mercredi 25 novembre 2015

Islam, état d’urgence, politique étrangère française au Moyen-Orient, stigmatisations, etc…

Islam, état d’urgence, politique étrangère française au Moyen-Orient, stigmatisations, etc… 10 arguments pour répondre aux analyses maladroites voire néfastes trop souvent entendues

A la suite des attentats du 13 novembre, de nombreux raisonnements ont fait (ou refont) surface. Du fameux "pas d'amalgame" à la responsabilité de l'Occident dans l'affrontement contre l'Etat islamique, voici ce qu'il faut répondre.

Points sur les "i"

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Islam, état d’urgence, politique étrangère française au Moyen-Orient, stigmatisations, etc… 10 arguments pour répondre aux analyses maladroites voire néfastes trop souvent entendues
A la grande mosquée de Strasbourg Crédit Reuters

Daech n'a rien à voir avec l'Islam

Malik Bezouh : Existe-t-il une filiation entre Daech et l’islam ? La question est au cœur des débats. Une chose est certaine, les attentats contre des victimes innocentes constituent, sans conteste, un crime inqualifiable d’un point de vue de la jurisprudence musulmane. Ce point, est-il nécessaire de le rappeler, est unanimement admis par les théologiens des différentes écoles sunnites, malékite, hanafite, chaféïte et hanbalite. Ces écoles, notons-le au passage, sont à la base de la théologie sunnite. Daech, quant à lui, appartient au courant takfiriste.

Millénaire, ce courant est ultra-minoritaire. En effet, le nombre de combattants de Daech, 50 000 environ, rapporté à la population musulmane mondiale, approximativement 1,6 milliards d’individus, révèle un ratio de 0,003%. C’est dire l’insignifiance numérique du takfirisme, considéré comme une hérésie par l’écrasante majorité des musulmans dans le monde.

Et pour cause, plus de 85% des victimes du takfirisme, à l'échelle planétaire, sont musulmanes ! Pourtant les choses ne sont pas aussi simples qu'il n'y parait. Il peut arriver, en effet, à la pensée takfiriste de puiser dans la théologie orthodoxe. Ainsi, la mise à mort, ignoble autant que spectaculaire, des homosexuels jetés du haut d’un immeuble, est une pratique approuvée par certains théologiens orthodoxes (c’est-à-dire issus d’une des quatre écoles sunnites précitées).

Il nous appartient donc, à nous autres musulmans, de conviction ou par héritage, de commencer un travail de rétrospection et de remise en question car s’il est vrai que Daech nous inspire horreur et abomination, nous devons aussi regarder dans nos sources ce qui doit être banni afin que jamais le lien entre Daech et l’islam ne puisse s’opérer. Et de ce côté-là, c'est à dire celui de la réformation profonde de l'islam, force est de constater qu’un travail conséquent doit être mené. Un travail qui ne débutera réellement que lorsque le despotisme politique qui gangrène le monde arabe aura été vaincu.

Le terrorisme islamiste est le fruit des politiques étrangères occidentales

Alexandre Del Valle : Oui et non à la fois. Oui parce que ces terroristes nous frappent aujourd’hui en partie en réaction aux interventions militaires occidentales qui ont accentué le chaos moyen oriental depuis un certain nombre d’années, et non car les bases du terrorisme islamiste remontent à une situation antérieure et découlent d’une maladie à l’intérieur du corps de l’islam qui tue en premier lieu des membres de ce corps. Avant de nous frapper chez nous, en effet, ce même terrorisme tuait déjà des musulmans « modérés ».

Dans les années 90, les terroristes islamistes ont fait subir la même chose aux Algériens. En revanche, ce qui est vrai, c’est que nos interventions donnent un prétexte et renforcent l’extension de ce terrorisme puisqu’il nous frappe surtout depuis les interventions étrangères occidentales en terre d’islam. Mais quand bien même notre politique étrangère serait différente, plus isolationniste, cela ne changerait pas grand chose au fait que le totalitarisme islamiste projette d’établir un califat universel par la terreur et de soumettre et éliminer tous ceux qui s’y opposent. Cette violence et cette terreur sont les méthodes du totalitarisme vert qui a frappé les sociétés musulmanes bien avant de nous frapper. Politique étrangère ou pas, nous aurions été menacé un jour ou l’autre, notre politique étrangère n’était qu’un prétexte servant à légitimer la soif de sang et de conquête à rebours des islamistes.

