jeudi 30 novembre 2017

Automutilation

Cet article concerne l'automutilation infligée lors d'un trouble mental. Pour l'automutilation physique durant les guerres ou les jeux sexuels, voir Modification corporelle et Algolagnie.


Automutilation sur l'avant-bras

L’automutilation est caractérisée par des blessures et dommages physiques directs, sans intention suicidaire. Ce terme est utilisé dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR). Son usage est discutable pour ce qui concerne les lésions cutanées auto-infligées, car le latin : mutilare renvoie à la section irréversible d'un membre ou d'un organe (exemple : se crever un œil ou se couper un doigt. 

La forme la plus répandue d'automutilation est la dégradation cutanée, mais l'automutilation couvre un vaste éventail comportemental, ce qui inclut (mais ne se limite pas) brûlures, abrasions, griffures, cognement de certaines parties du corps, réouverture d'anciennes plaies cutanées, arrachage de cheveux (trichotillomanie) et ingestion de substances ou objets toxiques. Les comportements associés à un abus substantiel et aux troubles des conduites alimentaires ne sont généralement pas considérés comme automutilation car les dommages infligés à l'organisme ne sont pas intentionnels. Bien que le suicide ne soit pas directement lié à l'automutilation, la relation entre automutilation et suicide est complexe car les blessures intentionnelles peuvent constituer une menace pour l'individu. Il existe également un risque élevé de suicide chez les individus qui se mutilent, dont environ 40–60 % d'entre eux meurent. Cependant, les individus qui s'automutilent sont perçus comme étant suicidaires, ce qui est, pour la majeure partie des cas, inexact.

