mercredi 11 juillet 2012

Obésité| Nutrition

Comment les protéines coupent la faim

Une équipe de neurobiologistes français vient d’élucider le mécanisme par lequel l’ingestion de protéines exerce un effet coupe-faim. Cette découverte permet d’envisager une meilleure prise en charge, voire un traitement, des patients obèses ou en surpoids.
Certains vendeurs de régime minceur en ont fait leur fonds de commerce – souvent jusqu’à l’escroquerie – mais les faits sont là : un repas riche en protéine entraîne une atténuation prolongée de la sensation de faim. En analysant en détail les échanges entre le système digestif et le cerveau initiés par les protéines alimentaires, l’équipe de Gilles Mithieux, directeur de l’unité Inserm 855 « Nutrition et cerveau » à Lyon, est parvenue à élucider les mécanismes biologiques responsables de cet effet coupe-faim. Ces résultats viennent d’être publiés dans la revue Cell.
Contre la faim, le tartare bat la frite
Le rôle des signaux hormonaux et nerveux émis par l’estomac et les intestins dans la régulation de l’appétit est établi depuis longtemps. On sait par exemple que la distension des parois de l’estomac, suite à l’absorption de nourriture, entraîne la libération de plusieurs hormones qui bloquent la sensation de faim. Gilles Mithieux et ses collaborateurs ont voulu élucider un phénomène plus spécifique mais bien connu : pour un apport équivalent en calories, on se sent rassasié plus longtemps après un repas riche en protéine qu’après un repas riche en glucides ou en lipides.
Protéines et peptides
Les protéines alimentaires, que l’on trouve majoritairement dans la viande, le poisson, les œufs ou encore certains produits céréaliers, sont constituées de longues chaînes d’acides aminés. Lors de la digestion, ces chaînes sont découpées en fragments plus petits appelés oligopeptides.
Quand l’intestin se sucre…
Des travaux antérieurs ont montré que la sensation prolongée de satiété qui suit un repas hyperprotéiné était probablement liée à la synthèse de glucose à partir de protéines et de lipides présents dans l’intestin. On pensait jusqu’à peu que ce mécanisme – appelé néoglucogenèse – était réservé aux périodes de jeûne et se déroulait exclusivement au niveau du foie ou des reins. Il est désormais établi que l’ingestion de protéines déclenche, juste après les périodes d’assimilation des repas, une néoglucogenèse au niveau de l’intestin.  
Après la néoglucogenèse, le glucose passe dans la circulation sanguine où il est reconnu par les glucorécepteurs qui tapissent les parois des vaisseaux sanguins. À partir d’un certain niveau de sollicitation, ces récepteurs envoient un signal inhibiteur aux centres cérébraux de l’appétit. Ainsi, alors qu’au niveau du foie et des reins la néoglucogenèse sert avant tout à alimenter les autres organes en sucre, au niveau de l’intestin, elle délivre un message « coupe-faim » à distance des repas, caractéristique des effets dits « de satiété ».
Une double boucle qui prolonge la satiété
Très récemment, un autre type de récepteur a été découvert sur la paroi de la veine porte ( le vaisseau qui transporte, de l’intestin au foie, le sang chargé des nutriments digérés) : les récepteurs mu-opioïdes (RMO) portaux. Les RMO – que l’on retrouve en grande quantité au niveau du cerveau, et qui sont surtout connus pour leur rôle dans les centres cérébraux du plaisir et dans les effets antidouleur de la morphine –, réagissent également à la présence d’oligopeptides issus de la digestion des protéines.
Le mécanisme de l'effet coupe-faim des protéines
En étudiant le comportement spécifique de ces RMO portaux, Gilles Mithieux et son équipe ont mis en évidence une double boucle neurophysiologique qui accompagne la digestion des protéines et bloque durablement la faim. Dans un premier temps, les oligopeptides acheminés depuis l’intestin jusqu’à la veine porte agissent sur les récepteurs mu-opioïdes ; ces récepteurs envoient alors un message, via le système nerveux périphérique, vers le cerveau.
Dans un second temps, le cerveau renvoie un message-retour qui enclenche la synthèse de glucose dans l’intestin (néoglucogenèse). Ce glucose finit par atteindre la circulation sanguine, ce qui active les glucorécepteurs, entraînant l’envoi de messages « coupe-faim » vers les zones du cerveau contrôlant la prise alimentaire. La néoglucogenèse étant un mécanisme lent, l’effet de satiété perdure ainsi plusieurs heures après le repas.
Gare aux régimes hyperprotéiques
L’identification des récepteurs mu-opioïde de la veine porte et la caractérisation de leur rôle dans la néoglucogenèse intestinale permet d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques dans le traitement du surpoids et de l’obésité. L’objectif des chercheurs est donc désormais de déterminer la façon d’agir sur ces récepteurs pour réguler durablement la sensation de satiété.
Toutefois, s’il semble bien que les régimes « minceur » basés sur une alimentation hyperprotéique exploitent –de manière totalement empirique- le mécanisme élucidé par ces travaux, Gilles Mithieux affirme être «  un adversaire des régimes (type Dukan et consors...) qui, pour des raisons scientifiquement établies, font perdre du poids rapidement, mais l'échec à long terme est quasi certain ». Car selon lui, « sollicités trop fortement, ces récepteurs peuvent devenir insensibles. Il faudrait donc trouver le meilleur moyen de les activer « modérément », afin de garder leur effet bénéfique à long terme sur le contrôle de la prise alimentaire ».

