mes réflexions

Comment lâcher prise: quelques moyens

«Retenir équivaut à croire qu’il y a seulement un passé; lâcher prise, c’est savoir qu’il y a un avenir.» (Daphne Rose Kingma, auteure)

Lâcher prise peut s’expliquer et s’appliquer de bien des façons. Une manière très simple de l’apprivoiser consiste à l’opposer à son contraire : le contrôle. Tous, à des degrés divers, nous aimons bien avoir le contrôle, que ce soit sur notre travail ou des parties de celui-ci, sur notre vie personnelle, sur nos émotions, sur les autres peut-être. Nous aimerions bien parfois avoir le contrôle sur des événements qui, justement, sont hors de notre contrôle. Lorsque nous réalisons que nous ne pouvons changer ni les événements ni les autres et que nous pouvons seulement changer notre façon de les percevoir, nous sommes dans le lâcher prise. Nous nous donnons alors une chance de vivre moins de stress. De la même façon, lorsque nous modifions notre action pour arriver à un résultat, nous faisons preuve de flexibilité et de notre habileté à décrocher d’une conduite stérile.
Dans tous les événements qui nous arrivent, il est important de faire la différence entre ce que nous pouvons contrôler, ce que nous pouvons influencer et ce que nous ne pouvons ni contrôler, ni influencer.Faire une distinction entre les trois est sans doute une première étape dans le lâcher prise.

Le lâcher prise et les objectifs
Est-ce à dire que lâcher prise implique de renoncer à nos buts, à nos objectifs ? Pas nécessairement. Lâcher prise, dans l’immédiat, peut être parfaitement compatible avec l’action, mais impliquera parfois une action différente ou différée. Prenons un exemple simple qui permettra de mieux comprendre. Il vous est sans doute déjà arrivé d’avoir un nom sur le bout de la langue et de vous acharner pendant de longues minutes pour le retrouver, mais en vain. On dirait que plus vous faites des efforts, moins vous vous en souvenez. Puis, vous passez à autre chose, vous lâchez prise sur votre recherche. Soudain, le nom recherché arrive de lui-même et sans aucun effort.
Penser de façon obsessive à un problème est la plupart du temps complètement inefficace et ne le règle surtout pas. Au contraire, s’en détacher provisoirement peut permettre à notre cerveau de faire émerger certaines solutions et surtout de laisser la place à l’originalité et la créativité.
Lâcher prise: un acte de confiance

Pourquoi trouvons-nous si difficile de laisser aller notre besoin de contrôle? Parce que nous nions ou parce que nous sommes très peu conscient des peurs liées à l’absence de contrôle. Par exemple, on peut craindre des autres qu’ils nous dominent, avoir peur de se tromper, peur de ne pas être adéquat, peur de manquer de quelque chose. Plus on cherche à contrôler, que ce soit les collègues, le conjoint, ses enfants, une manière de faire les choses, l’opinion des autres ou même son apparence, plus cela est signe d’insécurité et moins on lâche prise. Lâcher prise est un acte de confiance. Cela nécessite l’acceptation de nos limites, la reconnaissance des autres dans leurs différences et la capacité de faire avec ce qui est dans le présent (voir encadré). La tentation est grande toutefois de refuser ce qui n’est pas conforme à nos désirs. Le besoin de contrôle nous fait nous acharner sur ce qui aurait pu être ou ce qui devrait être et oublier ce qui est présentement.

Des moyens de lâcher prise

Comment peut-on s’y prendre pour développer la capacité à lâcher prise ? De plusieurs façons. Mais la première et la plus importante n’en demeure pas moins la prise de conscience. Devenir conscient de nos émotions face à ce qui arrive. Devenir également conscient de l’absurdité du contrôle sur ce qu’on ne peut ni changer ni influencer. Devenir conscient de toute la perte d’énergie et de bien-être que représentent le perfectionnisme et l’acharnement.
Par exemple, vous partez en voyage à l’étranger dans l’intention bien précise d’en profiter pour faire de la photographie, une de vos passions. Dès votre arrivée, votre appareil ne fonctionne plus. Il est impossible de le faire réparer sur place ou de s’en procurer un autre. Entretenir en vous la frustration, la colère, le dépit par rapport à cette contrariété peut gaspiller vos vacances et ne corrigera en rien la situation. Alors, ne vaut-il pas mieux recadrer cette situation ? Vous dire, par exemple, que vous pouvez peut-être profiter autrement des belles images qui s’offrent à vous ? Peut-être serez-vous plus sensible aux brochures, aux cartes postales, aux vidéos que vous pourrez vous procurer ? Peut-être ne pas être embarrassé d’un attirail de photographe vous permettra-t-il de faire des activités différentes ? Peut-être que de couper court à ces pensées moroses vous permettra-t-il de ne pas rater vos vacances et, la prochaine fois, de partir avec un plan B : une deuxième caméra ou, tout simplement, un appareil photo jetable ?

Les deuils à faire

Simple logique, direz-vous, mais comment se fait-il que ce simple comportement soit parfois si pénible à  faire ? C’est là qu’intervient la stratégie suivante qui est essentielle, soit celle d’accepter de faire le deuil de quelque chose auquel nous tenons. Ce qui a empêché notre petit singe du début de lâcher prise quant à son désir d’obtenir le riz, c’est son incapacité à faire ce deuil. Il croit qu’ouvrir sa main lui fera perdre la nourriture, mais il ignore qu’il n’a pas besoin de faire le deuil du riz, seulement d’une stratégie inefficace et qui menace même sa liberté.
Combien de fois, tout comme lui, nous répétons un comportement stérile. Pensons à toutes les fois où nous refaisons la même intervention avec un enfant, un conjoint, un ami, un collègue, intervention qui ne donne pas les résultats escomptés, mais que nous répétons inlassablement, contre toute logique, en pure perte, récoltant à chaque fois la même déception. Nous pourrions comparer cela à une mouche prisonnière dans la maison et qui cherche à sortir. En voyant la lumière de la fenêtre, elle fonce vers la liberté, mais se frappe dans la vitre. Elle pourra répéter cette stratégie pendant des heures, jusqu’à l’épuisement et même la mort, même si ce moyen est complètement inefficace.

