Attentats: comment ne pas tomber dans la psychose?
Par Claire Hache,
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Après les attaques en série qui ont coûté la vie à 129 personnes à Paris, peur et traumatisme s'emparent de l'opinion. Interview de la psychiatre Catherine Boiteux sur la façon de gérer individuellement ces événements tragiques.
Des terroristes qui tirent dans la foule aux terrasses des bars et restaurants et dans la salle mythique du Bataclan. Au moins 129 morts, 352 blessés dont 99 dans un état grave. Rescapés, proches, témoins mais aussi tous les simplement Français ont été choqués après les attentats de Paris vendredi. Comment gérer et surmonter ce traumatisme collectif? Interview du docteur Catherine Boiteux, psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne à Paris.>> Retrouvez les dernières informations sur les attentats de Paris dans notre live
Certains professionnels de santé parlent de personnes ce matin en état de choc se présentant aux urgences. Que faut-il en penser?
C'est classique dans ce genre de cas. Aujourd'hui, il existe une telle médiatisation de l'aspect psychologique que les gens se précipitent en nombre aux urgences. Il est important de rappeler qu'étant donnée la gravité des attentats, la priorité aujourd'hui pour les services d'urgences parisiens est de soigner les blessés et de les soutenir ainsi que leurs proches. Des cellules de soutien psychologique ont par ailleurs été ouvertes. J'ai une pensée pour tous mes collègues professionnels de santé qui sont intervenus. Sur le moment, ils font leur métier et donc n'y pensent pas. Mais après coup, la charge est aussi importante que ceux qui ont été témoins des attaques.
N'y a-t-il pas un risque de tomber dans la psychose généralisée dans la population?
Il n'y a pas un Français qui ne soit pas traumatisé par ce qui s'est passé. C'est un réflexe de survie et c'est normal d'avoir des craintes et angoisses, de pleurer, d'être triste. Pour autant, il ne s'agit pas de psychose au sens psychiatrique du terme mais de peur. Souvent, ce sont dans les jours qui suivent que victimes, blessés et proches développent des symptômes comme des phobies, des angoisses, des cauchemars. Et c'est à ce moment-là que va intervenir la prise en charge. Mais avant le psychiatre, c'est la solidarité familiale et amicale qu'il faut mobiliser. C'est ce qui va permettre de développer moins de troubles par la suite et d'affronter ce genre de traumatisme. Nous devons nous serrer les coudes.
Comment surmonter la peur?
L'important dans un premier temps est de raconter, mettre des mots, verbaliser autant que possible. Souvent les entretiens sont collectifs car ils permettent aux victimes et rescapés de réaliser qu'ils ne sont pas tous seuls, isolés. La subjectivité de chacun doit être respectée, on perçoit tous les choses différemment. Il est important de ne pas juger ceux qui vont avoir très peur.
Même si le risque est de tomber dans une peur de tout: des transports en commun, aller au cinéma, sortir au restaurant. Certaines personnes vont se replier elles-mêmes, sur leur domicile. C'est le propre de l'action terroriste de vouloir faire peur aux populations. Avant les psys, ce sont le gouvernement et les forces de l'ordre qui doivent rassurer les Français.
Et comment gérer l'impact de ces événements sur les enfants?
En fonction de leur âge, ils n'ont pas la même appréhension du réel. A trois ans, les enfants comprennent qu'il s'est passé quelque chose de grave mais ils n'ont pas de notion de mort contrairement à un enfant de huit ans par exemple. Comme pour les adultes, il faut parler, expliquer et rassurer en leur expliquant qu'ils sont en sécurité. En faisant attention car avec internet, la télévision, les médias, ils vont avoir accès aux mêmes informations que nous. Et ils ne sont pas bêtes, ils ressentent l'angoisse de leurs proches.
Comment éviter que les enfants aient peur du terrorisme?
Par Mathilde Laurelli,
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Après les attentats de Charlie Hebdo, la France a de nouveau été frappée par le terrorisme, le 13 novembre. Comment les parents peuvent-ils répondre aux questions des enfants sans transmettre leurs propres angoisses?