mardi 3 juillet 2012

Cet article m'est carrément destiné : je souffre de crampes douloureuses ainsi que de courbatures :

il peut servir à d'autres personnes

Courbatures et crampes musculaires

Quels sont les symptômes des courbatures et des crampes ?

Les courbatures se manifestent quelques heures après un effort inhabituel ou lors de certaines infections comme la grippe. Les muscles atteints sont sensibles à la pression et douloureux au moindre mouvement.
La crampe est une contraction musculaire douloureuse, involontaire et intense, qui apparaît le plus souvent lors d’un effort physique. Pendant la durée de la crampe, il est difficile de bouger le membre atteint. Au bout de quelques minutes, la contraction musculaire diminue et disparaît, mais il subsiste parfois un point douloureux précis. Certaines personnes ressentent des crampes soudaines la nuit, notamment dans les jambes.

Quelles sont les causes des courbatures et des crampes ?

Les courbatures sont dues à de minuscules fissures des fibres musculaires, à la suite d’un surcroît d’effort. Elles peuvent également être provoquées par une infection virale ou par la prise de certains médicaments (par exemple les interférons, certains diurétiques ou certains médicaments contre le cholestérol notamment).
Les crampes surviennent plus fréquemment après un effort physique intense ou longuement soutenu, ou à la suite d’une forte transpiration. Elles apparaissent plus fréquemment par temps froid.

Que faire en cas de courbatures ou de crampes ?

  • Les courbatures disparaissent plus rapidement si l’on maintient les muscles douloureux en mouvement grâce à un étirement léger, le vélo ou la marche, par exemple.
  • La chaleur détend les muscles et apaise les douleurs : prenez un bain chaud ou utilisez des sachets chauffants ou un coussin électrique.
  • Un massage peut détendre la musculature et contribuer ainsi à la disparition des courbatures ou des crampes.
  • Si les crampes sont violentes, il peut être utile de prendre un médicament contre la douleur pendant une durée limitée.
  • D’une manière générale, il faut essayer d’étirer le muscle. Pour une crampe du mollet par exemple, saisissez les orteils et tirez prudemment le pied vers le genou. Vous pouvez également marcher ou effectuer plusieurs flexions des jambes.
  • Si vous prenez un médicament contre l’excès de cholestérol, n’hésitez pas à appeler votre médecin si vous ressentez des douleurs musculaires dont vous ne pouvez pas identifier la cause.

Quand faut-il consulter un médecin en cas de courbatures ou de crampes ?

Consultez un médecin dans les jours qui viennent :
  • si les courbatures s'accompagnent d'autres symptômes comme de la fièvre, des crampes ou des tremblements musculaires.
  • si les courbatures empêchent tout mouvement.
  • si les courbatures ne disparaissent pas spontanément au bout de quelques jours.
  • si les douleurs musculaires sont apparues depuis l'administration d'un nouveau traitement, en particulier contre l'excès de cholestérol.
  • si des crampes à répétition troublent le sommeil.
  • si de fortes douleurs subsistent après la disparition de la crampe.