Lâcher prise implique parfois de faire le deuil d’une croyance, les il faut, les je dois appris, conditionnés et inefficaces quant au résultat. Par exemple : il faut que tout soit parfait. – Tout doit toujours fonctionner comme je le veux. – Je dois tout faire moi-même.
D’autrefois, c’est du résultat qu’il conviendra de faire le deuil puisqu’il n’est pas entièrement sous notre contrôle (par exemple, les résultats scolaires de notre enfant ou l’ordre dans sa chambre). Certains auraient intérêt à faire le deuil de leur passé, de leurs épreuves, de leurs problèmes, puisqu’on ne peut changer le passé et que le ressasser inlassablement nous empêche de profiter du moment présent. Certains traînent avec eux, pendant des années, des deuils et refusent de tourner la page, minant ainsi leur propre moral et celui des autres.
Les deuils à faire sont multiples, que l’on songe à toutes les idées irréalistes que nous entretenons sur nous-même (vouloir être apprécié de tous, par exemple, ou vouloir que tout le monde autour de nous soit bien), sur les autres (souhaiter que son conjoint ou son collègue de travail ait un caractère différent), sur le travail, etc. Pardonner est aussi une façon de lâcher prise.
La première question à nous poser, donc, pour comprendre pourquoi nous avons autant de difficulté à lâcher prise dans certaines situations, c’est la suivante : de quoi dois-je faire le deuil? Il y a bien évidemment des deuils plus difficiles à faire que d’autres, comme le deuil d’une valeur importante à nos yeux. Par exemple, l’infirmière qui devrait faire le deuil du temps qu’elle peut passer avec un client en raison d’une réorganisation d’un plan de soin, et qui a comme valeur importante la relation qu’elle établit avec le client, trouvera très difficile de faire le deuil de cette partie de son travail. Pour elle, ce serait presque se renier elle-même, renier sa mission. Nous pouvons comprendre alors l’énorme résistance qu’elle développera, résistance qui pourra aller jusqu’à se chercher un milieu de travail plus satisfaisant qui respecte sa valeur. À moins qu’elle ne change le processus de vérification de cette même valeur, c’est-à-dire sa façon de vérifier sa valeur.
Un déclencheur du lâcher prise.
Voici un truc qui semble facile, mais qui demande un peu de pratique. C’est un excellent déclencheur du lâcher prise. Il s’agit de vivre le moment présent. Cela nous fait automatiquement couper court aux pensées parasites, qu’elles concernent le passé, l’avenir, les problèmes, les faux buts et les mauvais moyens. Ici et maintenant libère, permet de décrocher et d’être sensible aux alternatives. Trouvez un moyen qui vous permette d’être dans le moment présent. Pourquoi ne pas vous mettre à la photo pour vous forcer à regarder ou à l’observation des oiseaux ou des papillons ou au jardinage ou même à la méditation?

Lâcher prise implique donc parfois de nous changer nous-même ou de nous accepter avec nos limites, nos valeurs, ce qui nous permet d’accepter les autres bien plus aisément. Le cerveau humain est très complexe et capable de grandes choses, à condition que nous développions sa grande flexibilité.
Être flexible, c’est accepter de lâcher prise si les moyens que nous utilisons ne fonctionnent pas; c’est aussi essayer autre chose, une autre stratégie. C’est aussi nous mettre en recherche active de d’autres moyens pour arriver à nos fins. C’est accepter de laisser aller un certain contrôle.


Lâcher-prise devant les épreuves et la souffrance: par Eckart Tolle

La Maladie :

Si une personne a une grave maladie et accepte totalement sa situation, n'aura-t-elle pas complè-tement perdu la volonté de retrouver la santé ? La détermination qui la pousserait à lutter contre la maladie n'aurait-elle pas disparu ?

Lâcher prise, c'est accepter intérieurement ce qui est sans réserve. Ce dont il est question ici, c'est de votre vie – en cet instant – et non des circonstances ou de ce que j'appelle vos conditions de vie. Nous en avons déjà parlé.

C'est ce que cela veut dire en ce qui a trait à la maladie. La maladie fait partie de vos conditions de vie. Elle a un passé et un futur qui se perpétuent sans fin, sauf si l'instant présent, qui a le pouvoir de racheter, est activé par votre présence consciente. Comme vous le savez, derrière les diverses circonstances qui constituent vos conditions de vie – présentes dans le temps –, il y a quelque chose de plus profond, de plus essentiel : votre vie, votre Être même dans l'éternel présent.

Comme il n'y a aucun problème dans le moment présent, il n'y a pas de maladie non plus. Quand quelqu'un adopte une croyance vis-à-vis de votre état et vous colle ainsi une étiquette sur le dos, celle-ci amène l'état à s'installer pour de bon, lui donne du pouvoir et fait d'un déséquilibre temporaire une réalité apparemment immuable. La croyance confère non seulement réalité et consistance à la maladie, mais aussi une continuité temporelle qu'elle n'avait pas auparavant. En vous concentrant sur l'instant et en vous retenant de l'étiqueter mentalement, la maladie est réduite à un ou à plusieurs des facteurs suivants : la douleur physique, la faiblesse, l'inconfort ou l'invalidi-té. C'est ce face à quoi vous lâchez prise maintenant, et non pas à l'idée de la maladie. Permettez à la souffrance de vous ramener de force dans le « maintenant », dans un état d'intense et consciente présence. Utilisez-la pour arriver à l'éveil.

Le lâcher-prise ne transforme pas ce qui est, du moins pas directement. Il vous transforme, vous. Et quand vous êtes transformé, c'est tout votre monde qui l'est. Pourquoi ? Parce que le monde n'est qu'un reflet. Nous avons déjà parlé de cela.

Si vous regardiez dans un miroir sans aimer ce que vous y voyez, il faudrait que vous soyez fou pour vous attaquer à votre réflexion. Et c'est précisément ce que vous faites lorsque vous ne vous acceptez pas. Évidemment, si vous attaquez l'image, celle-ci vous le rend coup sur coup. Par contre, si vous l'acceptez quelle qu'elle soit, si vous vous montrez amical envers elle, elle ne peut que l'être envers vous. C'est la façon de changer le monde.

Le problème, ce n'est pas la maladie, c'est vous, aussi longtemps que le mental contrôle les choses. Lorsque vous êtes malade ou invalide, n'ayez pas le sentiment d'avoir échoué d'une manière ou d'une autre, ne vous sentez pas coupable. Ne reprochez pas à la vie de vous avoir traité injustement et ne vous faites pas non plus de réprimandes. Tout cela, c'est de la résistance. Si vous avez une maladie grave, servez-vous-en pour atteindre l'illumination. Tout ce qui peut arriver de « mal » dans votre vie doit vous amener vers cet état. Dissociez le temps de la maladie. Ne conférez ni passé ni futur à la maladie. Laissez-la vous ramener de force dans l'intense conscience du moment présent et observez ce qui se passe.

Devenez un alchimiste. Transformez le vulgaire métal en or, la souffrance en conscience, le malheur en une occasion d'éveil.

Êtes-vous gravement malade et ce que je viens de dire vous met-il en colère ? Alors, c'est le signe flagrant que votre maladie a fini par faire partie du sens que vous avez de vous-même et que vous protégez votre identité, en même temps que vous protégez votre maladie. La circonstance qui porte l'étiquette « maladie » n'a rien à voir avec ce que vous êtes vraiment.