Roland Hureaux : Oui, mais pas dans le sens que l'on croit. Non pas parce que nous aurions contrarié les aspirations de ces peuples, mais parce que nous  avons encouragé l'islamisme radical tout au long de ces dernières années.

Nous, ce n'est pas seulement la France,  mais tout l'Occident à commencer par les Etats-Unis  et le Royamue-Uni. Sur le plan géopolitique, les Etats-Unis ont conclu une alliance de longue date avec les parties les plus rétrogrades de l'islam:  wahabisme   saoudien, Frères musulmans,  contre les Etats laïques ( Irak, Syrie, Egypte nassérienne etc.).

Je pense que cette forme de radicalisme serait restée très marginale sans les encouragements occidentaux.

C'est le cas en Irak et en Syrie où les mouvements djihadistes , Al Nosra , proche des Frères musulmans ou Daesh qui se trouve dans  la  même mouvance,  ont reçu l'appui , en armes, en assistance technique et peut-être même en combattants directs,  des Etats-Unis, de l'Angleterre et de la France, sans compter l'Allemagne ( qui a acheminé  des armes ),  la Turquie , l'Arabie saoudite, la Jordanie et les émirats  du Golfe.  La France qui s'était tenue à l'écart de cette politique et qui avait par exemple soutenu l'Etat algérien  contre  le   FIS islamiste dans les années quatre vingt-dix ( le FIS avait pu en revanche ouvrir un bureau  à Washington! ), s'est ralliée à cette politique  pro-islamiste en 2011  en s'engageant à fond dans le conflit syrien du côté des rebelles djihadistes.

Manifestation emblématique  de la duplicité - ou de la lâcheté -  occidentale : le dernier sommet du G 20. . Les frères musulmans se trouvent presque toujours derrière les réseaux terroristes de ces dernières années. Or le G 20, rassemblement  des pays les plus puissants du monde se réunit à Antalya ( Turquie)  deux jours après les attentats du 13 novembre. Qui le reçoit ? Le  président turc , Erdogan, un frère musulman, peut-être un des  chefs cette confrérie.

Si l'on veut vaincre le terrorisme, il faut  rompre très vite tous ces liens équivoques et faire comprendre par exemple à Erdogan qu'on ne se laissera plus prendre à son double jeu. Mais malgré les rodomontades d'Obama et Hollande, je crains que cette rupture ne soit pas pour demain.

Le racisme et l'islamophobie de la société française participent au développement du terrorisme

Thierry Get : En premier lieu, pour reprendre un terme très « médiatique », je profite de l’occasion donnée pour dire qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre racisme et islamophobie. La Droite Libre a toujours rejeté l’instauration du délit d’islamophobie qui prend place dans le langage commun, par renoncements successifs, avant sans doute probablement d’être intégré au Code Pénal. Cela est regrettable car depuis le siècle des lumières, de Voltaire ou du Chevalier De La Barre, il était acquis que la critique des religions était un droit essentiel (pas celui bien sûr celui de massacrer les chrétiens ou les musulmans). D’ailleurs, le délit de blasphème a été définitivement aboli au 19ème siècle en France.

Pour en revenir au sujet principal, l’explication par le prétendu racisme de la société française relève d’une analyse par « le petit bout de la lorgnette » car en effet comment expliquer à ce moment, que chaque année, environ 50 000 personnes (selon une étude réalisée par le BBC World Service) sont tuées sous des prétextes divers et variés par les islamistes en Asie, en Afrique, en Amérique … Les nombreux attentats au Nigéria, au Mali, à Bali, au Canada, en Australie …nous rappellent que le phénomène est mondial.

Et une analyse de l’histoire montre que les conquêtes islamiques se sont toujours violemment opposées aux autres civilisations au cours des siècles (Inde, Europe chrétienne, Russie, Espagne, Empire Byzantin …). Souvenons-nous que l’islam avait conquis les Balkans et qu’il a été stoppé à Vienne par deux fois. Puis au 18ème siècle, la civilisation occidentale a pris le dessus. Une tendance planétaire lourde et historique est à l’œuvre.