Comment prévenir les courbatures et les crampes ?

  • Avant l’effort physique, procédez à un échauffement efficace. Il doit être suffisamment long, progressif et adapté (étirements et assouplissements généraux, puis gestes spécifiques de votre discipline sportive).
  • Si vous êtes peu entraîné, évitez de trop solliciter d’emblée votre musculature et intensifiez progressivement votre effort.
  • Buvez en quantité suffisante avant, pendant et après l’effort… y compris lorsque vous nagez !
  • Des crampes nocturnes répétées peuvent provenir d’un manque d’eau et de sel : buvez suffisamment, au moins un litre et demi par jour, et consultez votre médecin si vous suivez un régime pauvre en sodium ou si vous prenez des diurétiques.

Les traitements des courbatures et des crampes

En cas de douleur, il est possible de prendre un médicament antalgique par voie orale. De nombreux traitements d’appoint locaux sont également destinés à soulager les courbatures par massage de la région douloureuse. Ces remèdes contiennent des substances variées : AINS ou salicylates pour leur effet antalgique, camphre, eucalyptus ou menthol pour l’effet révulsif (provoquant une sensation de chaleur).
Les décontracturants musculaires (ou myorelaxants) sont utilisés, en général sur de courtes périodes, dans le traitement d'appoint des contractures musculaires douloureuses, par exemple après une blessure. En décontractant le muscle, ils contribuent à lutter contre la douleur.
D'autres méthodes décontracturantes non médicamenteuses sont également très recherchées par les sportifs : enveloppements chauds, massages, relaxation, etc.

Traitements antalgiques locaux : AINS et autres composés

Traitements antalgiques locaux : AINS et révulsifs

Traitements locaux divers

Autres myorelaxants

Myorelaxants : quinine à faible dose

Myorelaxants : tétrazépam

Myorelaxants : thiocolchicozide

Traitements antalgiques locaux : myorelaxants

Homéopathie

Médicaments de rhumatologie divers

Oligoéléments

Pour préserver notre santé, il y a des lieux à éviter : zones industrielles, raffineries, usines de traitement des déchets, grands axes de circulation. Mais choisir son cadre de vie reste un luxe.
Son fils devait être scolarisé à 200 m du périphérique parisien, et baigné dans la pollution atmosphérique générée par le passage quotidien d'un million de véhicules. « Comme on en avait les moyens, on l’a inscrit dans le privé. Mais tout le monde n’a pas cette possibilité. Beaucoup de gens qui habitent le long du “périph” sont en situation précaire et logent dans des HLM », souligne Elodie.
Ne serions-nous donc pas tous égaux face aux dangers de notre environnement ? Y aurait-il une « injustice environnementale » ? D'origine américaine, ce concept suscite de plus en plus d'études en France. Des chercheurs ont, par exemple, montré que les sites industriels de Lille étaient plus nombreux dans les zones les plus défavorisées. Mais outre ces différences d’expositions, les chercheurs se penchent aussi sur les différences de vulnérabilité.
« Les groupes socio-économiques défavorisés sont souvent plus sensibles aux effets sanitaires des pollutions. Leur état de santé est souvent plus dégradé et ils ont un moindre accès au système de soins », explique Séverine Deguen, professeur à l’École des hautes études en santé publique de Rennes (unité 1085 Inserm/Université Rennes 1). Les injustices environnementales pourraient ainsi contribuer aux inégalités sociales de santé, aux différences de fréquence de maladies, d'espérance de vie, observées entre les différentes classes socio-économiques de notre pays.