QUAND LE MALHEUR FRAPPE

En ce qui a trait à la majorité encore inconsciente de gens, seule une situation extrême et critique a le potentiel de fendre la dure carapace de leur Ego et de les amener à - lâcher prise - et, par conséquent, vers un état de conscience supérieure. Une situation extrême survient lorsqu'un désastre, un bouleversement total, une perte importante ou une grande souffrance viennent faire voler votre monde en éclats et que plus rien n'a de sens. Il s'agit d'un face-à-face avec la mort, physique ou psychologique. Le mental et l'ego qui ont créé ce monde s'écroulent. Un monde nouveau peut dès lors naître des cendres du vieux monde.

Bien sûr, il n'existe aucune garantie que même une situation extrême provoque ce changement, mais le potentiel est toujours là. Chez certaines personnes, dans une telle situation, la résistance à ce qui est s'intensifie et se transforme en une descente aux enfers. Chez d'autres, même si le lâcher-prise ne s'effectue que partiellement, il leur confère une profondeur et une sérénité qui n'étaient pas là avant. Des fragments de la carapace de l'ego s'effritent, permettant ainsi à la paix et au rayonnement qui existent au-delà du mental de transparaître un tant soit peu.

Les situations extrêmes sont à l'origine de nombreux miracles. Au cours des dernières heures de leur vie, des meurtriers condamnés à mort qui attendaient leur exécution ont connu un état dénué d'ego ainsi que la paix et la joie profondes qui l'accompagnent. La résistance face à la situation dans laquelle ils se trouvaient était si intense qu'elle créait une souffrance intolérable. Comme ils ne pouvaient rien faire ni s'enfuir nulle part pour y échapper, pas même se fabriquer mentalement un futur, ces meurtriers ont donc été forcés d'accepter totalement l'inacceptable. Ils ont été contraints de lâcher prise. Ainsi, ils ont pu entrer dans l'état de grâce par lequel arrive la rédemption et connaître un total détachement par rapport au passé. Bien sûr, ce n'est pas la situation extrême qui crée une ouverture laissant place au miracle de la grâce et de la rédemption, mais bien le lâcher-prise.

Alors, quand le malheur frappe ou que quelque chose va très « mal » – maladie, invalidité, perte d'un chez-soi, d'une fortune ou d'une identité sociale, rupture d'une relation intime, décès ou souffrance d'une personne chère, ou imminence de votre propre mort , sachez qu'il y a un revers à cette médaille, que vous n'êtes qu'à un pas de quelque chose d'incroyable, de la transformation alchimique totale du vulgaire métal de la douleur et de la souffrance en or. Et ce pas, c'est le lâcher-prise. Je ne dis pas que vous serez heureux dans une telle situation. Non, vous ne le serez pas. Par contre, la peur et la douleur se transformeront en cette paix et cette sérénité intérieures qui proviennent d'une profondeur insondable, du non-manifeste lui-même. Il s'agit de « la paix de Dieu, qui dépasse tout entendement ». Comparativement à elle, le bonheur est plutôt superficiel. Cette paix radieuse s'accompagne de la réalisation que vous êtes indestructible, immortel. Et cette réalisation s'effectue non pas sur le plan du mental mais au plus profond de votre être. Ce n'est pas une croyance ; c'est une certitude absolue qui n'exige aucune preuve extérieure.

COMMENT TRANSFORMER LA SOUFFRANCE EN PAIX

Être coupé de ses émotions, ce n'est pas démontrer du lâcher-prise.Même dans certaines situations extrêmes, il vous sera peut-être toujours impossible d'accepter le présent. Mais pour le lâcher-prise, vous avez toujours une seconde chance.

Votre première chance, c'est de lâcher prise chaque instant devant la réalité du présent. Sachant que ce qui est ne peut être défait – puisque cela est déjà –, vous dites oui à ce qui est ou vous acceptez ce qui n'est pas. Ensuite, vous faites ce que vous avez à faire, selon les exigences de la situation. Si vous vous maintenez dans cet état d'acceptation, vous ne créez plus de négativité, de souffrance ou de tourment. Par conséquent, vous vivez dans un état de non-résistance, de grâce et de légèreté, libre de toute lutte intérieure. Quand vous ne réussissez pas à vivre ainsi, c'est-à-dire quand vous laissez passer cette première chance parce que la présence de votre conscience n'est pas suffisamment intense pour empêcher des schèmes de résistance automatiques et inconscients de se produire ou parce que les circonstances sont tellement extrêmes qu'elles vous sont totalement inacceptables, vous créez alors une forme quelconque de douleur ou de souffrance. Vous pouvez avoir l'impression que ce sont les circonstances qui créent la souffrance, alors que, en fin de compte, ce n'est pas le cas. En réalité, c'est votre résistance.

La seconde chance à votre portée pour lâcher prise, c'est d'accepter ce qui est en vous à défaut d'accepter ce qui est extérieur à vous. S'il vous est impossible d'admettre les circonstances extérieures, alors acceptez la situation intérieure. Autrement dit, vous ne devez pas résister à la souffrance. Donnez-lui la permission d'être là. Lâchez prise face au chagrin, au désespoir, à la peur, à la solitude ou à toute autre forme adoptée par la souffrance. Soyez-en le témoin sans l'étiqueter mentale-ment. Accueillez-la. Par la suite, observez la façon dont le miracle du lâcher-prise transforme la souffrance profonde en paix profonde. Cette situation est votre crucifixion. Laissez-la devenir votre résurrection et votre ascension.

Bien entendu, instinctivement, quand la souffrance est profonde, vous ressentez sans doute une forte pulsion à vouloir y échapper plutôt que de vouloir lâcher prise. Vous ne voulez pas sentir ce que vous sentez. Quoi de plus normal ? Mais il n'y a aucune échappatoire, aucune issue de secours. Il y a par contre de fausses échappatoires comme le travail, l'alcool, les drogues, la colère, les projections, la répression, etc. Mais celles-ci ne vous libèrent pas de la douleur. La souffrance ne diminue pas en intensité quand vous la rendez inconsciente. Quand vous niez la douleur émotionnelle, tout ce que vous entreprenez ou pensez est contaminé par elle. Même vos relations. Pour ainsi dire, vous diffusez cette vibration de souffrance par l'énergie qui émane de vous, et les autres la sentent intuitivement. S'ils sont dans l'inconscience, il se peut qu'ils se sentent poussés à vous agresser ou à vous blesser d'une manière ou d'une autre. Ou bien alors c'est vous qui les blesserez par une projection inconsciente de votre souffrance. Vous attirez vers vous tout ce qui peut correspondre à votre état intérieur.

