Adoptée
en commission par le Parlement européen et demandée avec insistance par
la France au prétexte de la lutte contre le terrorisme, la directive
PNR (Passenger Name Records) permettra à l'État de connaître les
déplacements en avion de très nombreux Européens et de les exploiter y
compris pour des infractions graves », dont le piratage.
Jeudi, la Commission des libertés civiles du Parlement européen a adopté la directive PNR(Passenger
Name Record) qui, si elle est confirmée en séance plénière du PE au
début de l'année 2016, permettra aux états membres de l'Union européenne
de collecter toutes les informations liées aux « vols extra-UE » voire à
certains vols intra-UE. Ces informations comprendront notamment le nom
des passagers, les dates de voyage, l'itinéraire prévu, les moyens de
paiement utilisés, les coordonnées des voyageurs, les bagages
enregistrés, etc., etc.
Le
PNR européen est une demande insistante de certains gouvernements, et
notamment de la France, qui revient comme une antienne à chaque
attentat. Elle est donc logiquement revenue — et avec force — dans les
discours de Manuel Valls après les tragiques attentats du 13 novembre
2015 à Paris. « Je ne comprends pas que des parlementaires européens, y
compris des Français, s'opposent à cet instrument indispensable pour
lutter contre le terrorisme », avait-il déclaré devant le Sénat le 20 novembre dernier.
« Ceci
nous permettra de disposer d'un fichier garantissant la traçabilité des
déplacements, y compris à l'intérieur de l'Union. C'est une condition
de notre sécurité collective », avait plaidé le Premier ministre
français. Mais il n'a jamais expliqué en quoi le PNR généralisé à
l'ensemble des passagers des vols européens aurait aidé à éviter les
événements tragiques de novembre, alors-même que les auteurs étaient
déjà fichés et pouvaient donc faire l'objet de signalements
individualisés lors de leurs passages aux frontières. Les experts de
l'anti-terrorisme sont d'ailleurs très réservés sur l'utilité réelle du
PNR, et encore plus sur sa nécessité.
© Inconnu
Le PNR pourra servir contre « la contrefaçon et le piratage de produits »
Mais
un esprit suspicieux comme le nôtre ne peut s'empêcher de faire
remarquer que le PNR européen est loin d'être réservé au terrorisme. La directive projetée dispose
que les données liées aux vols conservées pendant 5 ans (dont 6 mois
sans restrictions d'accès) peuvent être traitées par les autorités pour
« la prévention et la détection d'infractions terroristes et de certains
types d'infractions transnationales graves ». Or la liste de ces
dernières est longue :
- Participation à une organisation criminelle,
- Traite des êtres humains, aide à l'entrée et au séjour irréguliers, trafic illicite d'organes et de tissus humains,
- exploitation sexuelle des enfants et pédopornographie, viol, mutilation génitale féminine,
- trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes,
- trafic illicite d'armes, de munitions et d'explosifs,
- fraude grave, fraude portant atteinte
aux intérêts financiers de l'Union, blanchiment du produit du crime,
blanchiment d'argent et faux monnayage,
- homicide volontaire, coups et blessures graves, enlèvement, séquestration et prise d'otage, vol avec arme,
- infractions informatiques graves et cybercriminalité,
- crimes contre l'environnement, y
compris le trafic illicite d'espèces animales menacées et le trafic
illicite d'espèces et d'essences végétales menacées,
- falsification de documents
administratifs et trafic de faux, trafic de biens culturels, y compris
d'antiquités et d'œuvres d'art, contrefaçon et piratage de produits,
- détournement d'avion / de navire,
- espionnage et trahison,
- trafic et commerce illicites de
matières nucléaires et radioactives et de leurs précurseurs et, à cet
égard, infractions à la non-prolifération,
- crimes contre l'environnement, y
compris le trafic illicite d'espèces animales menacées et le trafic
illicite d'espèces et d'essences végétales menacées,
- crimes relevant de la juridiction de la Cour pénale internationale.
Ainsi le fait de
télécharger des séries TV illégalement et de les partager sur
BitTorrent pourrait théoriquement justifier d'accéder aux données PNR du
suspect pour savoir où il se balade en Europe ou en dehors de l'Europe,
tout comme n'importe quelle « cybercriminalité », qui regroupe en
principe l'ensemble des infractions pénales commises sur Internet.
La directive demande simplement qu'il
s'agisse d'actes de cybercriminalité punissables d'au moins de 3 ans de
prison, ce qui est le cas en France de nombreuses atteintes aux systèmes informatiques,
y compris « le fait d'entraver ou de fausser le fonctionnement d'un
système de traitement automatisé de données » (puni de 5 ans), ce qui
peut être fait avec une simple attaque DDOS.
Une
fois adoptée par le Parlement, la directive devra être adoptée
formellement par les états membres au sein du Conseil du ministres, puis
les états membres auront deux ans pour transposer le texte en droit
national. |
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