L'automutilation chez l'enfant est rare mais le nombre augmente depuis les années 1980L'automutilation est listée dans le DSM-IV-TR en tant que symptôme du trouble de la personnalité borderline. Cependant, d'autres patients diagnostiqués peuvent également s'automutiler, en particulier ceux atteints de dépression, de troubles anxieux, d'addiction substantielle, de troubles des conduites alimentaires, de trouble de stress post-traumatique, de schizophrénie et autres troubles de la personnalité. Les motivations varient et l'automutilation est faite pour combler un nombre de différentes fonctions. Ces fonctions incluent l'automutilation comme aide à de différents troubles tels que l'anxiété, la dépression, le stress intense, le manque affectif et une grande remise en question de soi. L'automutilation est souvent associée à des traumatismes et abus, soit violence psychologiqueagression sexuelletoxicomanie, trouble des conduites alimentaires ou autres traits mentaux tels que l'estime de soi ou le perfectionnisme. Elle est très répandue chez les adolescents et jeunes adultes, et apparaît habituellement entre 12 et 24 ans. Cependant, elle peut survenir à tout âge même durant la vieillesse. Le risque de suicide et de profondes blessures est élevé chez les personnes âgées qui se mutilent13. L'automutilation ne se limite pas qu'aux humains. Les primates et les volatiles, par exemple, sont également connus pour la pratiquer lorsqu'ils sont en captivité.
Il existe différentes méthodes utilisées pour traiter l'automutilation et qui se concentrent principalement sur les causes plutôt que sur le comportement en lui-même. Lorsque l'automutilation est associée à la dépression, les antidépresseurs et autres traitements médicamenteux peuvent être efficaces. D'autres approches consistent à occuper le patient grâce à d'autres activités, ou de remplacer l'automutilation par des méthodes plus sécurisées qui ne conduisent pas à des blessures permanentes.
Définition
Le terme d'« automutilation » est sujet à débat dans la mesure où il définit une multitude de comportements à la gravité et à la finalité variables, certains impliquant une mutilation irréversible et d’autres une blessure corporelle qui persiste pendant plusieurs dizaines de minutes. Dans tous les cas, les blessures sont infligées seul, sans l’intervention d’un tiers. L’automutilation est listée par le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) comme un symptôme du trouble de la personnalité borderline1 et elle est parfois associée à d’autres troubles psychopathologiques tels que la dépression ou les troubles du comportement alimentaire.
La pratique la plus utilisée est la coupure mais ce n’est pas la seule et la définition inclut aussi les coups, les brûlures, les éraflures, les morsures, et bien d’autres atteintes corporelles infligées à soi-même. Il n'est pas question d’automutilation si l'individu se blesse dans un but esthétique, sexuel (masochisme), social (rituels d’acceptation dans certaines sociétés, mode), religieux ou spirituel.
Signes et symptômes
Quatre-vingt pour cent (80 %) des cas d'automutilation impliquent des objets coupants pour couper ou arracher la peau. Cependant, le nombre de méthodes est délimité par l'imagination d'un seul individu et par sa détermination de se blesser intentionnellement ; cela inclut (mais ne se limite pas) brûluresauto-empoisonnementalcoolisme, pénétration d'objets et des types d'automutilation liés à l'anorexie et la boulimie4,19. Les parties du corps les plus atteintes sont principalement cachées et dissimulées aux yeux des autres21. Bien que l'automutilation soit liée au physique, elle peut également définir la sévérité de la détresse émotionnelle ressentie chez l'individu. Aucun critère diagnostique n'est défini dans le DSM-IV-TR et dans la CIM-10. Elle est souvent perçue comme étant un symptôme à des troubles spécifiques. Une proposition a été effectuée en 2010 pour inclure « Automutilation non-suicidaire » en tant que diagnostic distinct dans la cinquième édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5).
Causes
Troubles mentaux
Bien que certains individus qui s'automutilent ne souffrent pas d'un trouble mental reconnu, beaucoup d'entre eux atteints de troubles mentaux sont hautement exposés à l'automutilation. Ces principaux troubles incluent trouble de la personnalité borderlinetrouble bipolaire24dépression25 , phobies, et troubles des conduites26. La schizophrénie peut également contribuer à l'automutilation. Les personnes schizophrènes ont un plus haut risque de suicide, particulièrement élevé chez les jeunes patients, et peut aggraver plus sensiblement leur état psychologique déjà instable27. Un abus substantiel est également un facteur de risque élevé.
Facteurs psychologiques
Un environnement dans lequel les parents privent leurs enfants de leurs émotions, telles que l'expression de la tristesse ou de la douleur, peut contribuer à une difficulté d'exprimer certaines émotions et s'exposent à des risques élevés d'automutilation28. Tout type d'abus ou de traumatisme durant l'enfance (voir maltraitance sur mineur) est considéré comme facteur de risque élevé, incluant le deuil et certains troubles des relations parentales ou avec un partenaire. D'autres facteurs tels que la guerre, la pauvreté et le chômage peuvent contribuer. L'automutilation est habituellement décrite comme un état dissociatif ou de dépersonnalisation. Il est estimé que 30 % des individus atteints de troubles du spectre autistique engagent une automutilation à un certain point dont les clignements des yeux, griffures, morsures aux mains et blessures à la tête31,32,33.
Substances et alcool
Les dépendances à l'alcool et à une variété de drogues, illicites ou non, peuvent contribuer à l'automutilation. La dépendance aux benzodiazépines est associée au comportement d'automutilation chez les jeunes individus34. L'alcool est un facteur à haut risque. Une étude dans des hôpitaux d'Irlande du Nord montre que l'alcool est à l'origine de 63,8 % d'automutilation chez les patients35. Une étude faite en Norvège et en Angleterre et publiée en 2009 démontre qu'en général le cannabis n'est pas un facteur d'automutilation délibérée chez les jeunes adolescents36.
Physiopathologie
L'auto-mutilation n'est pas un comportement suicidaire, bien que la plupart des dégâts causés au corps puisse être un danger mortel.
Certains individus peuvent ne pas en prendre conscience et l'automutilation devient alors souvent la réponse à une souffrance émotionnelle profonde et écrasante4.
Les motivations varient et remplissent un nombre de fonctions11. Ces fonctions impliquent l'automutilation en tant que mécanisme de survie permettant ainsi de soulager temporairement d'intenses émotions telles que l'anxiété, la déprime, le stress et le sentiment d'échec/de déception. Il existe également une corrélation positive statistique entre l'automutilation et les mauvais traitements émotionnels38,39. L'automutilation permettrait à l'individu de contrôler sa propre douleur, en contraste à celle qu'il avait subi auparavant dans sa vie et sur laquelle il n'avait aucun contrôle37.
Une étude de l’Office for National Statistics (ONS) britannique rapporte seulement deux motivations : le « besoin d'attention » et la « cause de la colère ». Chez certains individus qui se mutilent eux-mêmes, cela signifie qu'ils cherchent et demandent indirectement le besoin d'être écouté. Cela peut également être une tentative pour rendre leur entourage attentif et, quelque part, de les manipuler émotionnellement11,37. Cependant, d'autres de ces patients qui se mutilent d'une manière répétitive et chronique ne demandent aucune attention et cachent leurs cicatrices
D'une manière alternative, l'automutilation peut permette à certain de ressentir « quelque chose », même si la sensation en est désagréable et douloureuse. Ceux qui s'automutilent décrivent quelquefois un sentiment de vide ou un manque d'émotions positives (anhédonie), et une douleur physique peut soulager ces sentiments. En tant que mécanisme de survie, l'automutilation peut devenir psychologiquement addictive car, pour ceux qui en souffrent, elle fonctionne ; elle leur permet de se libérer d'un stress intense.
Épidémiologiehttps://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/61/Self-inflicted_injuries_world_map_-_DALY_-_WHO2004.svg/220px-Self-inflicted_injuries_world_map_-_DALY_-_WHO2004.svg.png
Nombre d'individus souffrant d'auto-mutilation sur 100 000 habitants en 200442
  •      Aucune donnée
  •      Moins de 80
  •      80–160
  •      160–240
  •      240–320
  •      320–400
  •      400–480
  •      480–560
  •      560–640
  •      640–720
  •      720–800
  •      800–850
  •      Plus de 850
Des recherches aux États-Unis indiquent qu'environ 4 % des adultes pratiquent l'automutilation et environ 1 % de la population générale de manière chronique. Un certain nombre de facteurs sociaux ou psychologiques sont en corrélation avec l’automutilation.
Les diagnostics qui lui sont généralement associés comprennent la dépression et le trouble de la personnalité borderline. Les individus souffrant de troubles du comportement alimentaire, de troubles obsessionnels compulsifs, de phobies, de toxicomanie et les suicidaires ont un risque élevé de recourir à l’automutilation. Des formes particulières de l'automutilation, souvent plus graves, sont associées à l'autisme et à certaines psychoses. Les situations de guerre ou d’emprisonnement sont aussi des facteurs de risque majeurs. Les causes de l’automutilation sont difficiles à déterminer et varient grandement selon les individus. Deux facteurs principaux sont notés, mais loin d’être systématiques : les abus sexuels et des souffrances psychologiques/physiques (être critiqué ouvertement, ne pas avoir été encouragé, avoir été souffre-douleur ou tout autre comportement qui ont un impact direct sur l’estime de soi).
Les individus touchés sont principalement adolescents ou jeunes adultes. Malgré le nombre relativement élevé d'individus concernés, peu d’informations francophones pertinentes sont disponibles sur ce sujet
Différences
Les dernières recherches ne montrent généralement aucune différence factorielle d'automutilation entre les hommes et les femmes43. Celles-ci sont en contraste avec d'anciennes recherches qui indiquaient que les femmes étaient quatre fois plus exposées que les hommes à l'automutilation9. Cependant, il est difficile de percevoir l'automutilation chez les femmes, alors que les hommes engagent une automutilation plus directe (par exemple, se cogner le visage), et peut être plus facilement expliqué ou caché dans de différentes circonstances4,43.
Le réseau européen de l'OMS sur la prévention du suicide, établi en 1989, démontre que, pour chaque tranche d'âge, les risques sont les plus élevés chez les femmes, avec un très haut risque chez les 13–24 ans, tandis que, parmi les hommes, les risques sont les plus élevés chez les 12–34 ans44.
Prisons
Les automutilations délibérées sont spécifiquement faites en prison. Les prisons sont souvent des lieux à haut risque de violence, et les prisonniers peuvent utiliser l'automutilation comme une ruse pour éviter toute confrontation physique, aussi bien que pour convaincre les autres prisonniers qu'ils sont dangereusement fous et insensibles à la douleur ou pour obtenir la protection des gardes45.
Traitements
Il existe une grande incertitude concernant les types de traitements psychosociaux et physiologiques sur des patients qui s'automutilent et de nombreuses études sont requise
 Les troubles psychiatriques et de la personnalité sont particulièrement perçus chez les individus qui s'automutilent et l'automutilation peut être un indicateur de dépression et/ou d'autres problèmes psychologiques7. Certains individus qui s'automutilent souffrent de dépression clinique modérée ou sévère et des traitements par antidépresseurs peuvent être administrés7. Une thérapie cognitive comportementale peut aider les patients atteints de symptômes d'axe I, comme la dépression, la schizophrénie et le trouble bipolaire. Une thérapie comportementale dialectique (TDB) peut considérablement aider les individus atteints de troubles de la personnalité, et peut aider les individus qui s'automutilent atteints d'un autre trouble mental. Le diagnostic et le traitement des causes de l'automutilation sont la meilleure approche47. Mais dans certains cas, particulièrement chez les patients atteints de trouble de la personnalité, ce n'est pas très efficace, et la plupart des cliniciens préfèrent donc faire une approche par TDB pour minimiser le comportement en lui-même. Les individus s'automutilant avec sévérité sont psychiatriquement hospitalisés, à la suite de leur instabilité et leur incapacité à trouver une quelconque aide
L'automutilation peut se développer chez les individus en raison de leur situation environnementale, comme un besoin d'attention ou autres. Tandis que ces individus ont un mal-être social, l'automutilation peut être un moyen pour eux d'obtenir quelque chose qu'ils sont incapables d'obtenir par eux-mêmes (comme le fait de simplement demander). Ainsi, une approche dans le traitement est d'enseigner une réponse alternative qui obtienne le même résultat que l'automutilation
Techniques