Quand il n'y a plus moyen de s'en sortir, il y a toujours moyen de passer à travers. Alors, ne vous détournez pas de la souffrance. *Faites-lui face et sentez-la pleinement. Je dis bien de la sentir, non pas d'y réfléchir ! Exprimez-la si nécessaire, mais ne rédigez pas mentalement de scénario à son sujet. Accordez toute votre attention à l'émotion et non pas à la personne, à l'événement ou à la situation qui semble l'avoir déclenchée. Ne laissez pas le mental utiliser la souffrance pour en confectionner une identité de victime. Vous prendre en pitié et raconter votre histoire aux autres vous maintiendra dans la souffrance. Puisqu'il est impossible de se dissocier de l'émotion, la seule possibilité qui reste pour changer les choses, c'est de passer à travers la souffrance. Autrement, rien ne bougera. Alors, accordez toute votre attention à ce que vous sentez et retenez-vous de l'étiqueter mentalement. Soyez très vigilant quand vous plongez dans l'émotion. Tout d'abord, vous aurez peut-être l'impression d'être dans un lieu sombre et terrifiant. Et quand un besoin pressant se fera sentir de lui tourner le dos, restez là à l'observer sans passer à l'action. Continuez à maintenir votre attention sur la souffrance, à sentir le chagrin, la peur, la terreur, la solitude ou toute autre chose. Restez alerte et présent. Présent avec tout votre être, avec chacune des cellules de votre corps. En faisant cela, vous laissez entrer un peu de lumière dans toute cette obscurité. Vous y amenez la flamme de votre conscience.

A ce stade-là, vous n'avez plus besoin de vous préoccuper du lâcher-prise. Il s'est déjà produit. Comment ? Être totalement attentif, c'est accepter totalement. En accordant entièrement votre attention à ce qui est, vous recourez au pouvoir de l'instant présent, celui de votre propre présence. Aucune résistance cachée ne peut survivre à une telle présence, car celle-ci élimine le temps. Et sans le temps, aucune souffrance, aucune négativité, ne peut être.

Accepter la souffrance, c'est cheminer vers la mort. Faire face à la souffrance profonde, lui donner la permission d'être, lui accorder votre attention, c'est entrer consciemment dans la mort. Quand vous avez connu cette mort, vous prenez conscience que la mort n'existe pas et qu'il n'y a rien à craindre. Seul l'ego meurt. Imaginez qu'un rayon de soleil ait oublié qu'il fait inséparablement partie du soleil et qu'il se fasse des illusions en croyant devoir lutter pour survivre, devoir se façonner une identité autre que le soleil, et qu'il y tienne dur comme fer. Ne pensez-vous pas que la mort de cette illusion serait incroyablement libératrice ?

Voulez-vous une mort facile ? Préféreriez-vous mourir sans souffrir, sans agoniser ? Alors laissez le passé mourir à chaque instant et laissez la lumière de votre présence faire disparaître le moi lourd et pris dans le piège du temps que vous pensiez être « vous ».

LE CHEMIN DE CROIX

Il existe de nombreux comptes rendus de gens disant avoir trouvé Dieu à travers leur profonde souffrance et il y a l'expression chrétienne « chemin de croix » qui, je le suppose, désigne la même chose.

C'est la seule chose qui nous intéresse ici.

À vrai dire, ils n'ont pas trouvé Dieu à travers leur souffrance, puisqu'elle sous-entend résistance. Ils ont trouvé Dieu par le lâcher-prise, par l'acceptation totale de ce qui est, vers laquelle leur intense souffrance les a amenés de force. Ils ont certainement réalisé que leur souffrance était une création de leur propre cru.

Comment arrivez-vous à assimiler le lâcher prise au fait de trouver Dieu ?

Étant donné que la résistance et le mental sont indissociables, le renoncement à la résistance – le lâcher-prise – met fin au règne du mental comme maître absolu, comme l'imposteur qui prétend être « vous », le faux Dieu. Tout jugement et toute négativité disparaissent. Le royaume de l'Être, qui était masqué par le mental, se révèle. Tout d'un coup, un grand calme naît en vous, une insondable sensation de paix. Et au cœur de cette paix, il y a une grande joie. Et au cœur de cette joie, il y a l'amour. Et au cœur de tout cela, il y a le sacré, l'incommensurable. Ce à quoi on ne peut attribuer de nom.

Je ne dirais pas que ceci signifie trouver Dieu, car comment pouvez-vous trouver ce qui n'a jamais été égaré, la vie même que vous êtes ? Le terme Dieu est limitatif non seulement en raison de milliers d'années de fausse perception et d'usage abusif, mais également parce qu'il sous-entend l'existence d'une entité autre que vous. Dieu est l'Être lui-même et non un être. Il ne peut y avoir ici de relation sujet-objet, ni de dualité, ni de vous et Dieu. La réalisation du divin en soi est la chose la plus naturelle qui soit. Le fait incompréhensible et ahurissant n'est pas que vous puissiez devenir conscient de Dieu mais plutôt que vous n'en soyez pas conscient.

Le chemin de croix que vous avez mentionné est l'ancienne façon d'arriver à la réalisation et jusqu'à récemment, c'était la seule. Mais ne l'écartez pas ou n'en sous-estimez pas l'efficacité. Cela fonctionne encore.

Le chemin de croix est un renversement total des choses. En d'autres termes, ce qu'il y a de pire dans votre vie, votre croix, s'avère la meilleure chose qui ait pu vous arriver dans la vie. C'est quelque chose qui vous contraint à lâcher prise, à « mourir », à devenir rien, à devenir Dieu, parce que Dieu est également le néant.

À cette époque-ci, et pour la majorité inconsciente des humains, le chemin de croix reste encore la seule voie. Ces humains ne pourront se réaliser qu'en connaissant davantage de souffrance, et il est prévisible que l'illumination, en tant que phénomène collectif, sera précédée d'immenses bouleversements. Ce déroulement des choses reflète le mécanisme de certaines lois universelles qui gouvernent le développement de la conscience, phénomène que certains visionnaires ont entrevu. On en trouve entre autres une description dans le Livre des révélations, ou l'Apocalypse, bien qu'il soit entouré d'un symbolisme obscur parfois impénétrable. Ce n'est pas Dieu qui inflige cette souffrance. Ce sont les humains qui se l'infligent à eux-mêmes et les uns aux autres. Et par la même occasion, la Terre la fait subir à son tour par certaines mesures de défense, car elle est un organisme vivant, intelligent qui cherchera à se protéger des assauts de la folie humaine.

Actuellement, il existe cependant un nombre croissant de gens dont la conscience est suffisamment développée et qui n'ont plus besoin de connaître la souffrance avant d'atteindre l'éveil. Vous êtes peut-être l'un d'eux.

