Professeur honoraire
 
Après Marseille, Noisy-le-Sec : chaque semaine apporte son lot de violences. Vendredi midi, une dizaine de jeunes munis de bombes lacrymogènes et de matraques ont pénétré dans le réfectoire de la cité scolaire Olympe-de-Gouges, molestant un élève. C’est « une escalade de violence », déclare un professeur. Un père d’élève a déjà été blessé dans une bagarre, à la sortie de l’établissement, et a dû être hospitalisé.
Ces manifestations de violence sont quotidiennes : contre des élèves, contre des professeurs, contre des chefs d’établissement. Elles ne sont pas seulement le fait de collégiens ou de lycéens, mais aussi de parents. La presse relève les faits les plus marquants. À Marseille, un élève de 16 ans a été poignardé devant son lycée. Selon un témoignage, ici, on porte un couteau dans sa poche comme un paquet de mouchoirs. Quelques jours auparavant, des élèves ont dû se confiner dans leurs classes pour se protéger de tirs de flèches. La violence règne partout, en dehors et à l’intérieur des enceintes scolaires.
Les enseignants de Noisy-le-Sec se sont mis en grève. Ils réclament quatre assistants et un conseiller principal d’éducation supplémentaires. Ce ne sont malheureusement pas quelques personnels de plus qui permettront de résoudre le problème – même s’ils peuvent rassurer les élèves et leurs professeurs. Combien de ces enseignants se rendent-ils à leur travail la peur au ventre, combien vont demander leur mutation ou démissionner, combien d’élèves cherchent à fuir ces établissements !
Le ministre de l’Éducation nationale condamne : « Nous menons un travail important sur la prévention des violences », assure-t-il. Mais la violence se joue des bonnes intentions.
Elle se répand comme la gangrène dans les cités, dans les écoles, indistinctement. Inutile de se voiler les yeux. Ce n’est pas dans les grands établissements de centre-ville qu’elle s’exerce. Mais dans les « quartiers », comme on les appelle pudiquement. La violence n’est pas seulement un problème scolaire : c’est un problème de société.
Il appartient aux responsables politiques de lutter contre la violence, à l’extérieur des établissements. Encore faudrait-il ne pas confondre délinquants et victimes. Les candidats à l’élection présidentielle feraient bien de s’emparer sérieusement de ce sujet. Quant au ministère, il se devrait d’être exemplaire en la matière. Il ne suffit pas de proclamer, comme on peut le lire sur le site du ministère, que « les élèves ont besoin de travailler dans un climat serein pour réussir » : encore faut-il passer de la parole aux actes.
Ce n’est pas d’une « refondation » que l’école a besoin, mais d’une véritable révolution. Il est scandaleux que, dans des collèges ghettos, les élèves qui veulent travailler en soient empêchés par une poignée de perturbateurs professionnels, se voient traiter de bouffons. Qu’ils n’aient d’autre issue que de fuir l’école de leur quartier, quand ils en ont la possibilité, tandis que les vauriens font la loi.
Tous les élèves ont le droit d’accéder au savoir et à la culture. Les expériences mises en œuvre par le maire de Montfermeil montrent que c’est possible, même dans les quartiers difficiles. Quant aux perturbateurs, ils doivent être placés dans des structures spécialisées. Il y va de la survie intellectuelle et culturelle d’une partie des jeunes, que les responsables politiques ne peuvent abandonner à leur sort – en recourant eux-mêmes, pour leurs propres enfants, à des voies privilégiées. C’est une action de salut public.