Aider un patient à adopter un comportement alternatif pour éviter toute automutilation à l'aide de techniques est une méthode efficace. Ces techniques, qui occupent principalement l'esprit, peuvent inclure la lecture, la marche, pratiquer un sport ou être entouré d'amis ou de proches lorsque les patients tentent de s'automutiler à nouveau18. Le retrait d'objets qui peuvent principalement aider à l'automutilation est utile pour résister aux besoins de s'automutiler. Des méthodes sécurisées et alternatives d'automutilation qui ne conduisent pas à des dommages physiologiques permanents peuvent également aider.
Société et culture
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/00/Yaxchilan_Lintel_24.jpg/220px-Yaxchilan_Lintel_24.jpg
Le linteau 24 de Yaxchilan montre un exemple de pratique rituelle de l'autosacrifice dans la civilisation maya : Dame Xoc y est représentée en train de faire passer à travers sa langue une corde hérissée de lames d'obsidienne afin d'imbiber de son sang du papier dont l'incinération lui servira ensuite à invoquer le Serpent-vision.
L'automutilation est connue pour avoir été pratiquée rituellement dans certaines cultures, telles que les civilisations mésoaméricaines, où il était fréquent de s'automutiler pendant le rituel de l'autosacrifice, notamment en faisant couler le sang de sa langue ou de son sexe