Se réaliser par la souffrance – le chemin de croix – veut dire être forcé d'entrer dans le royaume des cieux à cor et à cri. Vous lâchez prise en fin de compte parce que vous ne pouvez plus supporter la souffrance, mais il se peut que la souffrance dure longtemps avant que cela ne se produise. Choisir consciemment l'éveil correspond à renoncer à l'attachement au passé et au futur et à faire du présent le point de mire principal de votre vie. Cela veut dire choisir de se maintenir dans l'état de présence plutôt que dans le temps. Cela signifie dire oui à ce qui est. Il n'est plus nécessaire alors de souffrir. De combien de temps pensez-vous avoir besoin encore avant de pouvoir affirmer : « Je ne créerai plus de douleur ou de souffrance » ? Jusqu'à quand vous faudra-t-il souffrir avant de pouvoir effectuer ce choix ?

Si vous pensez qu'il vous faut encore plus de temps, alors vous en aurez et vous aurez aussi plus de souffrance. Car le temps et la souffrance sont indissociables.

AVOIR LE POUVOIR DE CHOISIR

Je sais que le mot choisir est le vocable de prédilection du Nouvel Âge, mais, dans ce contexte, il n'est pas tout à fait exact. Il est trompeur de dire que quelqu'un « choisit » une relation dysfonctionnelle ou toute autre situation négative. Pourquoi ? Parce que le choix sous-entend de la conscience, un degré élevé de conscience. Sans elle, vous n'avez pas de choix. Le choix existe à partir du moment où vous vous désidentifiez du mental et de ses schèmes de conditionnement, à partir du moment où vous devenez présent. Et avant d'atteindre ce moment, vous êtes inconscient, spirituellement parlant. Ceci veut dire que vous êtes contraint de penser, de sentir et d'agir en fonction du conditionnement de votre mental. Voilà pourquoi Jésus a dit : « Pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » Ceci ne fait pas référence à l'intelligence au sens conventionnel du terme. J'ai rencontré un grand nombre de personnes hautement intelligentes et éduquées qui étaient aussi complètement inconscientes, c'est-à-dire qu'elles étaient totalement identifiées à leur mental. En fait, si le développement du mental et l'accroissement des connaissances ne sont pas contrebalancés par une croissance correspondante de la conscience, le potentiel sur les plans du malheur et du désastre est très grand.

Votre amie est prisonnière d'une relation où le partenaire est violent, et ce n'est pas la première fois. Pourquoi ? Parce qu'elle n'a pas le choix. Le mental, ainsi que le passé l'a conditionné, cherche toujours à recréer ce qu'il connaît et ce qui lui est familier. Même si c'est souffrant, c'est du connu. Le mental adhère toujours au connu. L'inconnu est dangereux pour lui parce qu'il n'a aucun contrôle dessus. C'est pour cela qu'il déteste et ignore tant le moment présent. La conscience du moment présent crée non seulement une interruption dans le flot des pensées, mais également dans l'enchaînement entre le passé et le futur. Rien de véritablement nouveau et créatif ne peut advenir en ce monde, sauf par l'intermédiaire de ce décalage, de cet espace dégagé qui ouvre sur d'infinies possibilités.

Votre amie, parce qu'elle est identifiée à son mental, répète probablement un schème comportemental appris dans le passé et dans lequel intimité et abus sont inséparablement liés. Ou encore, il est possible qu'elle manifeste ainsi un schème mental acquis au cours de la prime enfance selon lequel elle ne vaut rien et mérite d'être punie. Il est également possible qu'elle vive une grande partie de sa vie en fonction de son corps de souffrance, qui cherche constamment de la souffrance pour se sustenter. De son côté, son partenaire a ses propres comportements inconscients, complémentaires aux siens. Bien sûr, c'est elle qui a créé la situation, mais qui est le moi qui manifeste cette création ? Un scénario mental et émotionnel du passé, rien de plus. Pourquoi en faire un moi ? Si vous lui dites qu'elle a choisi cette situation, vous ne faites que renforcer son identification au mental. Mais ce scénario mental est-il ce qu'elle est ? Est-il son moi ? Sa véritable identité provient-elle du passé ? Apprenez à votre amie à devenir la présence qui, derrière les pensées et les émotions, observe. Parlez-lui du corps de souffrance et de la façon de s'en libérer. Enseignez-lui l'art de la conscientisation du corps énergétique. Faites-lui la démonstration de ce qu'est la présence. Dès qu'elle saura accéder au pouvoir de l'instant présent, et par conséquent dès qu'elle aura rompu avec le conditionnement de son passé, elle aura alors le choix.

Personne ne choisit le dysfonctionnement, le conflit ou la douleur. Personne ne choisit la folie. Ceux-ci adviennent parce qu'il n'y a pas suffisamment de présence en vous pour dissoudre le passé, pas assez de lumière pour dissiper l'obscurité. Vous n'êtes pas totalement ici. Vous n'êtes pas encore tout à fait éveillé. Et entre-temps, c'est le mental conditionné qui gère votre vie.

De la même façon, si vous êtes une de ces nombreuses personnes à avoir une problématique parentale, si vous ressassez encore du ressentiment envers vos parents pour quelque chose qu'ils ont fait ou n'ont pas fait, c'est que vous croyez encore qu'ils avaient le choix, qu'ils auraient pu agir différemment. On a toujours l'impression que les gens avaient le choix : c'est une illusion. Tant et aussi longtemps que votre mental et son conditionnement gèrent votre vie, aussi longtemps que vous êtes votre mental, quel choix avez-vous ? Aucun. Vous n'êtes même pas là. L'identification au mental est un état hautement dysfonctionnel. C'est une forme de démence. Presque tout le monde en souffre à des degrés variables. Dès l'instant où vous prenez conscience de cela, il ne peut plus y avoir de ressentiment. Comment pouvez-vous éprouver du ressentiment vis-à-vis de la maladie de quelqu'un ? La seule attitude possible est la compassion.

Cela veut donc dire que personne n'est responsable de ce qu'il fait ?

Si c'est votre mental qui mène votre vie, bien que vous n'ayez aucun choix, vous souffrirez encore des conséquences de votre inconscience et créerez davantage de souffrance. Vous aurez à porter le fardeau de la peur, du conflit, des problèmes et de la douleur. La souffrance ainsi créée vous forcera, à un moment ou à un autre, à sortir de votre état d'inconscience.

Ce que vous dites au sujet du choix vaut également pour le pardon, je suppose. Vous devez être totalement conscient et lâcher prise complètement avant de pouvoir pardonner ?