Par ailleurs, il convient de relever, qu’alors que la France a été attaquée à plusieurs reprises par les islamistes depuis 2012, environ 30% des français pensent que l’islam est une menace (source http://www.atlantico.fr/decryptage).

 On ne peut pas dire que les français soit très anti-musulmans.Plus encore, suite aux attentats, les français se sont flagellés en s’accusant d’ « apartheid »(sic), en s’imposant la politique de peuplement, en rendant optionnel au collège l’histoire de la chrétienté et obligatoire celle de l’islam puis enfin, cerise sur le gâteau, en prônant même de ne plus autoriser les crèches dans les lieux publics (cf. déclaration du 18 novembre François Baroin, président des maires de France). Une France aussi culpabilisée peut-elle être raciste ?

C'est la misère sociale qui cause le djihadisme

Thierry Get : Si la misère sociale explique l’existence de dizaines de milliers de djihadistes, comment expliquer alors que le très faible niveau comparatif des terrorismes indous, chinois, mexicains ou encore de pays d’Amérique du Sud ? Et ce alors que nombre de ces pays ont souvent été très pauvres.

Et si la misère explique tout, pourquoi les pires extrémistes sont ressortissants d’Arabie Saoudite ou d’autres monarchies pétrolières où l’argent coule à flot ?

A titre accessoire, pourquoi Ben Laden, milliardaire, est-il allé combattre en Afghanistan, au Pakistan, vivre dans des grottes au risque de sa vie ? N’était-il pas mieux à siroter un cocktail au bord de sa piscine ?

Le moteur principal du djihadisme est plutôt religieux/idéologique. On peut aussi ajouter que le vide créé par la déchristianisation de l’Europe de l’ouest a ouvert un appel d’air pour l’islam.
Roland Hureaux :  La première génération des terroristes islamistes, les Ben Laden ou les Mohammed Attia, auteur de l'attentat du 11 septembre 2001, ne venaient pas des couches les plus pauvres du monde arabe mais de la haute bourgeoisie saoudienne ou égyptienne. Leur attitude exprimait plutôt un orgueil national  blessé, celui des élites arabes vis à  vis de l'Occident, qu'une revendication sociale.

Les fellahs d'Egypte qui ploient  soue l faux depuis des millénaires ne sot pas tentés par le terrorisme. Ils veulent survivre jour après jour, c'est tout.

A un moindre degré, on ne  voit pas que les terroristes français  actuels viennent de la partie la plus malheureuse  de la population immigrée: certains ont été élevés dans des pavillons de banlieue, d'autres sont employés  à la Mairie de Paris, à la RATP.  Pour ne pas parler des convertis.
Le terrorisme est un idéologie folle - toues les idéologies sont folles mais pas au même degré. C'est une sorte de maladie de l'esprit qui peut se développer à tous les niveaux de la société.

L'islam n'est pas intégrable, il a vocation à avoir un statut de second rang

Alexandre del Valle : Comme l’a résumé le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi devant la plus prestigieuse université sunnite Al-Azhar début janvier 2015: la difficulté de l’Islam n’est pas avec la religion en tant que foi, mais avec la partie idéologique et politique de la religion qui a été figée et malheureusement n’a pas été réformée depuis le 10ème siècle. Cette idéologie théocratique et conquérante (islam orthodoxe dont découle la charia), qui a été hélas sacralisée au même titre que la foi et qu’il est depuis lors impossible à critiquer, sous peine de graves conséquences, demeure la source première, endogène, du totalitarisme islamiste.

Donc oui, elle n’est pas intégrable si l’on prend le corpus idéologique non reformé (islam sunnite orthodoxe ou source « endogène » de l’islamisme). Par contre non si l’on prend la foi musulmane en tant que religion privatisée, fois personnelle, qui ne s’occupe que d’affaires spirituelles, le problème ne se pose pas, mais cet islam adapté à la laicité est combattu par les orthodoxes et les islamistes. Le problème n’est pas avec l’Islam en tant que foi mais avec ceux qui en ont une lecture orthodoxe bédouine et théocratique incompatible avec notre modèle.
 
