mardi 29 novembre 2016

articles médicaux

AVC : la génération X plus à risque que les baby-boomers
Vincent Bargoin

New Brunswick, Etats-Unis – L’augmentation de la fréquence des AVC chez les sujets de moins de 50 ans semble se confirmer. De nouveaux résultats en ce sens viennent d’être publiés dans le Journal de l’American Heart Association. Pour fixer les idées, l’incidence dans la tranche d’âge des 35-39 ans ayant fait un AVC a été multipliée par un facteur 2,5 entre les périodes 1995-1999 et 2010-2014 [1].

En France aussi
Un certain nombre d’études, y compris françaises, avaient déjà attiré l’attention sur ce phénomène. Le papier du JAHA cite ainsi l’étude de Khellaf et coll, qui, à partir des données collectées à Dijon entre 1985 et 2005, a montré une augmentation du risque d’AVC chez les hommes de moins de 60 ans entre 1992-1998 et 1999-2005 [2].

L’augmentation constatée chez les sujets jeunes laisse craindre une prochaine augmentation globale.

Cette évolution récente s’inscrit dans une perspective plus large. En fait, pour la génération née après-guerre, une diminution du nombre des AVC avait été observée. Jusqu’au tournant des années 2000, la maladie serait donc passée par un minimum. Mais si le taux d’AVC, entre 35 et 84 ans reste en diminution entre 1995 et 2014, l’augmentation constatée chez les sujets jeunes laisse craindre une prochaine augmentation globale.
On note que l’étude du JAHA s’intéresse aussi aux infarctus du myocarde (IDM-ST+), et que la tendance à la baisse, elle aussi rapportée dans un certain nombre de pays (notamment FAST-MI en France), se poursuit, mais de manière beaucoup plus marquée et dans toutes les tranches d’âge, contrairement à ce qui est observé pour les AVC.

Hypothèses diagnostiques
On s’interroge naturellement sur des causes du phénomène Et à dire vrai, on n’en trouve guère, hormis un effet de cisaillement entre les progrès des années 60 à aujourd’hui dans le domaine cardiovasculaire, et l’épidémie de diabète et de maladies métaboliques qui explose depuis les années 80.

Dans la diminution de l’âge de survenue des AVC, il reste donc difficile d’exclure complètement l’effet du progrès diagnostique.

Depuis 20 ans, les AVC augmentent chez les moins de 55 ans
L’étude publiée dans le JAHA a été menée dans les bases de données hospitalières du New Jersey. Les AVC ischémiques et les IDM-ST+ recensés entre 1995-2014 ont été stratifiés par tranches d’âge pour les périodes 1995-1999, 2000-2004, 2005-2009 et 2010-2014.

L’ensemble des AVC survenus dans une population de 35 à 84 ans est en diminution durant la période d’étude : 314 pour 100.000 personne/années (PA) en 1995-1999, et 271 pour 100.000 PA en 2010-2014. Les minimums sont toutefois rencontrés durant les périodes intermédiaires 2000-2004 et 2005-2009 (252,6 et 255,5 pour 100.000 PA), et ce profil est suggestif d’un rebond d’incidence
S’agissant des IDM-ST+, le recul est d’une part beaucoup plus important (de 206,4 en 1995-1999 à 84,7 pour 100.000 PA en 2010-2014). Mais surtout, les valeurs intermédiaires sont suggestives de la poursuite de la décroissance (134,4 et 88,6 pour 100.000 PA).

Si l’on s’intéresse maintenant aux incidences par tranche d’âge en fonction de la période, le résultat le plus spectaculaire est certainement le risque relatif d’AVC chez les 35-39 ans en 2010-2014 par rapport à la période 1995-1999 : 2,47 (IC95%[2,07-2,96] ; p<0,0001). Durant les 20 ans considérés, le taux d’AVC passe de 9,5 à 23,6 pour 100.000 PA. Et surtout, il progresse de manière continue, avec des valeurs intermédiaires de 10,5 et 17,2 pour 100.000 PA.

S’agissant des IDM-ST+ dans cette même tranche des 35-39 ans, l’évolution est également régulière, mais progresse en sens inverse : 21 ; 16,7 ; 14,6 ; 13,6 pour 100.000 PA.