Comme quoi on ne nous dit pas tout

Russie-Chine : un tandem qui change le monde
Ces dix dernières années la diabolisation persistante de la Russie par l’Occident a conduit à une alliance de fait entre Moscou et Pékin, changeant par là le paysage géopolitique d’une manière que les commentateurs américains ne reconnaissent toujours pas.
Une bonne partie des affirmations des experts occidentaux sur la Russie – en particulier sa fragilité supposée sur le plan économique et politique et son partenariat avec la Chine soi-disant non viable – est faux et n’ai pas seulement le résultat d’une connaissance limitée de la situation réelle sur le terrain mais aussi d’un état d’esprit chargé de préjugés qui refuse de s’intéresser aux faits, mais se berce d’illusions.
La Russie ne connaît peut-être pas de croissance économique, mais ces deux dernière années, elle a survécu à une crise conjoncturelle due à la chute des cours du pétrole et à une guerre économique menée par l’occident, laquelle aurait mis à genoux des gouvernements gérés avec moins de compétence et disposant d’une popularité moins forte que celle de la Russie de Vladimir Poutine. De plus, aussi stagnant qu’ait pu être le PIB russe, les chiffres du pays sont sur un pied d’égalité avec ceux d’une croissance ralentie en Europe de l’ouest.
Pendant ce temps, l’agriculture russe est en plein essor, affichant en 2017 la meilleure récolte de grains depuis un siècle malgré des conditions climatiques difficiles au début du printemps. Parallèlement, la production russe de machines agricoles n’a cessé de se renforcer. D’autres secteurs industriels d’importance, comme l’aviation civile, ont repris leur souffle grâce au lancement de nouveaux modèles crédibles à destination du marché intérieur et pour l’exportation.
Les grands projets d’infrastructure représentant des prouesses techniques phénoménales, comme le pont sur le détroit de Kertch qui relie la Russie à la Crimée, se poursuivent dans les délais prévus et se terminent avec succès sous les feux de la rampe. Alors, où est donc cette Russie décrépie que nous décrivent quotidiennement nos commentateurs occidentaux ?
La raison principale de ces nombreuses observations malavisées n’est pas difficile à trouver. Le conformisme rampant de la pensée occidentale et américaine concernant la Russie a pris le contrôle des journalistes et des commentateurs, mais aussi des universitaires, qui servent aux étudiants et au grand public ce qu’on attend et exige d’eux, à savoir, donner la preuve du caractère perfide du « régime de Poutine » et faire les louanges de ces âmes courageuses en Russie, qui s’élèvent contre ce régime, comme le blogueur devenu politicien, Alexander Navalny, ou la « Paris Hilton » russe, célébrité devenue activiste politique, Ksenia Sobchak.
Les grandes quantités d’informations disponibles et libres d’accès sur la Russie, la presse russe, les publicités ainsi que la télévision d’État, sont en grande partie délaissées. En revanche on passe le micro aux personnalités pleines d’amertume de l’opposition russe, installées aux États-Unis, qui se plaignent longuement de leur ancienne patrie. Pendant ce temps, quiconque prend soin de bien lire, d’écouter et d’analyser les mots de Vladimir Poutine, fini par être traité de larbin de service, dans ces cercles. Tout ceci limite grandement l’exactitude et l’intérêt de ce qui passe pour une bonne connaissance de la Russie.
Bref, le domaine des études russes souffre, comme c’était le cas à l’apogée de la guerre froide, d’une perspective idéologique étroite et de l’incapacité d’ancrer les informations sur la Russie dans des faits, qui tiendraient compte du cadre de comparaison internationale dans lequel elle s’inscrit.
Ce que l’on entend par là a été replacé dans son contexte la semaine dernière, dans un rare moment d’érudition sur la Russie lors de la dernière réunion annuel du club de Valdai, dans une conférence donnée par Dominic Lieven, professeur émérite à la London School of Economics, au cours de laquelle il a résumé son point de vue sur la Révolution russe de 1917.
Lieven, sans doute l’un des plus grands historiens vivants de la Russie impériale, est un des très rares à avoir apporté dans ces études sur la Russie une connaissance approfondie du reste du monde et en particulier des autres pouvoirs impériaux du XIXe siècle, avec lesquels la Russie était en concurrence. Cette connaissance prend en compte à la fois l’approche de la main de fer et du gant de velours, c’est-à-dire d’une part les prouesses militaires et diplomatiques et d’autre part, les démarches intellectuelles utilisées pour justifier la domination impériale et qui constituent une vue du monde, pour ne pas dire une idéologie à part entière.
Des « experts » qui cultivent l’aveuglement
En revanche, aujourd’hui, les « experts » en relations internationales n’ont pas cette connaissance approfondie de la Russie pour pouvoir apporter quoi que ce soit de sérieux et d’utile dans l’élaboration des politiques. Ces vingt dernières années, l’intégralité de ce domaine d’étude s’est atrophié aux États-Unis, les connaissances en histoire, langues, cultures s’amenuisant considérablement au profit de compétences informatiques, qui donnent l’assurance d’un emploi dans une banque ou une ONG ensuite. Ces diplômes ont été systématiquement dépréciés.
Il découle de ce qui précède que très peu d’universitaires sont en mesure de mettre l’alliance russo-chinoise émergente dans un contexte comparatif. Et ceux qui en sont capables sont systématiquement exclus des grands courants de publication et des tables rondes de débats publics aux États-Unis, car ils ne sont pas suffisamment hostiles à l’égard de la Russie.
Et lorsque tel n’est pas le cas, d’aucun pourrait approcher le partenariat russo-chinois sous l’angle de comparaison de la relation américano-chinoise créée par Richard Nixon et Henry Kissinger, qui existait avant l’émergence du couple russo-chinois. Kissinger était pleinement en mesure de faire cette comparaison lorsqu’il écrivit son livre De la Chine en 2011, mais dans son essai, Kissinger choisit d’ignorer le partenariat russo-chinois malgré l’évidence de son existence. Peut-être ne voulait-il pas voir à quel point son héritage des années 70 avait été dilapidé.
Ce que l’on constate dans la description des réalisations de Kissinger dans les années 70, c’est que la relation américano-chinoise s’est déroulée intégralement dans un cadre d’indépendance mutuelle. Il n’y avait pas d’alliance à proprement parler pour se conformer à la volonté ferme de la Chine de n’accepter l’interférence d’aucune autre puissance dans les obligations mutuelles avec les États-Unis. La relation était celle de deux États souverains, qui se réunissaient régulièrement afin de discuter de développements internationaux dans lesquels ils avaient des intérêts communs et de mettre au point des stratégies, qui en pratique étaient menées en parallèle pour influencer les affaires mondiales de manière cohérente.
La Russie et la Chine ont dépassé et surpassé cette relation réduite à son strict minimum depuis longtemps. Leur partenariat a évolué vers des investissements communs toujours plus importants, qui présentent un grande importance pour les deux parties, en particulier, les gazoducs qui transporteront de vastes quantité de gaz sibérien à destination des marchés chinois, un investissement évalué à 400 milliards de dollars (344 milliards d’euros).
Entre temps, et parallèlement la Russie a pris la place de l’Arabie saoudite, en tant que plus gros fournisseur de pétrole brut pour la Chine, et les transactions s’effectuent désormais en yuan. On note également un bon nombre d’investissements communs dans des projets de haute technologie dans le civil et le militaire, ainsi que une coopération militaire dans des zones toujours plus éloignées des territoires nationaux respectifs de ces deux pays.
Je crois qu’il est utile de considérer ce partenariat sous l’angle de la relation franco-allemande, qui a dirigé la création et le développement de ce qui est aujourd’hui l’Union européenne et à laquelle il ressemble. Depuis le tout début l’Allemagne était économiquement le partenaire le plus fort face à la France dont l’économie passait par une stagnation relative. En fait on aurait même pu se demander pourquoi ces deux pays restaient dans ce partenariat sur un pied d’égalité symbolique.
La réponse n’est pas difficile à trouver : chargée de son fardeau historique de l’époque nazie, l’Allemagne était et reste encore aujourd’hui, dans l’incapacité de prendre des responsabilité pour l’Union européenne en son nom propre. Les Français ont servi d’écran de fumée au pouvoir allemand. Depuis les années 90, ce rôle est largement passé aux mains des organismes centraux de l’Union Européenne qui siègent à Bruxelles, où les responsables clés des prises de décisions sont en fait nommés par Berlin. La France reste pourtant un assistant important dans ce processus conduit par l’Allemagne.
Le tandem Russo-Chinois
On pourrait en dire autant du tandem russo-chinois. La Russie est essentielle à la Chine de par sa longue expérience en matière de gestion des relations internationales, qui remonte à la guerre froide, et de par sa volonté et sa capacité à faire face directement à la puissance hégémonique américaine, alors que la Chine, qui dépend lourdement de vastes exportations américaines, ne peut se permettent de mettre en danger ses intérêts vitaux. De plus, dans la mesure où les élites occidentales considèrent la Chine comme un défi long terme à leur suprématie, il est préférable pour la Chine d’exercer son influence au travers d’une autre puissance, aujourd’hui, la Russie.
Bien sûr, à la lumière des tracas européens du Brexit et de l’abandon du leadership mondial par Trump, la Chine sortira très certainement de l’ombre et cherchera à prendre les rennes de la gouvernance mondiale. Mais ce serait problématique ; le pays est confronté à des défis intérieurs majeurs, comme la transition d’une économie très dépendante des exportations vers une économie qui s’appuie sur une consommation nationale. Cet aspect retiendra l’attention de ses dirigeants politiques pendant un moment encore.
Kissinger, qui a été un conseiller de Trump, lui a murmuré à l’oreille l’importance de séparer la Russie de la Chine, mais sa connaissance limitée et ancienne de la Russie l’on amené à sous-estimer les motivations puissantes derrière la relation russo-chinoise. Les experts états-uniens moins doués et moins informés se trouvent d’autant plus désemparés.
Premièrement, au vue de l’hostilité soutenue à l’égard de la Russie, de la part de l’occident en général et de Washington en particulier, il est inconcevable que Poutine puisse se détourner de Pékin par quelques gestes aguicheurs de la part de l’administration Trump, quand bien même Trump serait capable de le faire politiquement. L’un des traits de caractère remarquable de Poutine est sa loyauté envers ses amis et envers ses principes par rapport aux intérêts de son pays.