Gaëlle LahoreauSciences et Santé, le magazine de l'Inserm
Téléphones portables, lignes à haute tension... Leurs ondes font peur mais les dangers seraient ailleurs : dans la pollution de l'air et le bruit de nos vies modernes. Ils font des milliers de victimes.
Depuis la révolution industrielle, notre environnement s'est enrichi d’environ 100 000 molécules chimiques. Si elles nous simplifient la vie, notre corps n'y avait lui jamais été confronté. Or nous y sommes continuellement exposés via l'air de nos maisons: formaldéhyde issus des cigarettes, détergents et colles, phtalates émis par les sols en vinyle, retardateurs de flammes bromés dégagés par les composés électroniques ou les « doudous »...). Le contact avec les produits cosmétiques, nos aliments contaminés via les contenants alimentaires (bisphénol A et phtalates des plastiques) ou la chaîne alimentaire (pesticides, PCB, dioxine...) sont autant de dangers sous nos toits.

Certains ont des effets irritants ou allergènes, d'autres sont des cancérigènes certains, comme le formaldéhyde. D'autres encore ont des impacts plus pervers en bloquant, mimant ou gênant l'action de nos hormones naturelles.
Les chercheurs les appellent les « perturbateurs endocriniens ». Ces substances chimiques sont suspectées d'être impliquées dans les troubles de la fertilité (baisse du nombre de spermatozoïdes chez les garçons, puberté plus précoce chez les filles), mais aussi dans les « épidémies » de diabète, d’obésité... et même dans les troubles de comportement des enfants.

Gaëlle LahoreauSciences et Santé, le magazine de l'Inserm
Téléphones portables, lignes à haute tension... Leurs ondes font peur mais les dangers seraient ailleurs : dans la pollution de l'air et le bruit de nos vies modernes. Ils font des milliers de victimes.
Elle est invisible, silencieuse, souvent indolore et tue chaque année des milliers d’Européens. La pollution atmosphérique est l’ennemi insidieux du citadin. Chaque jour, un adulte inhale entre 10 000 et 20 000 litres d’air. Nos cellules pulmonaires y trouvent l'oxygène mais aussi quantités de particules émises par nos voitures, chauffages, usines... Nos voies respiratoires peuvent en souffrir : inflammations (rhinites, bronchites,...), allergies, asthmes mais aussi cancers du poumon. En passant dans notre circulation sanguine, les particules les plus fines peuvent y former des caillots, modifier la taille des artères et vaisseaux, ce qui perturbe le fonctionnement du cœur et l'alimentation en oxygène de notre cerveau, avec des risques d’infarctus.
Des études récentes montrent aussi des effets néfastes sur la croissance des fœtus et le stock de cellules immunitaires des enfants à la naissance. Or, « contrairement à ce que l’on pense, la pollution de l’air ambiant urbain ne diminue pas », indique Isabelle Annesi-Maesano, chercheuse à la faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie (UMR-S 707 Inserm). Et ne vous croyez pas épargnés dans le réseau souterrain des transports en commun. Celui-ci est riche en particules métalliques liées au système de freinage des rames !

Autre danger pour notre santé : le bruit. Selon l’OMS, un Européen sur cinq serait régulièrement exposé, la nuit, à des niveaux sonores nocifs pour sa santé. Trafics aériens et routiers, voisinage... En gênant notre endormissement, en « cassant » nos nuits, le bruit induit, le jour, somnolence, difficultés de concentration, irritabilité... Ces troubles du sommeil peuvent entraîner des hypertensions, des anomalies cardiaques et même des dépressions.
« Pour un repos nocturne de bonne qualité, le niveau sonore ne devrait pas excéder 30 décibels », souligne Yves Cazals de l’université d’Aix-Marseille (UMR Inserm 7286). Le jour, c'est directement les cellules ciliées de notre oreille qui sont menacées. « Aujourd’hui, un usager de baladeur sur 10 risque d’avoir des troubles d’audition », avertit le chercheur.