Les mêmes évolutions sont retrouvées pour la tranche d’âge 40-44 ans (AVC : 22,9 ; 22,8 ; 31,1 ; 46 pour 100.000 PA – IDM-ST+ : 50,8 ; 35,8 ; 27,4 ; 29,2 pour 100.000 PA), ainsi que les tranches 45-49 et 50-54 ans.

Ce n’est qu’à partir de 55 ans que le taux d’AVC diminue de période en période.
« Les personnes nées entre 1945 et 1954 présentent un taux d’AVC ajusté sur l’âge plus faible que les personnes nées dans les 20 années qui précèdent ou dans les 20 années qui suivent », résument les auteurs. « Les taux d’IDM-ST+, au contraire, diminuent dans toutes les tranches d’âge, sur toute la période considérée ».

Les personnes nées entre 1945 et 1954 présentent un taux d’AVC ajusté sur l’âge plus faible que les personnes nées dans les 20 années qui précèdent ou dans les 20 années qui suivent—Les auteurs

Une augmentation des AVC, pourquoi ?
Tout se passe comme si, en une petite vingtaine d’années, la fréquence des AVC avait « remonté » une tranche d’âge. Les incidences de 23,6 et 46 pour 100.000 PA, observées en 2010-2014 dans les tranches 35-39 ans et 40-44 ans respectivement, étaient observées, en 1995-1999 dans les tranches d’âge 40-44 et 45-49 ans (22,9 et 45,5 pour 100.000 PA).

Commentant la courbe en U, et son minimum dans les classes d’âge nées entre 1945 et 1954, les auteurs indiquent que « par rapport aux cohortes de personnes nées antérieurement, la cohorte 1945-1954 fume moins et présente moins d’obésité ». Par ailleurs cette cohorte « a bénéficié des hypolipémiants, comme les statines, et des antihypertenseurs comme les IEC, plus tôt dans son existence que les cohortes précédentes. Malgré une prévalence du diabète déjà en augmentation, on restait loin des proportions épidémiques observées dans les cohortes plus tardives ».

La classe 1945-1954 a « probablement bénéficié des améliorations de la prévention et de la prise en charge des maladies cardiovasculaires », résument-ils.
Dans ces conditions, pourquoi l’inversion de courbe ?

« Pour les cohortes tardives, la tendance à la réduction de l’obésité se renverse, et l’augmentation de prévalence du diabète s’accélère beaucoup », constatent les auteurs. « Il a également été montré qu’en dépit des développements thérapeutiques, le contrôle de l’HTA et des lipides sanguins est plus faible parmi les sujets jeunes ». Par ailleurs, « l’observance est plus faible en l’absence de couverture sociale, situation qui est davantage celle des personnes nées après 1955 ».

Enfin, « la fibrillation atriale, un facteur de risque majeur d’AVC, a augmenté de manière continue chez les adultes jeunes, peut-être à cause de l’augmentation de l’obésité ».

« Ces facteurs peuvent aider à expliquer l’augmentation des taux d’AVC parmi les cohortes de personnes nées récemment », estiment les auteurs.

La fibrillation atriale, un facteur de risque majeur d’AVC, a augmenté de manière continue chez les adultes jeunes, peut-être à cause de l’augmentation de l’obésité –Les auteurs

Une évolution des AVC seulement ?
La formulation est prudente, et surtout, ces évolutions épidémiologiques n’expliquent pas le hiatus entre évolution des AVC ischémiques et évolution des infarctus coronaires.
Le découplage entre les deux pathologies ischémiques n’est d’ailleurs pas certain. Certes, les IDM-ST+ continuent de diminuer là où les AVC recommencent à augmenter, mais en fin de période d’étude, on constate un tassement de l’évolution des IDM. Peut-être la pathologie coronaire suit-elle simplement les AVC avec un certain retard à l’allumage.