Comme l’a révélé Poutine lors de son allocution et de la session de questions-réponses à la réunion du club Valdai la semaine passée, il éprouve maintenant une profonde méfiance envers l’occident, à cause de la manière dont ses dirigeants ont tiré parti des faiblesses de la Russie dans les années 90, de l’élargissement de l’OTAN jusqu’aux frontières russes ainsi que d’autres menaces. Quels que soient les espoirs que Poutine ait pu avoir de relations plus chaleureuses avec l’Occident, ces espoirs ont été déçus au cours des dernières années.
Mises à part les personnalités, la politique étrangère de la Russie a une habitude rare dans le reste du monde : d’abord d’agir et seulement après de s’occuper de diplomatie. Les relations politiques de la Russie avec la Chine sont le résultats d’investissements mutuels massifs qui ont pris des années à mettre en place et en œuvre.
De la même manière, la Russie s’engage avec le Japon dans la voie d’un traité de paix formel en mettant d’abord en place des projets massifs de commerce et d’investissement. Il est tout à fait prévisible que la première étape du traité soit le début de la construction en 2018 d’un pont ferroviaire en Extrême-Orient reliant l’île russe de Sakhaline au continent. L’entrepreneur général et l’équipe d’ingénierie sont également en place : Arkady Rotenberg et son groupe SGM Group. Ce pont est la condition préalable à la signature par le Japon et la Russie d’un accord de 50 milliards de dollars pour la construction d’un pont ferroviaire reliant Sakhaline à Hokkaido. Ce pont attirera l’attention de toute la région sur la coopération russo-japonaise. Il pourrait être la base d’un traité de paix durable et non pas simplement un morceau de papier qui résoudrait le différend territorial sur les îles Kuriles.
Des occasions manquées
À la lumière de ces réalités, il est puéril de parler de détacher la Russie de la Chine par la promesse de relations normalisées avec l’Occident. L’occasion de le faire s’est présentée dans les années 1990, lorsque le président Boris Eltsine et son « Monsieur Oui », Le ministre des Affaires étrangères Andreï Kozyrev, a fait tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir l’accord des États-Unis sur l’adhésion de la Russie à l’OTAN, immédiatement après l’adhésion de la Pologne. En vain.
Au début de la présidence de Poutine, les Russes ont fait un effort déterminé pour obtenir l’adhésion à l’alliance occidentale. Encore une fois, en vain. La Russie a été exclue, et des mesures ont été prises pour la contenir, pour la cantonner comme une puissance régionale européenne parmi d’autres.
Enfin, après la confrontation avec les États-Unis et l’Europe sur leur soutien au coup d’État de 2014 en Ukraine, suivi par l’annexion/fusion russe de la Crimée et le soutien russe à l’insurrection dans la région de Donbass en Ukraine, la Russie a été ouvertement considérée comme l’ennemi. Elle a dû mobiliser toutes ses amitiés à l’échelle internationale pour rester crédible. Aucun État n’a été plus utile à cet égard que la Chine. De tels moments ne seront ni oubliés ni trahis.
Le Kremlin comprend très bien que l’Occident n’a rien de concret à offrir à la Russie aussi longtemps que les élites états-uniennes insisteront, coûte que coûte, sur le maintien de leur hégémonie mondiale. Seules des consultations en vue de modifier l’architecture sécuritaire de l’Europe, avec un souci de sortir la Russie de son isolement, pourraient retenir l’attention du Kremlin. C’est la proposition que fit le président russe Dmitry Medvedev en 2010, mais qui ne rencontra qu’un silence de plomb à l’Ouest. L’entrée de la Russie impliquerait qu’on lui accorde une influence proportionnelle à son poids militaire, une chose à laquelle l’OTAN s’est opposé bec et ongles jusqu’à aujourd’hui.
C’est pour cette raison, l’incapacité de trouver des solutions pour résoudre cette question importante de la place de la Russie au sein de la sécurité mondiale, que, sous Barack Obama, l’initiative de remettre les compteurs à zéro a échoué. C’est pour cette raison que le conseil de Kissinger à Donald Trump, au début de la présidence de ce dernier, d’offrir un allègement des sanctions en échange d’un progrès sur le désarmement, au lieu de mettre en place les accords de Minsk concernant la crise en Ukraine, a échoué, avec le « niet » ferme Vladimir Poutine.
L’acceptation, par la Russie, qu’il existe une position anti-russe en Ukraine et de l’autorité de cette dernière sur les régions a fort peuplement russe du Donbass et de la Crimée, concessions qui, pour Poutine, seraient dévastatrices politiquement à l’intérieur de la Russie, est implicite dans les quelques « carottes » que les États-Unis ont tendu au Kremlin. Pourtant, cette « normalisation » ne toucherait pas à la sanction certes bien plus douce mais néanmoins désagréable des sanctions relatives aux droits de l’homme que les États-Unis ont imposé en 2012 par le biais de la loi Magnitski (Magnitsky Act), une loi motivée par ce que le Kremlin considère comme une fausse propagande autour de l’affaire criminelle et du décès du comptable Sergei Magnitski.
Le coup de la loi Magnitski consistait à discréditer la Russie et à préparer le terrain pour en faire un État paria. Elle a été mise en place au milieu d’une campagne déjà avancée de diabolisation du président russe dans les médias américains. En fait, il faudrait revenir en arrière, avant l’invasion de l’Irak par Georges Bush, dénoncée par la Russie aux côtés de l’Allemagne et de la France – ces dernières avaient été réprimandées par Washington – pour trouver ne serait-ce qu’un semblant de relations bilatérales entre les deux pays. Pour la Russie, ce fut le début d’une période de règlement de compte pour son manque de coopération avec la domination mondiale états-unienne.
La diabolisation de la Russie
Quant aux relations entre l’Union européenne et la Russie, le problème est très similaire. Pour trouver la mention d’une relation stratégique, du point de vue du ministre des Affaires étrangères allemand, il faut se replacer avant 2012. Et qu’est-ce qui constituait la normalité alors ? A l’époque, le renouvellement des accords de coopération entre l’U.E. et la Russie, était déjà bloqué depuis des années, officiellement à cause d’une différence de points de vue relative aux dispositions d’une loi européenne qui réglait l’acheminement du gaz dans des gazoducs appartenant à la Russie. Derrière ce différend, se cachait le rejet absolu, de la part des « Etats Baltes et de la Pologne, de tout ce qui pourrait ressembler à des relations normales avec la Russie, rejet pour lequel ils reçurent tout le soutien des Etats-Unis.
Le cri de ralliement consistait à mettre un terme au statut de la Russie de « fournisseur en monopole » de l’U.E., concernant le gaz, mais aussi le pétrole. Bien entendu, il n’existait aucun monopole, pas plus qu’il n’en existe aujourd’hui, mais des acteurs géopolitiques déterminés ne laissent jamais ce genre de détail se mettre en travers de l’élaboration des politiques.
Cette hostilité a aussi joué dans le rapport de force entre l’U.E. et la Russie lors de l’introduction d’un régime d’exemption de visa pour leurs citoyens respectifs. Ici, l’opposition de l’Allemagne d’Angela Merkel, motivée par la manière mesquine dont la chancelière qualifia la Russie d’État mafieux, condamna à l’échec le régime d’exemption de visa, et par là même la normalité des relations.
Toutes ces questions doivent être considérées et résolues, pour qu’il y ait ne serait-ce qu’une possibilité de mettre un terme à l’hostilité des États-Unis et de l’U.E. envers la Russie et pour rétablir la confiance du Kremlin à l’égard de l’Ouest. Quand bien même, la Russie ne renoncerait pas, pour autant, à sa précieuse relation avec la Chine.
Selon moi, l’alliance « de fait » entre la Russie et la Chine est le pendant de l’alliance « de droit » entre les États-Unis et l’Europe de l’ouest. Au bout du compte, ces alliances découpent le monde en deux camps. Nous avons maintenant un monde bipolaire, qui ressemble en gros à celui de la guerre froide, bien qu’il soit encore à un stade de mise en place, vu que de nombreux pays n’ont pas encore vraiment choisi leur camp.
Bien sûr, il existait aussi des États plus ou moins neutres pendant la guerre froide, qui créèrent ce que l’on a appelé les pays non-alignés, avec, à l’époque, l’Inde et la Yougoslavie comme chefs de file. La Yougoslavie n’existe plus, mais l’Inde a perpétué sa tradition de se laisser courtiser par les deux côtés, en essayant de tirer le meilleur avantage pour elle-même.
Bien entendu, un grand nombre de politologues aux États-Unis, en Europe ainsi qu’en Russie, insistent sur le fait que nous avons déjà un monde multipolaire, en expliquant que le pouvoir est trop diffus dans le monde aujourd’hui, en particulier si l’on considère la montée d’acteurs non-gouvernementaux après 1991. En réalité, peu d’États ou d’entités non-étatiques peuvent projeter leur pouvoir au delà de leur propre région. Seuls les deux grands blocs ont cette capacité.
Les théoriciens de la multi-polarité parlent d’un retour vers l’équilibre des pouvoirs qui existait au XIXesiècle et invoquent le Congrès de Vienne comme modèle possible pour la gouvernance mondiale d’aujourd’hui. Une vision que Kissinger exposa en 1994 dans son livre Diplomatie.
En Russie, ce concept a trouvé un appui dans certains groupes de réflexion influents et est notamment associé à Sergei Karaganov, chef du Conseil de la politique étrangère et de défense. Néanmoins, je maintiens que c’est la réalité quotidienne du pouvoir qui tranchera cette question. Et y a-t-il quelque chose d’intrinsèquement erroné dans ce monde bipolaire de facto, en supposant que les tensions puissent être maîtrisées et qu’une guerre majeure puisse être évitée ?
Selon moi, deux grands blocs sont plus susceptibles de maintenir l’ordre mondial parce que la portée des activités de leurs délégués peut être contenue – comme cela s’est souvent produit pendant la guerre froide – par les grandes puissances qui ne veulent pas que leurs différents commanditaires perturbent le bon fonctionnement de l’ordre mondial. Les petits acteurs sont ainsi moins susceptibles de mener la danse.
En outre, en ce qui concerne le partenariat ou l’alliance stratégique entre la Russie et la Chine, les observateurs occidentaux devraient se rassurer et ne pas s’alarmer. L’ascension de la Chine est une réalité, quelle que soit la constellation des grandes puissances. La coopération étroite entre la Russie et la Chine peut également servir d’influence modératrice sur la Chine, compte tenu de la plus grande expérience de la Russie en matière de leadership mondial.
Pour toutes les raisons positives et négatives susmentionnées, les relations entre la Russie et la Chine devront être considérées avec sérénité dans les capitales occidentales.
Source : Gilbert Doctorow,