Le terme « pardon » est en usage depuis deux mille ans. Pourtant, la plupart des gens ont une idée très restreinte de sa signification. Vous ne pouvez pas vraiment vous pardonner, ainsi qu'aux autres, aussi longtemps que vous cherchez votre identité dans le passé. C'est seulement en accédant au pouvoir de l'instant présent, qui est votre pouvoir propre, qu'il peut y avoir un véritable pardon. Cela rend le passé impuissant et vous permet de réaliser profondément que rien de ce que vous avez fait ou de ce qu'on vous a fait n'a pu le moins du monde toucher l'essence radieuse de votre Être. Et dans cet esprit, le concept du pardon devient alors entièrement inutile.

Et comment puis-je arriver à cette réalisation ?

Lorsque vous lâchez prise face à ce qui est et que vous devenez donc totalement présent, le passé perd tout pouvoir. Vous n'en avez plus besoin. La présence est la clé. Le présent l'est aussi.

Comment savoir que j’ai lâché prise ?


Accepter sa souffrance.  Un jour nous sommes confrontés à des situations complexes et difficiles Nous avons besoin de nous croire forts, indestructibles. Nous savons toujours trouver les mots de réconfort pour celui-qui en a besoin, mais qu’en est-il pour nous-même ?
En ce qui me concerne, je pensais avoir surmonté pas mal d’épreuves difficiles. Il y a d’abord eu cette sensation de malaise récurrente. Vous savez, celle qui vous fait vous demander pourquoi vous êtes si fatigué, pourquoi chaque action anodine vous demande tant d’effort. Puis sont arrivées les douleurs sournoises, celles qui s’insinuent à l’intérieur de vous, qui prennent possession de vous. On veut se reprendre, métriser, mais tout s’amplifie, la fatigue, les douleurs, les angoisses… Vous sentez bien que tout vous échappe, que toutes vos certitudes volent en éclat, la vie vous rattrape.
Mais il faut accepter, s’adapter. Il faut en parler
S’obliger d’exister c’est se donner le droit de vivre, d’être heureux. Dire ce que l’on ressent à des personnes de confiance quand on va mal est un conseil valable pour tout le monde, à tout moment de la vie. Revenir sur une expérience douloureuse, la partager avec un proche, pleurer si l’on en a envie… tout cela fait partie d’un processus naturel qui permet d’aller mieux. Exprimer sa souffrance c’est aussi se déculpabiliser, s’est ôter ce sentiment d’inutilité, s’est aussi accepter d’être différent, d’être malade, d’être seul, d’être rejeter. Accepter sa souffrance s’est se battre contre le qu’en dira-t-on des voisins, des amis…




"Le suicide n'est pas un choix, on y est conduit quand la douleur dépasse les ressources qui permettent d'y faire face." 
Dans le suicide, il ne s'agit que de cela. Vous n'êtes pas une personne haïssable, ou folle, ou faible, ou incapable, parce que vous vous sentez suicidaire. Avoir des idées noires ne veut même pas dire que vous voulez vraiment mourir - cela veut juste dire que vous avez plus de douleur que de ressources pour la prendre en charge maintenant. Si j'empile des poids sur vos épaules, vous vous écroulerez au bout d'un moment si j'ajoute suffisamment de poids... quelle que soit votre volonté de rester debout. (C'est pourquoi il est si inutile que les gens vous disent : "debout, garde le moral !" - vous le feriez, évidemment, si vous le pouviez.)   
N'acceptez pas que quelqu'un vous dise, "il n'y a pas de quoi être suicidaire pour cela." Il y a différentes sortes de souffrances qui peuvent mener au suicide. Qu'une douleur soit supportable ou non diffère d'une personne à une autre. Ce qui peut être supportable pour quelqu'un peut ne pas l'être pour vous. La limite où la douleur devient insupportable dépend du genre de ressources dont vous disposez. Les individus sont très différents dans leur capacité à supporter la douleur.  
Quand la douleur dépasse les ressources qui permettent d'y faire face, le résultat, ce sont des pensées suicidaires, des "idées noires". Le suicide n'est alors ni faux ni vrai; ce n'est pas un défaut de caractère; il n'y a pas à le juger moralement. C'est simplement un déséquilibre de la douleur par rapport aux ressources qui permettent de les affronter.  
Vous pouvez survivre à des sentiments suicidaires si vous faites l'une ou l'autre de ces deux choses: 
(1) Trouver un moyen pour réduire la douleur, 
ou  
(2) Trouver un moyen pour augmenter vos ressources pour y faire face. 
Ou les deux à la fois.  
Voici les cinq choses à prendre en considération dont je vous parlais tout à l'heure.  
La première chose que vous avez besoin d'entendre, c'est de savoir qu'on s'en sort. Des personnes qui souffraient autant que vous en ce moment, s'en sont sorties. Vous avez donc de très fortes chances de vous en sortir. J'espère que cette information peut vous donner un peu d'espoir. 
La deuxième chose que je veux vous suggérer est de vous donner du recul. Dites-vous, "j'attendrai 24 heures avant de faire quoi que ce soit." Ou une semaine. Souvenez-vous que sensations et actions sont deux choses différentes - que vous ayez le sentiment de vouloir vous tuer, ne signifie pas que vous devez le faire maintenant. Mettez du recul entre vos sensations suicidaires et un passage à l'acte. Même si ce n'est que 24 heures. Vous en avez été capables 5 minutes en lisant cette page. Vous pouvez le faire encore 5 minutes en continuant à la lire. Continuez et prenez conscience du fait qu'alors que vous vous sentez encore suicidaire, vous n'êtes pas, en ce moment, en train d'agir en ce sens. C'est très encourageant pour moi, et j'espère que cela l'est pour vous. 
La troisième chose est ceci: on pense souvent au suicide pour trouver un soulagement à sa douleur. On ne veut pas mourir mais arrêter de souffrir. Souvenez-vous que le soulagement est une sensation. Et vous devez être vivant pour la ressentir. Vous ne sentirez pas le soulagement que vous cherchez si désespérément, si vous êtes mort. 
La quatrième chose est ceci: certains réagiront mal à vos sentiments suicidaires, parce qu'ils sont effrayés ou en colère; ces personnes peuvent même augmenter votre douleur au lieu de vous aider, en dépit de leurs intentions, en disant ou faisant des choses irréfléchies. Vous devez comprendre que leurs réactions négatives ont à voir avec leurs propres peurs, pas avec vous.  
Mais il y a aussi des personnes qui peuvent être avec vous pendant ces moments si difficiles. Ils ne vous jugeront pas, ne chercheront pas à vous contredire. Ils feront simplement attention à vous. Trouvez-en une. Maintenant. Utilisez vos 24 heures, ou votre semaine, et dites à quelqu'un ce qui se passe pour vous. Il est normal de pouvoir un jour demander de l'aide. Appelez une ligne d'écoute spécialisée (SOS Suicide Phénix, SOS amitié, appelez un centre spécialisé près de vous, ou regardez dans l'annuaire), appelez un psychothérapeute (psychanalyste, psychologue, psychiatre), quelqu'un qui est capable de vous écouter. Mais surtout ne portez pas le fardeau supplémentaire d'essayer de vous charger de cela seul. Juste parler de ce qui vous a conduit là peut vous enlever une grosse part de la pression qui vous pèse, et c'est peut-être juste la ressource supplémentaire dont vous avez besoin pour retrouver l'équilibre.
La dernière chose que je veux que vous sachiez maintenant est ceci: les sensations suicidaires sont, dans et par elles-mêmes, traumatisantes. Après leur disparition, vous avez besoin de continuer à prendre soin de vous. Commencer une thérapie est vraiment une bonne idée.
Bien. il s'est écoulé quelques minutes et vous êtes encore avec moi. J'en suis vraiment heureux.  
Puisque vous avez été jusqu'ici, vous méritez un cadeau. Je pense que vous devriez vous récompenser en vous donnant une portion de ressources supplémentaires pour affronter la douleur . Souvenez-vous, plus haut vers le début de la page, j'ai dit que l'idée est de s'assurer d'avoir plus de ressources que de douleur. Alors donnez-vous en une supplémentaire, ou deux, ou dix...! jusqu'à ce qu'elles surpassent vos sources de douleur.   
Maintenant, si cette page a pu vous apporter un quelconque soulagement, la meilleure et la plus grande ressource que vous pouvez trouver, c'est quelqu'un a qui parler. Si vous trouvez quelqu'un qui veut écouter, et si vous lui dites comment vous vous sentez et comment vous en êtes arrivé là, vous aurez vraiment augmenté vos ressources. Heureusement, la première personne que vous choisirez ne sera pas la dernière. Il y a beaucoup de gens qui aimeraient entendre ce qu'il en est pour vous. Il est temps de commencer à en chercher une autour de vous.  
Et maintenant, j'aimerais que vous appeliez quelqu'un.