On ne le saura pas avant quelques années, mais les auteurs ont un commentaire un peu sibyllin à ce propos. « Bien qu’il soit important de comprendre la différence entre l’évolution des taux d’AVC et d’IDM-ST+ chez les jeunes, il est également intéressant de constater la tendance au ralentissement du déclin des IDM-ST+ dans les tranches d’âge les plus jeunes. Cette tendance précoce pourrait avoir des implications significatives pour l’avenir ».

La vérité est qu’on ne sait pas précisément ce qui explique aujourd’hui l’avance de l’âge des AVC, ni si cette évolution est véritablement spécifique par rapport aux IDM. Ce qu’on sait en revanche, c’est que le phénomène se confirme, et des deux côtés de l’Atlantique.

Pr Marie-France Hivert, Pr Ronan Roussel
Les déterminants génétiques permettraient-il de mieux prédire le développement de complications ou d’un futur  diabète de type 2 chez les femmes enceintes? Ronan Roussel interroge Marie-France Hivert sur ses travaux présentés lors du dernier congrès de l’ American Diabetes Association (ADA) 2016.

Enregistré le 13 juin 2016, à la Nouvelle-Orléans, LA, É.-U.

TRANSCRIPTION
Ronan Roussel (RR): Bonjour, je suis le professeur Ronan Roussel, de l’Hôpital Bichat à Paris. Je suis heureux d’accueillir aujourd’hui sur le plateau de Medscape, au congrès de l’ADA à la Nouvelle Orléans, Marie-France Hivert, assistant professor à l’école de médecine de Harvard.
Objectifs de l’étude et population
RR: Vous avez présenté des résultats sur les déterminants génétiques du risque de diabète partagés en dehors et pendant la grossesse. [1] Alors qu’est-ce que cela signifie puisque la génétique est la même en dehors et pendant la grossesse?

Marie-France Hivert (MFH): Oui, il y a eu beaucoup d’investigations pour découvrir les déterminants génétiques, autant ceux du diabète de type 2 que ceux qui contrôlent le glucose et l’insuline, dans la population générale. Mais il y a eu très peu d’études qui ont été faites chez les femmes enceintes en particulier. Pendant la grossesse, il y a un changement majeur de la régulation du glucose et de l’insuline. De plus, une des choses qu’on voit chez toutes les femmes enceintes, c’est une diminution de la sensibilité à l’insuline; cela fait partie de la physiologie normale de la grossesse. Donc on était intéressé à comprendre si les déterminants génétiques qui sont connus hors grossesse sont aussi actifs pendant la grossesse, étant donné ces changements majeurs.

RR: Donc la population de cette étude était des femmes non diabétiques avant la grossesse et qui avaient développé, ou non pour les contrôles, un diabète gestationnel.

MFH: En effet, la population qu’on a étudiée est une cohorte de femmes enceintes au Canada qui étaient toutes en santé au début de leur grossesse, et une certaine proportion de ces femmes ont développé un diabète gestationnel.

Les variants déterminés dans le diabète de type 2 ont-ils une pertinence dans le diabète gestationnel?

RR: Comme vous l’avez mentionné, on connait déjà beaucoup de choses sur la propension génétique à développer du diabète, le diabète de type 2 commun. On sait qu’il y a une multitude de variants, certains plutôt associés avec une défaillance de l’insulinosécrétion, certains favorisant le développement de l’insulinorésistance. Est-ce que ces variants déterminés dans le diabète de type 2 ont une pertinence pour le diabète gestationnel?

MFH: Ce qu’on a trouvé, c’est qu’en groupe, ces variants [prédictifs de développer un] diabète de type 2 sont aussi prédictifs de développer un diabète gestationnel -- diabète gestationnel de type commun qu’on détecte par la mesure du glucose lors d’un test de tolérance orale. Mais on a été plus loin pour mieux comprendre les phénomènes d’insulinorésistance et de sécrétion d’insuline. On a sous-divisé les femmes selon que leur diabète de grossesse était causé par un défaut de sensibilité à l’insuline ou un défaut de sécrétion. Ce qu’on a trouvé c’est que les déterminants génétiques du diabète de type 2 sont surtout présents chez les femmes qui ont un défaut de sécrétion d’insuline. Et donc ces femmes seraient probablement plus à risque de développer un diabète de type 2 après leur grossesse, même si elles étaient tout à fait normales avant leur grossesse

RR: Comment vous y êtes pris pour séparer cette population de femmes avec diabète de la grossesse, plutôt sur le versant « insulinosécrétion-défaillante » ou plutôt « insulino-résistance majorées », au cours de leur grossesse? Et quelle est la proportion plutôt de l’un ou plutôt de l’autre, même si j’imagine qu’il y a un mixe des deux?