mardi 12 septembre 2017

Concept général et pathogenèse des spondylarthropathies

Concept général et pathogenèse des spondylarthropathies

Michael J. Nissen
Rev Med Suisse 2016; volume 12.485-489Téléchargez le PDF

Résumé

Les spondylarthropathies sont un groupe de maladies qui ont en commun la présence de l’antigène HLA-B27 et des manifestations articulaires et extra-articulaires. Cet article discute des différents critères de classification ainsi que de la pathogenèse de la maladie. Bien que celle-ci ne soit pas clairement élucidée, il existe plusieurs hypothèses concernant le rôle de HLA-B27, du microbiome et du stress biomécanique. Ces processus induisent l’activation de nombreuses cytokines comme le TNFα, l’IL-17, l’IL-22 et l’IL-23, ce qui favorise une inflammation accrue et une prolifération osseuse.

CONCEPT GÉNÉRAL ET CRITÈRES DE CLASSIFICATION

Les spondylarthropathies (ou spondylarthrites) sont un groupe de maladies étroitement liées par une association avec l’antigène HLA-B27 et des manifestations articulaires et extra-articulaires. Ce groupe de maladies partage plusieurs manifestations cliniques en commun comme les rachialgies inflammatoires, une arthrite périphérique (souvent une oligoarthrite des membres inférieurs), une enthésite et une dactylite, ainsi que des manifestations extra-articulaires comme une uvéite, un psoriasis cutané et une inflammation de l’intestin.
Précédemment, les spondylarthropathies étaient définies plus spécifiquement par la spondylarthrite ankylosante ou maladie de Bechterew, avec la présence de plusieurs « sous-types » comme l’arthrite psoriasique (PsA), l’arthrite réactionnelle (ReA), la spondylarthrite (SpA) associée à une maladie inflammatoire de l’intestin (MICI), la spondylarthrite juvénile et finalement une spondylarthrite indifférenciée (figure 1). De nombreux experts considèrent la PsA comme une entité différente qui ne devrait pas être vue comme une SpA, mais cette question n’a toutefois pas encore fait l’objet d’une décision définitive.
Fig 1
Différents types de spondylarthropathies
Une nouvelle approche de la spondylarthrite a divisé cette maladie en deux groupes distincts : 1) une spondylarthrite à prédominance axiale (SpA axiale) et 2) une spondylarthrite à prédominance périphérique (pSpA). Le premier groupe comprend la spondylarthrite ankylosante (SA) et « la spondylarthrite axiale non radiographique » (nr-axSpA). Cette dernière est définie chez un patient avec des lombalgies inflammatoires et des signes typiques d’une sacro-iliite à l’IRM, mais sans les signes typiques de la SA à la radiographie standard selon les critères modifiés de New-York (MNYC). Le deuxième sous-groupe, pSpA, comprend les autres formes de spondylarthrites.
Le fait qu’il existe de nombreux exemples de critères de classification témoigne de la difficulté à en établir de bons cliniquement utiles. Les premiers critères pour la SA dits de « Rome » sont apparus en 1961, suivis par ceux de Moll et Wright en 1973, puis ceux de New-York modifiés en 1984, et ensuite deux séries de critères dits « Amor » et « ESSG » dans les années 90. Plus récemment, les critères de l’« ASAS » (Assessment of SpondyloArthritis international Society) ont été publiés en 2009 pour la SpA axiale, et en 2011 pour la spondylarthrite périphérique. Concernant la PsA, les critères de « Moll et Wright », publiés en 1973, ont été récemment remplacés par ceux de « CASPAR » en 2006.
Il est important de souligner le fait que ces critères sont de « classification », et, qu’il ne s’agit pas de critères « diagnostiques ». Ils ont été établis dans le but de standardiser la population des patients inclus dans les études cliniques. Néanmoins, ils pourraient être utiles pour rappeler au clinicien les manifestations cliniques typiques de la maladie afin d’aider le diagnostic chez un patient donné. Comme exemple, les critères de classification ASAS (figure 2) ont une sensibilité de 82,9 % est une spécificité de 84,4 %. Autrement dit, environ 17 % des patients avec une « vraie » SpA axiale seront considérés négatifs selon les critères ASAS.
Fig 2
Critères de classification ASAS pour la SpA axiale
* Sacro-iliite a l’imagerie :–Inflammation active (aiguë) à l’IRM formtement suggestive de sacro-iliite associée à une spondylarthrite (SpA)–Sacro-iliite radiologique selon les critères modifiés de New Yorkn = 649 patients avec rachialgies :–Ensemble des bras : sensibilité : 82,9 %, spécificité : 84,4 %–Bras imagerie seul : sensibilité : 66,2 %, spécificité : 97,3 %–Bras clinique seul : sensibilité : 56,6 %, spécificité : 83,3 %
L’autre raison, pour laquelle ces critères de classification ont été établis, est de permettre un diagnostic plus précoce et en conséquence l’introduction plus rapide d’un traitement approprié. Jusqu’à récemment, le délai moyen de diagnostic (le temps entre le début des symptômes et le diagnostic par le médecin) d’une spondylarthrite axiale était de neuf ans. Les chiffres actuels de la base de données suisse « SCQM » suggèrent que ce délai diagnostique a diminué à 5,4 ans chez l’homme et à 6,1 ans chez la femme.1 Le concept de nr-axSpA et l’augmentation de l’accessibilité à l’IRM ont certainement contribué à cette réduction. Bien que cette amélioration soit significative, le délai reste toujours insatisfaisant.
Les données des registres et des études randomisées contrôlées ont montré que chaque année environ 5 % des patients avec un diagnostic de nr-axSpA vont évoluer vers une forme « radiographique » (c’est-à-dire une SA, selon la classification de New-York) (figure 3). Néanmoins, il existe une proportion significative de patients avec une nr-axSpA qui ne vont probablement jamais développer une forme ankylosante. Dans une étude, 30 % des patients avec une nr-axSpA étaient toujours négatifs pour les critères de New-York après douze ans de suivi.2 Tandis qu’il existe des facteurs de risque bien établis pour la progression vers une SA (comme une CRP élevée, ou, une importante atteinte inflammatoire des articulations sacro-iliaques à l’IRM) au niveau de la population ; pour un patient précis, la capacité de prédire la progression vers une forme ankylosante reste très difficile.
Fig 3
Evolution d’une spondylarthrite non radiographique (nr-axSpA)
SA : spondylarthrite ankylosante.