Quant aux ondes électromagnétiques qui ont envahi notre quotidien, toutes ne sont pas à mettre dans le même bain. Lignes à haute tension, appareils électriques et électroniques émettent des ondes dans la gamme des basses fréquences. Leur champ magnétique peut exciter les muscles et les nerfs de notre corps. « Mais pour des puissances bien au-delà des limites recommandées ! », indique Isabelle Lagroye du laboratoire de bioélectromagnétisme de Bordeaux (UMR 5218 Ecole pratique des hautes études).
Les antennes-relais et les téléphones mobiles reçoivent et émettent dans la gamme des radiofréquences. Au niveau des cellules, ces ondes peuvent augmenter l'agitation des molécules d'eau et dérégler son fonctionnement par effet thermique. Mais ces effets seraient effectifs pour des puissances bien supérieures aux seuils de préconisation actuels.
« Aujourd’hui, aucune étude épidémiologique, ni aucun mécanisme biologique connu, ne permet de dire que l’utilisation du téléphone mobile augmente le risque de tumeur du cerveau », complète Catherine Yardin, médecin et professeur à l’université de Limoges. Pourtant quand on téléphone, on a bien l’oreille qui chauffe ? « Oui, mais c’est dû à l’électronique, et surtout au fait de garder le téléphone tout contre soi, cela empêche la circulation d’air », explique Yves Le Dréan, de l’Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail de Rennes (unité 1085 Inserm/Université Rennes 1). Rassuré ? Sinon, il reste l'oreillette.

Centenaire d’Alan Turing, pionnier de l’intelligence artificielle

Créé le 25-06-2012 à 09h52 - Mis à jour à 13h08

Le savant britannique Alan Turing aurait eu 100 ans le 23 juin. Ce génie des mathématiques, qui connut un destin tragique, a enfin droit à l'hommage de la communauté scientifique internationale.

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 Crédit de la photo : CBE/ZOB/WENN.COM/SIPA
Crédit de la photo : CBE/ZOB/WENN.COM/SIPA
Génie et martyr, le britannique Alan Turing aurait eu 100 ans le 23 juin. L’anniversaire a été virtuellement célébré par Google avec un des « doodles » interactifs qui sont sa marque de fabrique.

Plus concrètement, le centenaire a donné lieu à diverses commémorations en Inde, en Corée du Sud, aux Etats-Unis, en Angleterre – comme par exemple à Bletchley Park. Dans cet ancien QG de l’armée britannique du nord de Londres, aujourd’hui converti en musée, le souvenir de Turing y perdure sous la forme d’une étonnante statue de l’artiste Stephen Kettle. Cet assemblage de petits bouts d'ardoises pèse la bagatelle de 1,5 tonne !

Codes secrets des nazis

Mais pourquoi Bletchley Park ? Parce qu’Alan Turing y a contribué à l’une des pages les plus marquantes de la seconde guerre mondiale. Après avoir été repéré à l’université de Cambridge par les services de renseignements britanniques, le jeune prodige des mathématiques fut envoyé à Bletchley Park pour mener à bien, avec d’autres experts scientifiques, une mission cruciale : casser le code de la machine Enigma. Ce dispositif électromécanique, contenu dans une simple mallette, permettait aux nazis de crypter les communications entre leurs sous-marins de l’Atlantique Nord. Une fois les secrets d'Enigma révélés, les Alliés purent bénéficier d'un temps d'avance sur l'armée d'Hitler.
Après la guerre, les travaux de Turing permettent de poser les bases de l’informatique et font de lui l’un des pionniers de l’intelligence artificielle. Le savant prédit l’avènement d’une machine programmable, capable de résoudre n’importe quel calcul mathématique – la «machine de Turing», sorte d’ancêtre de l’ordinateur. En 1950, dans un article à la revue Mind, il propose un test qu’il faudrait soumettre à un interlocuteur secret pour savoir s’il s’agit… d’un homme ou d’une machine ! Ce «test de Turing» reste plus que jamais d’actualité, à l’heure où un super-calculateur, comme le Watson d’IBM, est capable de battre des adversaires humains dans un quiz télévisé.

Génie sacrifié

Mais Turing n’aura pas le temps de voir l’ère des ordinateurs. En 1952, le savant est condamné pour «outrage aux bonnes mœurs» en raison de son homosexualité, alors considérée comme illégale en Grande-Bretagne. Il doit subir une castration chimique et se suicide deux ans plus tard. Turing n’a que 41 ans… Aujourd'hui, il est plus que temps de rendre hommage au pionnier de l'informatique. Et trois ans après que l’ancien premier ministre britannique Gordon Brown a présenté des excuses au nom du gouvernement britannique pour le traitement infligé à Turing, la célébration mondiale du centenaire sonne comme une nouvelle demande de pardon au génie sacrifié.