MFH: On a basé nos sous-catégories en utilisant des mesures répétées de glucose et d’insuline pendant le test oral de glucose, puis on a dérivé des indices qui sont validés. On a trouvé qu’environ 50% des femmes avec un diabète gestationnel avait surtout un défaut de résistance ou un défaut de sensibilité à l’insuline, et donc il y avait une résistance augmentée. Environ 30% avaient un défaut isolé de sécrétion d’insuline, puis 20% avaient les deux défauts qui semblaient contribuer à la pathologie du diabète gestationnel.

RR: Et avant d’évoquer les effets des déterminants génétiques, est-ce que les facteurs classiques de diabète, en particulier l’indice de masse corporelle, permettaient avant la grossesse ou précocement dans la grossesse, de classer les femmes en fonction de ces défauts?

MFH: En effet, les femmes qui avaient un défaut de sensibilité à l’insuline avaient un indice de masse corporelle plus élevé que les autres catégories. La chose qu’il faut aussi souligner, et qui est dans l’article que nous avons publié cette année dans Diabetes Care [2], c’est que ces femmes qui ont un défaut de sensibilité à l’insuline sont aussi celles qui sont plus à risque de complications du diabète gestationnel -- donc d’avoir des bébés plus gros à la naissance, d’avoir plus de risque de nécessiter une césarienne -- même si on corrige leur indice de masse corporelle. Donc la prochaine étape serait d’essayer de comprendre quels sont les facteurs qui contribuent à cette résistance à l’insuline ou défaut de sensibilité à l’insuline pendant la grossesse, et de savoir si quand on les comprend mieux, est-ce qu’on pourrait les traiter. Parce que toutes les femmes avec un diabète gestationnel qui étaient inclues dans l’étude ont été traitées, et traitées de la même façon. Les femmes avec un défaut de sécrétion n’avaient pas ce niveau de complication, le traitement du glucose a réduit leurs complications; mais le traitement du glucose chez les femmes avec un défaut de sensibilité ne semble pas complètement normaliser leur risque de complications.

Quel intérêt en pratique clinique ?
RR: On comprend bien que c’est pour mieux comprendre ce qui se passe et éventuellement les complications pour le bébé à naitre. Est-ce que d’un côté pratique on peut imaginer que la détermination génétique peut précocement, et même avant la grossesse puisque les gènes sont déjà là, avoir un impact clinique pour mieux classer les femmes? Aujourd’hui, on fait une HGPO de façon quasiment universelle lors de la grossesse. À quoi bon prédire les choses? Ou est-ce que vous pensez que la pertinence sera un jour que, oui, il faudra aller dans cette direction-là?

MFH: Je pense que pour ce qui concerne les femmes qui développent un diabète gestationnel, ce serait bien de catégoriser, et les gènes pourraient être une façon d’aider à catégoriser. Il semble que ces femmes qui ont un défaut de sécrétion et qui portent aussi une augmentation des gènes qui prédisposent au diabète de type 2, si on les traite de façon normale, elles ne développeront pas de complications. On pourrait dont peut-être relâcher un peu leur suivi tout en contrôlant très bien leur glucose. Mais ce qui va être important ce sera de les suivre après la grossesse pour détecter si elles développent un diabète de type 2. Concernant les autres femmes qui ont un IMC élevé et une sensibilité à l’insuline diminuée, il faudrait peut-être les contrôler plus agressivement ou découvrir quels autres facteurs contribuent aux complications.

RR: D’accord. Donc la perspective clinique n’est peut-être pas tant d’identifier très tôt mais plutôt d’orienter la prise en charge thérapeutique et de faire porter les efforts là où ils sont le plus efficaces.