Aujourd’hui, l’Islam n’est absolument pas placé au second rang. Il n’y a rien de plus faux que d’affirmer cela. Et lorsque tant de responsables musulmans victimistes affirment qu’il est injuste  que les 6 millions de musulmans aient bien moins de mosquées que les chrétiens et pas de fêtes musulmanes officielles, il faut leur répondre qu’une religion implantée massivement depuis moins de 50 ans et venue d’ailleurs ne peut pas rattraper d’un coup 2 000 ans d’histoire chrétienne de la France ! En outre, au niveau de la visibilité dans les collectivités locales et les médias, notamment, on constate plutôt une progression de l’islamiquement correct. Dans les médias, nous sommes en effet davantage informés depuis quelques années sur le ramadan que sur le carême. Fewzi Ben Habib, un intellectuel algérien habitant de Saint-Denis qui livre un témoignage marquant dans Marianne (lire ici  http://www.marianne.net/saint-denis-ma-ville-heure-islamiste-100238075.html) souligne que dans les cantines de ce département, les autorités sont davantage soucieuses de l’alimentation musulmane rituelle que de celles des catholiques par exemple.

En matière de concessions et de droits exorbitant puis d’accomodements raisonnables », la religion musulmane a déjà dépassé le christianisme dans de nombreuses sphères de la société française et européenne. Et en matière de réislamisation (mise au pas des quartiers, revendications de nourriture hallal, voile et burqa, progression de la judéophobie islamique et concessions diverses), il s’agit d’ailleurs d’une tendance extrêmement inquiétante et lourde car cela a commencé ainsi en Algérie et dans d’autres pays musulmans: conformisme, encadrement des masses, multiplication des voiles, etc, certains pays européens ont déjà dépassé certains pays musulmans… sans parler des nombreuses associations loi 1901 qui sont détournées pour gérer et financer  le culte musulman. Il faut bien avouer, qu’il y a pire comme second rang pour une religion qui est là depuis 50 ans et qui est minoritaire.

Les cités et les quartiers difficiles sont injustement associés au terrorisme

Thierry Get : Il est difficile de dissocier ces quartiers du phénomène dans la mesure où la majeure partie des mosquées prêchant un islam radical sont très présentes dans ces quartiers. On peut aussi se souvenir qu’une masse des « jeunes » des quartiers ne condamnait pas ou approuvait les attaques de janvier 2015 (absence de respect de la minute de silence dans nombre de communes, approbation/justification avec 21000 tweets en 2 jours « je suis Kouachi» …).
Par ailleurs, les responsables policiers ont toujours dénoncé une prolifération anarchique des armes de guerre dans les zones sensibles. Selon des spécialistes des milliers d’armes de guerre de type kalachnikov circuleraient dans les quartiers difficiles.

Le seul moyen de lutter est d'aller plus loin dans les mesures de surveillance

Alexandre del Valle : Il y a beaucoup de moyens pour lutter contre le terrorisme. Déjà au niveau de l’éducation, mais aussi de la réforme de l’Islam. Il existe de nombreux musulmans modérés, d’intellectuels ou d’imams qui tiennent des discours qui invitent clairement à une reforme de l’Islam. Malheureusement, nous les voyons rarement. C’est comme la nouvelle trahison des clercs.
A court terme, il est certain qu’il faut de la surveillance, mais pas du tout comme l’ont fait Nicolas Sarkozy et François Hollande en réduisant les effectifs de police dédiés à cette lutte. Ce n’est pas avec des logiciels et des cameras ou même des traces d’ADN que nous allons lutter contre le terrorisme et collecter des renseignements humains et de terrain ! Il faut des hommes qui suivent de près et il en faut beaucoup : entre 10 et 20 hommes pour surveiller un profil dangereux. Imaginez le nombre d’homme qu’il faudrait pour surveiller environ 5000 personnes susceptibles d’être radicaux ? Nous avons opté pour une réforme qui vise à supprimer le renseignement humain au profit de moyens technologiques… Sauf que rien ne pourra remplacer l’efficacité d’un homme.

Au-delà des moyens humains, il faut une plus grande cohérence entre les juges et les policiers. Tant que les juges relâcheront ou refuseront de condamner les personnes arrêtées par la police, sous prétexte qu’il n’y a pas de place dans les prisons, ça ne marchera pas. Par exemple, l’un des terroristes arrêté dans le cadre des attentats de Paris en était à sa huitième condamnation pour des motifs graves, et il n’a jamais été en prison… Quand le travail de la police est cassé par les juges, comment voulez-vous les faire ? ensuite, il faut favoriser une meilleure coopération entre les services de renseignements policiers et militaires puis les renseignements dans les prisons, véritable vivier de futures terroristes.