BERYL, la catastrophe cachée de la bombe A française

BERYL, la catastrophe cachée de la bombe A française

BERYL, la catastrophe cachée de la bombe A française

"Les irradiés de Béryl. L'essai nucléaire français non contrôlé", livre du chimiste Louis Bulidon (1) est sorti il y a moins d’un an. Il y raconte le « cataclysme » déclenché par le deuxième essai nucléaire souterrain français, au Sahara, le 1er mai 1962, qui fit peut-être plus de 5000 irradiés.
En septembre, nous avions publié la critique du livre dans les pages de Sciences et Avenir (n°775, accessible sur tablettes), pronostiquant " on doute que le cinquantenaire de Béryl, l’année prochaine, soit commémoré à la hauteur des doses jadis enregistrées, toujours gardées secrètes". Tel a été le cas.
Juste avant de poster cette note de blog, nous avons constaté que les mots clés "nucléaire" et "1962" n'ont fait remonter sur Google que trois articles publiés en Algérie (El Watan, El Moudjahid, Maghreb Emergent) et un quatrième à Tahiti (Les nouvelles de Tahiti). C'est peu de dire que les vétérans de ces événements (2), qu’ils soient français, algériens ou polynésiens, ont l'impression de parler dans le désert, notamment pour se faire indemniser en cas de maladie radio-induite... Une semaine en retard sur cette date oubliée, nous re-publions ici l'article paru dans Sciences et Avenir.

"Ce 1er mai-là ne fut pas une fête. Par cette chaude journée de 1962 où de fortes rafales de vent balaient le Hoggar, l’essai nucléaire Béryl vire à la catastrophe. Mené par la France en Algérie (3), deuxième d’une série de 13 essais souterrains portant de jolis noms de gemmes (Agate [sic], Saphir, Améthyste…), la bombe atomique ébranle si bien la montagne Tan Affela qu’en sort « un nuage très noir […] qui grossit à vue d’œil ». Le nuage radioactif « atteint une hauteur égale à celle de la montagne » (4). Il va irradier ceux venus assister à l’explosion, outre les deux ministres Pierre Messmer (Armées) et Gaston Palewski (Recherche scientifique), qui s’enfuient alors plein sud, vers la base-vie d’In-Amguel, à 45 kilomètres de là. Ce « cataclysme », selon le terme choisi par l’auteur, est « le plus grave accident au cours des 36 années » d’essais nucléaires français. Peut-être jusqu’à 5000 personnes, dont des villageois et nomades du désert, sont alors affectées par des « doses radioactives très handicapantes, voire mortelles ».

C’est pour « donner enfin la parole aux militaires du STA Y (5) présents sur le terrain et disposant des équipements […]capables de mesurer l’ampleur des fuites radioactives » que l’ingénieur chimiste Louis Bulidon publie ces lignes. Un demi-siècle après, l’appelé du contingent alors préposé aux mesures de radioactivité dénonce « le silence de l’Etat et de l’armée ». Veut témoigner, car « nous ne sommes que quelques dizaines aujourd’hui » à pouvoir le faire. De ces pages, on ressort effaré. Effaré d’apprendre que dans le périmètre fortement contaminé de la montagne, comme le dénonce le physicien nucléaire Raymond Sené, des équipes ont travaillé « jusqu’au dernier tir du 1er décembre 1965 ». Effaré d’apprendre que récemment, sur le site, des membres de l’Association des vétérans des essais nucléaires (6) ont relevé « avec de simples détecteurs “grand public” un niveau important de radioactivité à certains endroits ».
1) Editions Thaddée, 180p., 20euros.
2) Lire aussi http://sciencepourvousetmoi.blogs.sciencesetavenir.fr/arc... et
http://www.moruroaetatou.com/index.php?option=com_content...
3) Les accords d’Evian ont été signés le 18 mars.
4) Témoignage de Jean-Jacques Humphrey, alors au service photo du Centre d’études et de recherches atomiques militaires, Ceram.
5) Service technique des armées, arme atomique.
6) L’Aven a été créée le 9 juin 2001 « pour soutenir la cause de tous les vétérans et, particulièrement, ceux porteurs de maladies radio-induites ». Voir www.aven.org