Presque un an après les attentats de Charlie Hebdo et la prise d'otages dans une épicerie casher à Porte de Vincennes, la France est de nouveau en proie aux attaques terroristes. Une série d'attaques simultanées a fait ce vendredi 13 novembre plusieurs dizaines de morts à Paris, ainsi qu'autour du stade de France, où avait lieu le match France-Allemagne. Couvert par les médias, le sujet sensible du terrorisme nécessite d'être abordé pour contenir l'éventuelle inquiétude qu'il provoque et limiter son impact dans les foyers français. Comment aborder la question en famille, alors que l'état d'urgence a été déclaré? Eléments de réponse.Répondre à toutes les questions
"Le dialogue est la clé", assure Anne Bacus, psychologue clinicienne spécialiste de la famille. "Demandez à votre enfant ce qu'il ressent face à cette injustice. Invitez-le à partager avec vous ses émotions." Il ne faut surtout pas faire du terrorisme un tabou à la maison (ou ailleurs). "L'enfant est pourvu d'une capacité de penser", rappelle Alix Foulard, psychologue, coach et praticien chercheur. "Mais c'est une personne qui a son propre niveau de maturité, en fonction de son âge et de son vécu. Il ne faut donc pas le brusquer, mais engager la discussion avec prudence, adapter son discours, sans le polluer avec des problèmes d'adultes". Ne rentrez pas dans les détails complexes. "Cela ne sert à rien d'essayer de tout lui expliquer. Inutile de tenter de lui faire comprendre la différence entre musulman et islamiste, par exemple. Il faut rester clair, tout en se méfiant des raccourcis simplistes."Evitez cependant d'édulcorer la vérité. "Il ne faut pas faire vivre les enfants dans un monde truqué", explique Pierre Mannoni, psychologue et enseignant chercheur à la retraite. "Si vous leur racontez des mensonges, ils n'auront plus confiance en vous et iront chercher les informations auprès de sources pas forcément fiables. Ne fuyez aucune question", encourage le spécialiste.
Le choc des images
Difficile d'y échapper. Les images des fusillades sont diffusées en boucle. Et risquent de s'imprimer dans la tête de ceux qui pourraient se trouver exposés. "Vous n'allez évidemment pas allumer votre poste sur BFM TV et vous installer en famille sur le canapé!" lance Alix Foulard, qui conseille de garder les enfants à distance des chaînes d'information en continu ou du JT. Même avis pour sa consoeur Anne Bacus, qui préconise: "Tenez les enfants âgés de moins de 7 ou 10 ans éloignés de la télévision. Les images ont un impact plus fort que les mots sur le psychisme. Les parents doivent tenir leur rôle de pare-excitation, c'est-à-dire protéger leurs enfants d'images si fortes qu'elles deviennent traumatisantes. Cela leur évitera bien des cauchemars!">>> A lire aussi: Attentats terroristes, comment ne pas céder à la psychose?
Anne Bacus ajoute: "Les adolescents ont davantage conscience du bien et du mal, de la vie et de la mort. On ne peut donc pas faire comme si rien ne s'était passé. Ils vont de toute façon y être exposés. Dans ce cas, il faut en parler, pour mettre l'horreur à distance." Il est -quasiment- impossible que les jeunes de 12 à 18 ans aient échappé aux vidéos ou images circulant sur les réseaux sociaux. "Ils sont nés avec des portables ou des manettes de jeux vidéo dans la main!", ironise Alix Foulard. "Sauf que là, ce n'est pas virtuel, mais bien réel." Une fois encore, il ne faut pas en minimiser l'emprise, et ouvrir le débat. "Comme les adultes, les ados sont en capacité de supporter une certaine dose d'images choquantes", déclare Pierre Mannoni.
Continuer à vivre normalement
La peur du terrorisme est en chacun de nous. Les parents doivent au maximum essayer de ne pas transmettre leurs propres angoisses. "Cela ne sert à rien de lui dire de rester vigilant. Il est impossible de prédire ce genre d'évènement", reconnaît Anne Bacus. La police et l'armée sont là pour les protéger. "A l'inverse, ne lui dites pas qu'il ne craint rien. On ne sait jamais ce qu'il peut arriver. Il faut continuer à vivre normalement. Rappelons que le risque est bien plus grand qu'il se fasse renverser par une voiture en allant à pieds à l'école, plutôt qu'il se retrouve dans un attentat! Essayez de vous maîtriser et de rester rationnel. Contenez vos propres émotions (peur, colère, tristesse...) pour ne pas les diffuser au sein de votre famille.""Expliquez-lui que ce qui fait notre force, c'est justement de ne pas obéir à la peur. Le courage n'est pas du côté des Kalachnikovs, mais de ceux qui refusent la violence. Discutez de la solidarité qui s'est mise en place, de la mobilisation et des hommages à travers le monde entier. Proposez aux plus grands de vous rendre aux marches de soutien."
Et après?
Les parents se doivent de rester vigilants. "Soyez en alerte dans les jours qui suivent votre discussion", prévient Anne Bacus. "Le sujet est forcément abordé à l'école, que ce soit en classe par les enseignants, ou dans la cour de récréation avec ses camarades. Demandez-lui comment ça se passe. Écoutez ce qui se dit à la sortie de son établissement scolaire, rectifiez si besoin. Restez attentif à un éventuel changement de comportement, comme des troubles du sommeil, une perte d'appétit ou la peur de rester tout seul, qui pourraient traduire un état d'anxiété.""Faites aussi attention à la porosité de vos opinions politiques", met en garde Anne Bacus. "Evitez de les politiser, cela arrivera bien assez vite!", avertit Pierre Mannoni. "Expliquez-lui que ses copains d'origine arabe ne sont pas des ennemis potentiels, ne représentent pas une menace et n'en demeurent pas moins fréquentables. On peut vite tomber dans le racisme." Evitez le piège.
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