Le degré de responsabilité des politiques en matière de bugs de renseignement 

Alexandre Del Valle : Il est vrai que, parfois, nous avons collectionné quantité de renseignement sans savoir plus quoi en faire. Nous disposons de nombreux moyens (caméra, logiciels… ), mais rien ne remplacera jamais l’efficacité d’un enquêteur de terrain qui sait interpréter un message. Rien ne remplacera l’analyse humaine. Pour cela il ne faut seulement pas qu’un homme soit derrière un ordinateur mais qu’un homme soit capable de collecter des informations sur le terrain qui soient analysées par d’autres hommes. C’est un budget qu’il faut dégager. Il faudrait au moins multiplier par dix les renseignements humains pour qu’un terroriste ne puisse agir en étant surveillé.

Le principal coupable, ce sont les religions en général


Thierry Get : Je serais tenté de répondre « oui et non ». Car, tout de même, il convient d’atténuer le propos et de ne pas mettre toutes les croyances dans le même sac car d’un point de vue statistique, on a tout de même peu tué ces dernières années au nom du bouddhisme, de l’hindouisme voire de la scientologie.


Il est vrai que nombre d’agressions ont été commises au nom du christianisme notamment au Moyen âge. Mais ces agressions étaient en contradiction avec les messages des évangiles qui a permis depuis l’émergence des lumières au 18ème siècle  et de la laïcité (« rendez à César ce qui est à César »).
En conséquence, l’islam doit prendre en compte l’apport des lumières et ne pas laisser croire qu’il en est encore au moyen âge et qu’il a le temps de progresser. Une prise de conscience s’impose à lui d’urgence

Roland Hureaux : Pas d'amalgame !
Mettre le terrorisme , tel que nous venons de le vivre, sur le compte des religions en général est à la fois injuste, faux et dangereux.

C'est d'abord profondément injuste. Car toutes les religions ne sont pas également concernées . S'il est vrai qu'on ne peut pas mettre sur le même plan 8 terroristes et 7 ou 8 millions de musulmans vivant en France ou en Belgique, c'est un fait que dans les affaires récentes de terrorisme en France ou à l'étranger, les terroristes sont tous musulmans.

Il n'y a pas à ma connaissance aujourd'hui de terroristes chrétiens . Il n'y a pas en particulier de terroristes chrétiens en Orient Au contraire, les chrétiens qui vivent en Orient sont les premières cibles des terroristes, les mêmes qui viennent faire des attentats aveugles chez nous, en tous les cas qui se réclament de la même idéologie, de même que d'autres minorités religieuses également pourchassées comme les alaouites ou les yézidis. Il est donc assez abject de mettre sur le même plan les bourreaux et les victimes. Etant entendu qu'il y a aussi en Syrie en Irak et au Yemen beaucoup de victimes musulmanes.

Tout le monde dit "pas d'amalgame", pas d'amalgame", tous les musulmans ne sont pas des terroristes, ce qui est vrai . A fortiori ne faut-il pas faire d'amalgame entre les terroristes et tous ceux qui ont une conviction religieuse.

Cet amalgame est ensuite faux car le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau dans l'histoire, même quand il est suicidaire.

Les kamikazes japonais faisaient des attaques suicides sans référence directe à d'autres religion que celle de la patrie japonaise. Il est vrai qu'ils s'attaquaient à des combattants ennemis, pas à des civiles innocents.

Mais nous avons connu des terroristes s'attaquant à des civile innocents , il n'y a pas si longtemps, en Algérie, en Irlande, au Pays basque. Ceux là ne se battaient pas d'abord pour une religion mais pour une idéologie, régionale ou nationale. Tuer des innocents pour terroriser et désorienter l'ennemi est le ba ba de la théorie de la guerre qui fut la méthode par laquelle beaucoup de mouvements d'émancipation coloniale se sont exprimés. Les mouvements qui ont fait le choix la non-violence, comme les disciples de Gandhi en Inde furent plutôt l'exception que la règle.