PATHOGENÈSE

La pathogenèse de la SpA reste un sujet à débat malgré des progrès scientifiques considérables cette dernière décennie. Plusieurs observations-clés ont révélé une série d’événements ou de circonstances qui, lorsqu’ils sont combinés, expliquent, au moins en partie, la pathogenèse de la SA et qui correspondent probablement à d’autres formes de SpA.

HLA-B27

Le principal gène de prédisposition associé avec la SpA est l’antigène d’histocompatibilité humain (HLA)-B27, même si la proportion de patients porteurs de ce gène varie considérablement selon le sous-type de SpA. Tandis qu’il existe sans aucun doute un rôle pour l’antigène HLA-B27 dans la pathogenèse de la SpA, il y a certainement beaucoup d’autres facteurs en jeu, car seulement 5 % de la population positive pour le HLA-B27 vont finalement développer une SA. Actuellement, il existe trois hypothèses principales pour expliquer la contribution du HLA-B27 dans la pathogenèse de la SA.
La première hypothèse dite des « peptides arthritogènes » postule que certains peptides microbiens ressemblent aux peptides du soi du point de vue du récepteur T (TCR) de certains lymphocytes-T (LT) CD8+ (cytotoxiques) spécifiques pour le HLA-B27. La réactivité de ces LT avec le complexe peptide-HLA-B27 aurait pour conséquences une autoréactivité et une maladie autoimmune.4 L’association de la SA avec des polymorphismes du gène RUNX3, qui est impliqué dans la différenciation des LT CD8+, souligne en outre le rôle de ces LT dans la SA. Néanmoins, la découverte que les rats HLA-B27 positifs peuvent développer une arthrite en l’absence totale des LT CD8+, fait que cette hypothèse reste controversée.
La deuxième théorie est l’hypothèse de « mauvaise conformation des protéines ». Les protéines dépliées sont généralement retenues dans le réticulum endoplasmique (RE). Les protéines HLA-B27 dépliées (c’est-à-dire celles qui ne sont pas encore dans la conformation de classe I) s’accumulent dans le RE. La réponse de la protéine dépliée dans le RE (ERUPR) survient du fait d’une surcharge des voies d’élimination préétablies. L’interleukine (IL)-23, une cytokine inflammatoire, est sécrétée sous l’effet de l’ERUPR.
La troisième hypothèse est celle de « l’homodimère de la chaîne lourde », qui est fondée sur l’observation que les chaînes lourdes du HLA-B27 sont capables de former des dimères stables sans la β2-microglobuline. Il a été suggéré que ces dimères peuvent se lier aux récepteurs de plusieurs types de cellules.5 Les ligands de ces homodimères sont les récepteurs NK (Natural Killers). Normalement, l’activation des LT par la conformation du HLA-B27 aurait pour conséquence la production d’IL-2 et d’interféron (IFN)-gamma. Néanmoins, chez les sujets HLA-B27+, ce processus est inhibé, induisant une suppression de l’IFN-gamma et une augmentation de la production du récepteur de l’IL-23 et de l’IL-17. Il n’existe toutefois aucune évidence directe chez l’homme.

ERAP-1

Les aminopeptidases dans le RE sont responsables du découpage et de l’élimination des peptides afin d’obtenir la longueur correcte pour permettre leur liaison aux molécules HLA de classe I, comme le HLA-B27, pour la présentation des antigènes.6 Des polymorphismes d’ERAP-1 (endoplasmic reticulum aminopeptidase 1) auraient pour conséquence une augmentation d’expression des homodimères de la chaîne lourde libre du HLA-B27 à la surface de la cellule, ce qui pourrait indirectement stimuler la réponse Th17.7 Il a été démontré que les polymorphismes du gène d’ERAP1 sont associés avec la SA, mais exclusivement chez les patients HLA-B27+.7 Inversement, l’inhibition de l’activité de l’ERAP1 aurait pour conséquence une réduction d’expression de la chaîne lourde libre des molécules HLA de classe I à la surface de la cellule et pourrait en conséquence diminuer l’activité de Th17.8 Par conséquent, l’ERAP1 présente un intérêt comme cible thérapeutique potentielle.

Voies IL-17/IL-23

Les cytokines pro-inflammatoires IL-17A et IL-23 semblent être impliquées dans la pathogenèse de la SA et de l’arthrite psoriasique.9 L’IL-23 stimule la production de l’IL-17 par l’intermédiaire du récepteur de l’IL-23 (IL-23R). Chez les patients avec une SA, une inflammation subclinique de l’intestin est souvent présente et constitue une source abondante d’IL-23. Les polymorphismes, avec une perte de fonction du IL-23R, sont associés à une sensibilité réduite de développer une SpA ou une MICI.10
Dans une publication récente basée sur un modèle murin, les auteurs ont démontré que l’enthèse contient une population unique de cellules T résidentes (CD3+, CD4-, CD8-, ROR-γt+). A la suite d’une activation par l’IL-23 (indépendamment des cellules Th17 CD4+), ces cellules T vont entraîner une inflammation locale et une prolifération osseuse via divers médiateurs effecteurs comme les cytokines IL-17 et IL-22. C’est ainsi que les caractéristiques cliniques typiques de la SpA apparaissent (figure 4).11
Fig 4
L’IL-23 et les cellules T résidentes de l’enthèse favorisant l’enthésite et la prolifération osseuse dans la SpA11,12
SpA: spondylarthrite.
Ces cellules T résidentes de l’enthèse possèdent le facteur de transcription « promyelocytic leukemia zinc finger » qui permet l’induction rapide des cytokines à la suite d’une activation cellulaire. Il est très possible que ces cellules fonctionnent comme les cellules T innées avec un rôle dans la détection d’un stress environnemental. L’article de Sherlock et coll.11 propose un lien cellulaire intrigant entre une pathologie tissu-spécifique et les cytokines systémiques.