MFH: On a vu aussi que les gènes de diabète de type 2 prédisent qui va développer le diabète gestationnel dans toute la population, mais la plupart du temps les facteurs cliniques sont aussi une bonne façon de prédire. Dans une prochaine étude il faudrait comparer les deux approches, seulement par génétique versus génétique en plus des facteurs cliniques.

RR: Oui, il n’y a pas de raison effectivement de renoncer aux facteurs cliniques, auxquels de toute façon on aura accès comme initialement. Je vous remercie beaucoup pour cette présentation et à très bientôt.

LIENS
Diabète : une association de Lantus et de Lyxumia approuvée par la FDA
Vincent Bargoin

Paris, France – Un communiqué de Sanofi annonce que la FDA vient d’approuver Soliqua® 100/33, une association d’insuline glargine (Lantus®, Sanofi) et d’un agoniste GLP-1, le lixisénatide (Lyxumia®, Sanofi), destinée au traitement des diabétiques de type 2 insuffisamment contrôlés par l’insuline seule ou lixisénatide.

Cette approbation repose sur un programme de phase 3 portant sur plus de 1900 patients. Le communiqué de Sanofi cite notamment une étude d’intensification de la dose d’insuline, dans laquelle Soliqua® a permis d’abaisser l’HbA1c en dessous du seuil de 7% chez 55% des patients après 30 semaines de traitement, contre 30% avec la seule insuline glargine. L’incidence des hypoglycémies est par ailleurs comparable sous Lantus® et sous Soliqua®. Outre les hypoglycémies, des nausées (10 %), des rhinopharyngites (7 %), des diarrhées (7 %) et des infections des voies respiratoires supérieures (5 %), sont rapportées sous Soliqua® [1].

Le traitement, sera disponible aux Etats-Unis en janvier 2017, et présenté dans un stylo prérempli, délivrant une dose quotidienne comprise entre 15 et 60 unités d’insuline glargine 100 unités/ml et entre 5 et 20 microgrammes de lixisénatide.

Sanofi indique que le dossier d’enregistrement de Soliqua® a également été déposé auprès de l’European Medicine Agency. Le Comité des médicaments à usage humain de l’Agence a émis le 11 novembre un avis favorable.

REFERENCE :
1. Aroda VR, et al. Diabetes Care. 2016, DOI: 10.2337/dc16-1495.
LIENS


Diabète gestationnel: des variants génétiques pour prédire les complications?
Pr Marie-France Hivert, Pr Ronan Roussel
Les déterminants génétiques permettraient-il de mieux prédire le développement de complications ou d’un futur  diabète de type 2 chez les femmes enceintes? Ronan Roussel interroge Marie-France Hivert sur ses travaux présentés lors du dernier congrès de l’ American Diabetes Association (ADA) 2016.

Enregistré le 13 juin 2016, à la Nouvelle-Orléans, LA, É.-U.
TRANSCRIPTION

Ronan Roussel (RR): Bonjour, je suis le professeur Ronan Roussel, de l’Hôpital Bichat à Paris. Je suis heureux d’accueillir aujourd’hui sur le plateau de Medscape, au congrès de l’ADA à la Nouvelle Orléans, Marie-France Hivert, assistant professor à l’école de médecine de Harvard.
Objectifs de l’étude et population

RR: Vous avez présenté des résultats sur les déterminants génétiques du risque de diabète partagés en dehors et pendant la grossesse. [1] Alors qu’est-ce que cela signifie puisque la génétique est la même en dehors et pendant la grossesse?

Marie-France Hivert (MFH): Oui, il y a eu beaucoup d’investigations pour découvrir les déterminants génétiques, autant ceux du diabète de type 2 que ceux qui contrôlent le glucose et l’insuline, dans la population générale. Mais il y a eu très peu d’études qui ont été faites chez les femmes enceintes en particulier. Pendant la grossesse, il y a un changement majeur de la régulation du glucose et de l’insuline. De plus, une des choses qu’on voit chez toutes les femmes enceintes, c’est une diminution de la sensibilité à l’insuline; cela fait partie de la physiologie normale de la grossesse. Donc on était intéressé à comprendre si les déterminants génétiques qui sont connus hors grossesse sont aussi actifs pendant la grossesse, étant donné ces changements majeurs.