Le 1er novembre de chaque année , l'Algérie fête l'anniversaire du début de son mouvement d'indépendance, en 1954.. Or que s'est-il passé ce jour là ? Le FLN a fait sauter un autobus civil où se trouvaient en particulier un jeune couple d'instituteurs français. Ne soyons donc pas étonné qu'un Karim Benzema crache par terre pendant la cérémonie d'hommage aux victimes du 13 novembre.
Enfin l'amalgame que vous évoquez est éminemment dangereux dans le contexte qui est aujourd'hui celui de l'Europe occidentale. Ce genre d'attitude , très "bobo" est l'expression de la profonde déchristianisation de l'Europe. Cette déchristianisation se traduit au niveau politique par le refus de reconnaitre les racines chrétiennes de l'Europe.

Elle a deux effets pervers: elle nous rend encore plus haïssables vis à vis du monde musulman . Un musulman préféra toujours un Européen chrétien à un athée ou un laïciste, a fortiori un libertaire. Cet amalgame qui était, il fait bien le dire , en toile de fond de l'affaire Charlie, contribue aggraver la déchristianisation. Et comme la nature , y compris la nature sociale, a horreur du vide, devinez qui va remplir ce vide ? D'ailleurs beaucoup de jeunes gens qui ne sont pas nécessairement nés musulmans veulent s'engager dans le djihad pour combler un grand vide intérieur un désir de sacrifice qu'ils ne trouvent pas dans l'Europe postchrétienne. Ces gens là pourraient aussi bien , s'ils n'étaient pas victimes d'une atmosphère antichrétienne, entrer au monastère où ils feraient moins de mal.

Mettre un drapeau français et parler des attentats en France plutôt que de ceux au Liban ou au Mali, c'est de l'ethnocentrisme et du nationalisme dangereux

Roland Hureaux : On pourrait ajouter les attentats d'Istamboul et de Charm-al-Cheikh pour s'en tenir à  la période récente. Il est vrai que l'attentat de Paris doit être replacé an son contexte international . L'offensive djihadistes ne vise pas que la France . Elle a une dimension géopolitique extrêmement large, comme d'ailleurs l'offensive islamiste sur le terrain qui s'étend  des Philippines au Mali.
Dans les cas de Paris et d'Istamboul, sont visés deux pays qui avaient aidé les djihadistes de Syrie  et qui les aident peut-être encore, ce qui   montre que les considérations idéologiques transcendent  la gratitude.

Une fois admis qu'il faut voir large,  il est normal que la mort de Français nous touche davantage  que celle de Turcs ou de  Russes.  De même que ceux qui ont perdu dans ce drame de membres de leur famille seront plus sensibles à ceux-là qu'à d'autres Français.

Tenir  la compassion pour quelque chose d'universel qui ne devrait pas faire  de différence entre les proches et les moins proches, entre  nos compatriotes et les autres, serait le fait de gens particulièrement dénaturés. Des gens comme cela, il ne s'en trouve qu'en   Europe ! Et je crains que cet universalisme qui, hélas,  se répand dans nos sociétés sous le couvert de bons sentiments  ne soit une des dimensions du drame. Qui aime tout le monde également n'aime en  fait personne. Et qu'une partie des Occidentaux ne s'aiment pas eux-mêmes, est précisément ce qu'on  leur reproche. Le philosophe René Girard vient  de mourir et un de ses thèmes de prédiletion était le mimétisme des sentiments. Quelqu'un qui s'aime beaucoup lui-même incite les autres à l'aimer. Quelqu'un qui se déteste lui-même incite les autres à le détester. Ceux qui disent ce que vous venez de dire ne doivent pas s'étonner d'être détestés.

Par rapport à cela, le drapeau est un symbole  . Un symbole légitime. La manière dont le principe du drapeau français a été discrédité au cours des dernières années est un signe de cette morbidité qui nous rend haïssables au reste y monde.

Alexandre Del Valle : C’est un argument est assez stupide ! Lorsqu’on brandit le drapeau français, c’est là un  symbole issu de la révolution : un symbole qui invite toute personne qui vit sur le territoire national à re réunir et partager des valeurs . Au Liban et au Mali, ceux qui opposés à la barbarie islamiste brandissent aussi leur drapeau national symbole d’unité face à la division recherchée par les islamistes jihadistes. Le drapeau est une réponse locale à une agression qui cherche à diviser. Le drapeau français est patriotique plus que nationaliste. Le « patriotisme intégrateur » ne signifie pas ethnocentrisme mais le rassemblement.

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