Mot sur le suicide

Il y a différentes sortes de souffrances qui peuvent mener au suicide. Qu'une douleur soit supportable ou non diffère d'une personne à une autre. Ce qui peut être supportable pour quelqu'un peut ne pas l'être pour vous. La limite où la douleur devient insupportable dépend du genre de ressources dont vous disposez. Les individus sont très différents dans leur capacité à supporter la douleur.  On se sent, haïssable, incapable, inutile, on ne veut plus.
Et pourquoi supporter l’insoutenable ?
Avoir des idées noires ne veut même pas dire vouloir vraiment mourir - cela veut juste dire que vous en avez assez. Le monde s’écroule, pas d’issue, c’est la dépression. Que faire ? Impossible d’en parler. Je suis nulle, je n’arrive pas, je ne suis pas comme les autres, j’ai tout gâché…. Tant de reproches. Ceux sont les idées noires.


  QUE PUIS-JE FAIRE POUR AIDER UNE PERSONNE QUI POURRAIT ÊTRE SUICIDAIRE ?

  1. Prenez-la au sérieux.
Mythe: “Les gens qui en parlent ne le font pas”. Les Études ont prouvé que plus de 75% des suicidés ont agi d'une façon ou d'une autre dans les semaines ou les mois précédant leur mort pour indiquer aux autres qu'ils étaient dans un profond désespoir Toute personne qui exprime des idées suicidaires requiert une attention immédiate.
Mythe: “Celui qui essaye de se tuer doit être fou”. 10% peut-être des suicidant sont psychotiques ou ont un dysfonctionnement pathologique de leur rapport au réel. Mais la plupart des personnes suicidaires souffrent d'une maladie reconnue : la dépression; beaucoup de dépressifs arrivent à gérer convenablement leurs affaires quotidiennes. L'absence de “folie”, de comportements bizarres, ne signifie pas une absence de risque de suicide.
“Ces problèmes n'étaient pas suffisamment graves pour conduire au suicide” est une phrase que l'on entend souvent chez des personnes qui connaissaient le suicidé. Ce n'est pas parce que vous pensez qu'une chose ne justifie pas que l'on se suicide pour elle que la personne avec laquelle vous êtes le vit de la même façon. Il ne s'agit pas d'évaluer la gravité du problème en soi mais la gravité de la souffrance induite par ce problème chez la personne en question.

  1. Souvenez-vous : le comportement suicidaire est un appel au secours.
Mythe: “Si quelqu'un veut se tuer, rien ne peut l'arrêter.” Le fait qu'une personne est encore vivante est une preuve suffisante qu'une partie d'elle-même veut rester en vie. La personne suicidaire est ambivalente - une partie d'elle-même veut vivre et une autre partie veut moins la mort que la fin de ses souffrances. C'est la partie qui veut vivre qui s'exprime en disant à quelqu'un “je pense au suicide". Si une personne suicidaire s'adresse à vous, il est possible qu'elle pense que vous vous souciez plus d'elle que les autres, que vous avez de l'expérience dans la gestion des problèmes et que vous serez soucieux de protéger le caractère confidentiel de ce qu'elle a à vous dire. Peu importe combien négatifs sont le contenu et le ton de son discours, elle effectue une chose positive et a une perception positive de vous lorsqu'elle s'adresse à vous.

  1. Soyez prêt à donner et à chercher de l'aide plutôt tôt que trop tard.
La prévention du suicide n'est pas une activité de dernière minute. Tous les ouvrages sur la dépression disent qu'elle doit être prise en charge le plus tôt possible. Malheureusement, les gens suicidaires craignent qu'essayer d'obtenir de l'aide leur apporte davantage de douleur: qu'on leur dise qu'ils sont stupides, fous, coupables ou manipulateurs; ils ont peur du rejet, de la punition, de la suspension d'école ou de travail, qu'on garde des dossiers sur eux. Vous devez faire tout ce que vous pouvez pour réduire leur douleur, plutôt que l'augmenter ou la prolonger.

  1. Écoutez.
Donnez à la personne toutes les occasions de soulager ses difficultés, de ventiler ses sensations. Vous n'avez pas besoin de dire beaucoup et il n'y a pas de mots magiques. Si vous êtes concernés, votre voix et votre attitude le montreront. Donnez-lui le soulagement de ne plus être seule avec sa douleur; laissez-lui savoir que vous êtes heureux qu'elle se soit adressée à vous. Patience, sympathie, acceptation. Évitez le débat et le "donnage de leçons".

