, leur transport et la
transformation en produit fini sont aussi des occasions où un mélange
involontaire peut se produire. Pour contrôler la teneur en OGM, les
producteurs agricoles utilisent donc des tests de détection d’ADN, puis
ils quantifient la teneur en OGM en « unité d’ADN » (% de gènes
étrangers par rapport au nombre de gènes de référence dans la plante).
Conclusion
Pour l’instant, il est encore difficile
d’évaluer les impacts sanitaires et environnementaux des OGM pour de
multiples raisons (indépendance de la recherche, recul nécessaire,
etc.). Malgré les incertitudes, les OGM sont déjà largement
commercialiser…. Au-delà des questions que cela pose en termes de santé
et d’environnement, la question de la commercialisation du vivant reste
entière. Les OGM rendent économiquement dépendant les agriculteurs qui
les utilisent. Ils sont chaque année obligés de racheter à la firme qui
les commercialise leurs graines OGM ainsi que leurs pesticides…. Des
firmes qui prennent donc un pouvoir important, voire même inquiétant,
sur le vivant….
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