Auto-inflammation (immunité innée)

L’histopathologie d’une synovite de la SA ressemble à une réponse immune innée exagérée, dont la principale caractéristique est une augmentation des macrophages activés de type CD163+. Cela est très différent de ce qui se passe dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), qui semble être un processus principalement piloté par des antigènes.
L’hypothèse de stress de l’enthèse (entheseal stress hypothesis) suggère que l’inflammation de l’enthèse et de l’os sous-jacent entraîne un processus érosif local, suivi d’une réparation, puis d’une néoformation osseuse. Le TNF (facteur de nécrose tumorale) est une cytokine-clé entraînant l’inflammation dans la SA, d’une manière similaire à la PR. Néanmoins, dans la SA et à la différence d’une PR, il existe une augmentation de l’activation des protéines Wnt (Wingless), du BMP (bone morphogenetic protein) et de la TGFβ (transforming growth factor beta) qui mène à une néoformation osseuse dirigée par les ostéoblastes. De plus, l’activation de Wnt inhibe la différenciation des ostéoclastes grâce à une augmentation de la production de l’ostéoprotégérine (OPG). Les protéines DKK (Dickkopf) comme DKK-1 se lient au complexe récepteur de Wnt et inhibent la signalisation de Wnt, ce qui entraîne une inhibition de la prolifération des ostéoblastes et de leur différenciation.

Atteinte de l’intestin

Il existe un lien clairement établi entre l’atteinte inflammatoire de l’intestin et de la SpA, avec environ 50 à 60 % des patients présentant une SpA ayant une colite, souvent subclinique. En conséquence, les MICI font partie des critères de la classification ASAS. La surexpression d’IL-23 est associée avec une colite subclinique dans la SA.13 De plus, les rats transgéniques pour l’HLA-B27, élevés dans un environnement stérile, sont exempts de l’atteinte inflammatoire des articulations et de l’intestin.14 Néanmoins, dès qu’ils sont exposés aux bactéries généralement retrouvées dans l’intestin, ces rats développent des signes inflammatoires typiques d’une SA.
Les polymorphismes de l’HLA-B27 peuvent engendrer une modification de la reconnaissance et de la manipulation des antigènes bactériens au niveau de l’épithélium de l’intestin et de la lamina propria. Ensuite, l’infection bactérienne induit les réponses Th1 et Th17. Les variantes de sensibilité des IL-23R, exprimées à la surface des macrophages et d’autres types de cellules présentatrices de l’antigène, peuvent moduler la réponse Th17. Des LT activés et des macrophages qui portent des éléments bactériens vont ensuite migrer dans les vaisseaux sanguins jusqu’à l’enthèse et l’articulation. Puis, ces LT activés et les macrophages recrutent d’autres cellules immunes induisant une activation des cellules mésenchymateuses, qui vont stimuler et maintenir cette inflammation.
Une étude du microbiome, avec biopsies de l’iléum terminal, a identifié cinq familles de bactéries plus abondantes chez les patients avec une SA précoce en comparaison de contrôles sains.15 L’une de ces familles, l’espèce Prevotella, a également été identifiée à un niveau élevé dans la microflore des rats transgéniques pour le HLA-B27.
Au total, chez ces patients avec une SpA, il semble qu’il existe une modification du microbiome avec une rupture de l’équilibre entre les bactéries pro-inflammatoires et anti-inflammatoires, avec comme conséquence une orientation vers la voie Th17. Néanmoins, malgré des décennies de recherche, aucune espèce bactérienne n’a été identifiée formellement comme déclencheur ou cause des SpA. Par ailleurs, une étude randomisée contrôlée utilisant des probiotiques chez les patients avec une SA n’a démontré aucune efficacité.16

Différentes phases de la SpA

Il semble qu’il existe différentes étapes d’évolution de la SpA en fonction de la participation de différents types de cellules aux phases chronologiques de la maladie (figure 5). Les cellules dendritiques sont primordiales dans la phase d’initiation, les LT sont fondamentaux pendant la phase inflammatoire et finalement la stimulation des ostéoclastes aboutit à une prolifération osseuse. Ce concept évoque la possibilité d’aborder la prise en charge d’une SpA différemment, avec un choix du type de traitement qui varie en fonction du stade de la maladie. Dans un avenir proche, il pourrait être possible de modifier le microbiome des individus génétiquement prédisposés à développer une SpA avec pour conséquence une diminution du risque de la maladie. De plus, le choix de la cytokine à inhiber (TNFα, IL-17, IL-22 ou IL-23) va probablement déboucher sur une efficacité variable en fonction du moment choisi selon le stade de la maladie. Finalement, dans une phase plus tardive, les médicaments qui ciblent la néoformation osseuse pourraient potentiellement diminuer le processus d’ankylose.
Fig 5
Interactions proposées entre l’inflammation et la néoformation osseuse dans la SpA18
BMP : bone morphogenetic protein ; CD : cellules dendritiques ; ERAP1 : endoplasmic reticulum aminopeptidase 1 ; OB : ostéoblaste ; PGE2 : prostaglandine E2 ; Wnt : Wingless.

CONCLUSION

Les spondylarthropathies représentent un groupe de maladies qui ont en commun la présence d’HLA-B27 et des manifestations articulaires et extra-articulaires. Tandis que la pathogenèse exacte de ces maladies n’est pas clairement élucidée, il apparaît actuellement qu’il existe une combinaison de facteurs déclenchants, tels que la réponse de la protéine dépliée du HLA-B27, des modifications du microbiome et des stress biomécaniques, engendrant une hausse de l’IL-23 puis l’activation des cellules T résidentes de l’enthèse. Ceci provoque la production d’autres cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-17 et l’IL-22 avec une inflammation supplémentaire, l’activation du TNFα et une néoformation osseuse.
Conflit d’intérêts :
L’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications pratiques

▪ Les spondylarthropathies sont un groupe de maladies qui ont en commun la présence d’HLA-B27 et des manifestations articulaires et extra-articulaires
▪ La pathogenèse des spondylarthropathies implique l’antigène HLA-B27, des modifications du microbiome, des stress biomécaniques et des cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-17, l’IL-22, l’IL-23 et le TNFα