  1. DEMANDEZ: “Est-ce que vous avez pensé au suicide?”
Mythe: “Parler du sujet peut en susciter l'idée” . Les personnes en ont déjà l'idée; le suicide est présent partout dans les médias. Si vous posez cette question à une personne dans le désespoir, vous faites une bonne chose pour elle : vous lui montrez que vous vous souciez d'elle, que vous la prenez au sérieux, et que vous êtes disposé à la laisser partager sa douleur avec vous. Vous lui donnez l'occasion de décharger ses sensations douloureuses. Si la personne a pensé au suicide, trouvez jusqu'où ses pensées sont allées (a-t-elle un plan, réuni les moyens, fixé une date?).

  1. Si la personne est intensément suicidaire, ne la laissez pas seule.
Si des moyens permettant de se suicider sont présents, essayez de vous débarrasser d'eux. "Désintoxiquez" la maison (médicaments, armes, produits toxiques).

  1. Trouvez très rapidement une aide professionnelle.
Persistance et patience peuvent être nécessaires pour chercher, entamer et continuer cette aide professionnelle quelle qu'en soit l'option. Dans toute situation où un tiers intervient, faites savoir à la personne que vous vous souciez d'elle et que vous voulez maintenir le contact.

  1. Pas de secret.
C'est la partie de la personne qui a peur de souffrir davantage qui dit “ne le dites à personne.” Mais c'est la partie qui veut rester vivante qui vous parle. Répondez à cette partie de la personne et cherchez avec persistance une personne extérieure, mûre et compatissante, avec qui vous pouvez examiner la situation. N'essayez pas de vous en charger seul. Cherchez de l'aide pour la personne et pour vous-même. Partager les inquiétudes et les responsabilités rend la prévention du suicide plus facile et beaucoup plus efficace.

  1. De la crise à la récupération.
Nous avons tous des pensées ou des sensations suicidaires dans nos vies; pourtant moins de 2% des morts sont dues au suicide. Presque tous les suicidaires souffrent de circonstances qui passeront avec le temps ou avec l'aide d'un travail thérapeutique. Il y a des centaines de petits pas que nous pouvons faire pour améliorer notre réponse au suicide et pour rendre plus accessible cette aide. Faire ces petits pas peut sauver de nombreuses vies et réduire une grande quantité de souffrance humaine.

SIGNAUX D'ALARME

Facteurs associés à des risques de suicide importants.

  • Mort ou maladie en phase terminale d'un parent ou d'un ami.
  • Divorce, séparation, fin d'une relation, stress au sein de la famille.
  • Perte de santé (réelle ou imaginaire).
  • Perte de travail, de maison, d'argent, de situation, d'amour-propre, de sécurité personnelle.
  • Alcool ou usage de drogue.
  • Dépression. Chez les jeunes, la dépression peut être masquée par une hyperactivité ou des passages à l'acte (violence, prise de risque). Chez les personnes âgées elle peut être incorrectement attribuée aux effets naturels de la vieillesse. Une dépression qui semble disparaître rapidement sans aucune raison apparente doit être source de préoccupation. Les première étapes du rétablissement d'une dépression constituent une période à haut risque. Les études récentes ont associé tous les troubles anxieux à un risque augmenté de tentative de suicide.
Changements émotionnels et comportementaux associés au suicide.

  • Souffrances indépassables: souffrances qui menacent de dépasser la capacité de la personne à les prendre en charge. Les sensations suicidaires sont souvent le résultat de problèmes anciens qui ont été exacerbés par des événements déclencheurs récents. Ces facteurs précipitant peuvent être une douleur supplémentaire ou la perte de ressources permettant de faire face à la douleur en général.
  • Absence d'espoir : la sensation que la douleur continuera ou empirera; que les choses n'iront jamais mieux.
  • Détresse: sentiment que les ressources pour réduire la douleur sont épuisées.
  • Sentiment d'inutilité, d'humiliation, de culpabilité, de haine de soi, “tout le monde s'en fout”. Peur de perdre le contrôle de soi, de se faire du mal ou d'en faire aux autres.
  • La personnalité devient triste, retirée, fatiguée, apathique, inquiète, irritable ou encline aux accès de colère.
  • Performance en déclin à l'école, au travail, ou dans les autres activités. (Parfois l'inverse : personnes qui se proposent pour des tâches supplémentaires parce qu'elles ont besoin d'occuper le temps.)
  • Isolement social ou fréquentation d'un groupe dont les comportements sont très différents de ceux de l'entourage habituel.
  • Intérêt déclinant pour le sexe, les amis ou les activités auparavant aimées.
  • Négligence de son bien-être personnel, apparence physique détériorée.
  • Modifications dans un sens ou dans l'autre des habitudes de sommeil et d'alimentation.
  • (Particulièrement chez les personnes âgées) auto privation de nourriture, mauvaise gestion nutritionnelle, désobéissance à des directives médicales.
  • Moments difficiles: vacances, anniversaires et la première semaine après la sortie d'un hôpital; juste avant et après le diagnostic d'une maladie majeure; juste avant et pendant des procédures disciplinaires. Le fait de ne pas savoir ajoute au stress d'une crise.
Comportements suicidaires.

  • Tentatives de suicide antérieures, “mini-tentatives.”
  • Formulations explicites d'idées ou de sensations suicidaires.
  • Développement d'un plan suicidaire, acquisition des moyens, attitude de “répétition du plan”, définition d'une date pour la tentative.
  • Blessures volontaires, comme les coupures, les brûlures ou se cogner la tête.
  • Comportement imprudent (accidents, overdoses, Sida). Accidents inexpliqués chez les enfants et les personnes âgées.
  • Faire son testament ou donner ses objets favoris.
  • Dire au revoir de façon inappropriée.
  • Comportement verbal ambigu ou indirect: “Je vais faire un très long et lointain voyage”, “Vous n'aurez plus à vous inquiéter pour moi”, “Je veux m'endormir et ne plus jamais me réveiller”, “Je suis si déprimé, ca ne peut plus continuer comme ça”, “Est-ce que Dieu punit les suicides?”, “Des Voix me disent de faire de mauvaises choses”, demande d'information sur l'euthanasie, plaisanteries inappropriées, histoires ou essais sur des thèmes morbides.
AVERTISSEMENT SUR LES SIGNAUX D'ALARME.
La majorité de la population à tout instant ne présente pas beaucoup de signes d'avertissement et a un taux de risque de suicide faible. Mais un taux faible dans une grande population, cela fait encore beaucoup de personnes - et beaucoup de suicidés ne présentaient que quelques-uns des signaux mentionnés ci-dessus. Chaque cas étant singulier, toute indication de mouvement suicidaire doit être prise au sérieux.



Allez sur le site d'Infosuicide pour une liste de contacts téléphoniques pour obtenir une aide professionnelle. Texte original en anglais sur le site de metanoia.org
Traduit et modifié par 
Stéphane Barbery




1 commentaire:

  1. le lâcher prise ...c'est pas toujours évident !! j'y travaille ...jvais revenir sur cette lecture plusieurs fois!! çà me parle !!

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