RR: Donc la population de cette étude était des femmes non diabétiques avant la grossesse et qui avaient développé, ou non pour les contrôles, un diabète gestationnel.

MFH: En effet, la population qu’on a étudiée est une cohorte de femmes enceintes au Canada qui étaient toutes en santé au début de leur grossesse, et une certaine proportion de ces femmes ont développé un diabète gestationnel.

Les variants déterminés dans le diabète de type 2 ont-ils une pertinence dans le diabète gestationnel?

RR: Comme vous l’avez mentionné, on connait déjà beaucoup de choses sur la propension génétique à développer du diabète, le diabète de type 2 commun. On sait qu’il y a une multitude de variants, certains plutôt associés avec une défaillance de l’insulinosécrétion, certains favorisant le développement de l’insulinorésistance. Est-ce que ces variants déterminés dans le diabète de type 2 ont une pertinence pour le diabète gestationnel?

MFH: Ce qu’on a trouvé, c’est qu’en groupe, ces variants [prédictifs de développer un] diabète de type 2 sont aussi prédictifs de développer un diabète gestationnel -- diabète gestationnel de type commun qu’on détecte par la mesure du glucose lors d’un test de tolérance orale. Mais on a été plus loin pour mieux comprendre les phénomènes d’insulinorésistance et de sécrétion d’insuline. On a sous-divisé les femmes selon que leur diabète de grossesse était causé par un défaut de sensibilité à l’insuline ou un défaut de sécrétion. Ce qu’on a trouvé c’est que les déterminants génétiques du diabète de type 2 sont surtout présents chez les femmes qui ont un défaut de sécrétion d’insuline. Et donc ces femmes seraient probablement plus à risque de développer un diabète de type 2 après leur grossesse, même si elles étaient tout à fait normales avant leur grossesse

RR: Comment vous y êtes pris pour séparer cette population de femmes avec diabète de la grossesse, plutôt sur le versant « insulinosécrétion-défaillante » ou plutôt « insulino-résistance majorées », au cours de leur grossesse? Et quelle est la proportion plutôt de l’un ou plutôt de l’autre, même si j’imagine qu’il y a un mixe des deux?

MFH: On a basé nos sous-catégories en utilisant des mesures répétées de glucose et d’insuline pendant le test oral de glucose, puis on a dérivé des indices qui sont validés. On a trouvé qu’environ 50% des femmes avec un diabète gestationnel avait surtout un défaut de résistance ou un défaut de sensibilité à l’insuline, et donc il y avait une résistance augmentée. Environ 30% avaient un défaut isolé de sécrétion d’insuline, puis 20% avaient les deux défauts qui semblaient contribuer à la pathologie du diabète gestationnel.

RR: Et avant d’évoquer les effets des déterminants génétiques, est-ce que les facteurs classiques de diabète, en particulier l’indice de masse corporelle, permettaient avant la grossesse ou précocement dans la grossesse, de classer les femmes en fonction de ces défauts?

MFH: En effet, les femmes qui avaient un défaut de sensibilité à l’insuline avaient un indice de masse corporelle plus élevé que les autres catégories. La chose qu’il faut aussi souligner, et qui est dans l’article que nous avons publié cette année dans Diabetes Care [2], c’est que ces femmes qui ont un défaut de sensibilité à l’insuline sont aussi celles qui sont plus à risque de complications du diabète gestationnel -- donc d’avoir des bébés plus gros à la naissance, d’avoir plus de risque de nécessiter une césarienne -- même si on corrige leur indice de masse corporelle. Donc la prochaine étape serait d’essayer de comprendre quels sont les facteurs qui contribuent à cette résistance à l’insuline ou défaut de sensibilité à l’insuline pendant la grossesse, et de savoir si quand on les comprend mieux, est-ce qu’on pourrait les traiter. Parce que toutes les femmes avec un diabète gestationnel qui étaient inclues dans l’étude ont été traitées, et traitées de la même façon. Les femmes avec un défaut de sécrétion n’avaient pas ce niveau de complication, le traitement du glucose a réduit leurs complications; mais le traitement du glucose chez les femmes avec un défaut de sensibilité ne semble pas complètement normaliser leur risque de complications.

