lundi 5 mars 2012

réflexion


Ayant une vague idée  de la charia, j’ai recherché la définition exacte pour mieux comprendre loi musulmane. Me voilà éclairée et pour cette même raison je l’inclus à mon blog. Je ne dois pas être la seule à vouloir comprendre ses lois qui nous sont inconnues.



Où et comment la charia est-elle appliquée dans le monde ?

Tout comme le mot "fatwa", celui de charia est parfois employé à tort et à travers. Baudouin Dupret, directeur de recherche au CNRS et auteur de "La charia aujourd'hui" (La Découverte), s'est attaché à l'étudier non pas dans ses représentations fantasmées, mais dans ses formes et ses pratiques concrètes.




Edité et parrainé par Hélène Decommer


La charia fait l'objet de nombreux fantasmes et représentations erronées dans le monde occidental. Le problème vient principalement de sa définition, que l'on peut qualifier de fluctuante. Théoriquement, la charia est la loi révélée musulmane – tout comme il existe une loi biblique et une loi juive –, c'est-à-dire un ensemble de textes religieux qui forment le corpus de la révélation islamique : le Coran d'une part et la tradition prophétique d'autre part.

Mais une fois que l'on a dit cela demeure la question principale : comment, à partir de cette définition théorique, établir une application dans le temps et l'espace de cette loi révélée ? La réponse mène à une immense variation des adaptations d'un pays à l'autre du monde musulman, d'autant plus que ces deux derniers siècles ont été marqués par d'importantes transformations politiques et juridiques.


Un couple souhaitant divorcer selon les principes de la Charia, au tribunal islamique d'Ahmadabad en Inde, le 25/11/08 (Ajit Solanki/SIPA)




Un Marocain et un Indonésien n'ont pas la même conception de la charia



Si la majorité des pays musulmans font référence à l'islam ou à la charia dans leur organisation politique ou judiciaire (exception notable de la Turquie, qui n'en fait nullement mention), la plupart d'entre eux pratiquent un droit déconnecté de la charia, excepté pour des domaines très spécifiques comme le droit de la famille (mariage, divorce, filiation, etc.).

Passons en revue des pays qui font référence d'une manière ou d'une autre à la charia, pour mieux comprendre.



Égypte. Le pays dispose d'une constitution et d'un système moderne de lois, adoptées par le parlement. Les choses sont un peu suspendues depuis un an, du fait de la révolution, mais tout laisse à penser que la nouvelle constitution reproduira la même situation que l'ancienne, dont l'article 2 déclarait : "Les principes de la charia sont la source principale de la législation." Notons bien qu'il n'est pas question d'une application directe, mais de "principes" qui constituent une "source". C'est donc le parlement qui interprète ces sources afin d'élaborer les lois, dans une approche qui distingue les règles absolues de la charia (qu'il faut suivre aveuglément) et les règles relatives, qui peuvent évoluer dans le temps en fonction de la société. Sauf que la cour constitutionnelle n'a jamais identifié les règles absolues ! Cela laisse donc au parlement une grande marge de manœuvre pour adapter les principes de la charia.



Maroc. Dans ce pays, le souverain est le chef suprême de la nation, mais aussi le commandeur des croyants. Pour autant, il n'y a aucune référence à la charia ou au droit musulman dans la constitution. On peut interpréter cela comme une volonté de ne pas en rajouter, dans la mesure où le religieux a déjà une grande légitimité. La polygamie et la répudiation (dissolution unilatérale du mariage à l'initiative du mari) sont possibles, mais sous conditions restrictives et seulement après autorisation d'un juge.



Arabie saoudite. C'est le pays qui applique la charia de la manière la plus rigoriste. Elle compose une sorte de constitution – dans le sens "loi suprême" –, mais cela pose problème car la charia n'est pas un corpus d'articles codifiés en vue de faire la loi. Ses prescriptions sont surtout morales, éthiques ou relèvent de la relation de l'homme à dieu. En Arabie saoudite, le mode de fonctionnement du droit et de la justice est semblable à ce qui existait avant le XIXe siècle : des individus sont formés aux sciences de l'islam et particulièrement au droit musulman, puis deviennent juges et sont saisis d'affaires d'ordre pénal et civil. Ils appliquent un droit qui relève de l'islam sunnite dans une version rigoriste, le wahhabisme. Les peines corporelles sont fréquemment appliquées.



Yémen. La constitution fait référence à la charia et son application s'approche de celle de l'Arabie saoudite, puisque le droit pénal reste influencé par le droit musulman. Cependant, le Yémen est un pays où la loi ne parvient pas à s'étendre à toutes les provinces et où les coutumes et l’exercice local du pouvoir prennent parfois le dessus. C'est peu ou prou la même chose en Afghanistan.



Iran. En matière familiale, on est dans une application assez stricte du droit musulman, mais cette fois-ci dans sa version chiite. Il est par exemple possible de souscrire un mariage temporaire ou, pour un homme, de demander la répudiation de sa femme. Les juges, qui ont suivi une longue formation à l'école religieuse, étudient ces requêtes et examinent leurs conséquences (les pensions alimentaires pour la répudiation par exemple). On a vu qu’en matière d’adultère la lapidation était la peine requise.



Indonésie. Le pays, doté d'un système juridique sécularisé, a connu une évolution fédérale. À présent, les différents États qui composent l'Indonésie sont en partie libres de statuer de manière indépendante. Ainsi, la province d'Aceh a obtenu son autonomie totale et a développé un système juridique qui applique la charia, tout particulièrement pour le droit de la famille. C'est la seule qui a obtenu une telle autonomie. Dans les autres provinces à majorité musulmane, on peut choisir d'être jugé en fonction du droit musulman. Notons que l'Indonésie est un pays qui prône officiellement la séparation de la religion et de l'État.


Un fonctionnaire chargé d’appliquer la loi de la Charia fouette un homme reconnu coupable de jeu d’argent, province d'Aceh, Indonésie, 09/06/11(Heri Juanda/SIPA)



Inde. Ce pays comprend la troisième population musulmane au monde, soit environ 138 millions de personnes, ce qui, ramené à la population totale de l'Inde, représente 13,4% du nombre d'habitants (chiffres tirés du recensement de 2001). Pour ce qui est du droit pénal, la loi indienne s'applique à tous. Mais le droit de la famille musulman peut s'appliquer spécifiquement à ceux qui le souhaitent, à travers des juridictions spéciales. Ainsi, un Indien musulman qui veut se marier ou divorcer selon les préceptes de la loi musulmane peut le faire.



Pakistan. Le pays a connu une forte transformation de son droit : dans le courant des années 1970, l'arrivée au pouvoir d'un dictateur s'est accompagnée d'une mise en place de la charia. Celle-ci s'applique en droit de la famille et en droit pénal. Mais tout comme dans le cas de l'Égypte, ce n'est pas une application directe, puisque c'est le parlement qui adopte les lois.

Ainsi, on s'aperçoit que la charia ne s'applique que de manière résiduelle dans la plupart des pays musulmans, principalement dans le domaine du droit de la famille. Le droit pénal soumis à la charia, qui fait beaucoup fantasmer, n'a que peu d'applications. On ne coupe pas les mains des voleurs en Égypte, en Syrie, au Maroc, en Tunisie, etc. La principale évolution de ces 150 dernières années est que la compétence en matière d'adoption de lois, dans l'immense majorité des pays musulmans, n'est plus aux mains des religieux, mais du pouvoir politique, par le truchement d'un parlement et de juges formés au droit étatique.


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