Quel intérêt en pratique clinique ?
RR: On comprend bien que c’est pour mieux comprendre ce qui se passe et éventuellement les complications pour le bébé à naitre. Est-ce que d’un côté pratique on peut imaginer que la détermination génétique peut précocement, et même avant la grossesse puisque les gènes sont déjà là, avoir un impact clinique pour mieux classer les femmes? Aujourd’hui, on fait une HGPO de façon quasiment universelle lors de la grossesse. À quoi bon prédire les choses? Ou est-ce que vous pensez que la pertinence sera un jour que, oui, il faudra aller dans cette direction-là?

MFH: Je pense que pour ce qui concerne les femmes qui développent un diabète gestationnel, ce serait bien de catégoriser, et les gènes pourraient être une façon d’aider à catégoriser. Il semble que ces femmes qui ont un défaut de sécrétion et qui portent aussi une augmentation des gènes qui prédisposent au diabète de type 2, si on les traite de façon normale, elles ne développeront pas de complications. On pourrait dont peut-être relâcher un peu leur suivi tout en contrôlant très bien leur glucose. Mais ce qui va être important ce sera de les suivre après la grossesse pour détecter si elles développent un diabète de type 2. Concernant les autres femmes qui ont un IMC élevé et une sensibilité à l’insuline diminuée, il faudrait peut-être les contrôler plus agressivement ou découvrir quels autres facteurs contribuent aux complications.

RR: D’accord. Donc la perspective clinique n’est peut-être pas tant d’identifier très tôt mais plutôt d’orienter la prise en charge thérapeutique et de faire porter les efforts là où ils sont le plus efficaces.
MFH: On a vu aussi que les gènes de diabète de type 2 prédisent qui va développer le diabète gestationnel dans toute la population, mais la plupart du temps les facteurs cliniques sont aussi une bonne façon de prédire. Dans une prochaine étude il faudrait comparer les deux approches, seulement par génétique versus génétique en plus des facteurs cliniques.

RR: Oui, il n’y a pas de raison effectivement de renoncer aux facteurs cliniques, auxquels de toute façon on aura accès comme initialement. Je vous remercie beaucoup pour cette présentation et à très bientôt.

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Diabète : une association de Lantus et de Lyxumia approuvée par la FDA
Vincent Bargoin

Paris, France – Un communiqué de Sanofi annonce que la FDA vient d’approuver Soliqua® 100/33, une association d’insuline glargine (Lantus®, Sanofi) et d’un agoniste GLP-1, le lixisénatide (Lyxumia®, Sanofi), destinée au traitement des diabétiques de type 2 insuffisamment contrôlés par l’insuline seule ou lixisénatide.

Cette approbation repose sur un programme de phase 3 portant sur plus de 1900 patients. Le communiqué de Sanofi cite notamment une étude d’intensification de la dose d’insuline, dans laquelle Soliqua® a permis d’abaisser l’HbA1c en dessous du seuil de 7% chez 55% des patients après 30 semaines de traitement, contre 30% avec la seule insuline glargine. L’incidence des hypoglycémies est par ailleurs comparable sous Lantus® et sous Soliqua®. Outre les hypoglycémies, des nausées (10 %), des rhinopharyngites (7 %), des diarrhées (7 %) et des infections des voies respiratoires supérieures (5 %), sont rapportées sous Soliqua® [1].

Le traitement, sera disponible aux Etats-Unis en janvier 2017, et présenté dans un stylo prérempli, délivrant une dose quotidienne comprise entre 15 et 60 unités d’insuline glargine 100 unités/ml et entre 5 et 20 microgrammes de lixisénatide.

Sanofi indique que le dossier d’enregistrement de Soliqua® a également été déposé auprès de l’European Medicine Agency. Le Comité des médicaments à usage humain de l’Agence a émis le 11 novembre un avis favorable.

REFERENCE :
1. Aroda VR, et al. Diabetes Care. 2016, DOI: 10.2337/dc16-1495.
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