samedi 5 novembre 2016

La fin de la canneberge contre l'infection urinaire ?

La fin de la canneberge contre l'infection urinaire ?

Après de longs débats sur les effets bénéfiques de la canneberge, une étude publiée le 27 octobre 2016 est catégorique : les résultats ne sont pas probants ni sur son rôle préventif ni sur son efficacité contre les infections urinaires. 


Selon un essai scientifique du 27 octobre 2016, la canneberge n'aurait aucun effet bénéfique probant sur les infections urinaires.

Ce n’était pas juste un conseil de grand-mère. La canneberge était recommandée par le milieu scientifique pour prévenir les infections urinaires avant que des doutes ne soient émis. L'étude publiée au JAMA le 27 octobre 2016 confirme qu’il va falloir laisser tomber le Cranberry. Les chercheurs ont conduit un essai sur 185 femmes âgées (86 ans en moyenne) résidant dans des maisons médicalisées (où les infections urinaires sont les plus répandues selon l’étude) à qui ils ont administré soit des capsules de 72 mg de canneberge, soit un placebo pendant un an. Le résultat est catégorique : il n’y a pas de différence significative sur la présence de bactéries dans leurs urines.
Mais l'étude reste à prendre avec des pincettes. En effet, 65% des échantillons d'urines prévus ont réellement pu être collectés (certaines femmes étant devenues incontinentes) et la période d'observance a été relativement courte. En outre, comme les femmes n'ont pas été testées avant l'étude et pouvaient donc être porteuses de bactéries, il n'a pas été possible de déterminer si les capsules de canneberge n'étaient pas efficaces spécifiquement à titre préventif ou à titre curatif. Les auteurs précisent que les capsules de canneberge, seules utilisées dans le test, n'ont pas l'effet hydratant du jus de canneberge alors que l'hydratation peut être un des éléments pour réduire les infections chez les femmes âgées.

L'histoire de l'engouement scientifique pour la canneberge ou l'imbroglio scientifique 
Les vertus médicinales de la canneberge, dont le nom scientifique est Vaccinium macrocarpon avaient déjà été préconisées contre les troubles de la circulation sanguine, les maux d’estomac et du foie, et la fièvre, et étaient utilisées par les Indiens d’Amérique

S'agissant des infections urinaires, c'est en 1914 que le jus de Cranberry avait été recommandé pour ses qualités acidifiantes (et ainsi antibactériennes) sur l’urine. Mais très vite il avait été démontré que même en ingérant jusqu’à 4 litres de cocktails de Cranberry, il n’y avait aucune modification significative sur le PH urinaire

Par la suite, la plante avait été recommandée pour contenir des flavonoïdes, des anthocyanes et des proanthocyanidines qui étaient prétendument capables de se fixer notamment sur les bactéries Escherichia coli responsables des cystites et les empêcher d'adhérer aux cellules de la vessie et de causer l'infection. Ne bénéficiant pas de point d'ancrage, ces bactéries devaient alors être naturellement éliminées par les voies naturelles.

 Plusieurs études avaient attesté que la consommation de cranberries en capsule ou en jus permettait effectivement de réduire la fréquence des infections urinaires chez des jeunes femmes mais également des femmes âgées. Des recherches en juin 2016allaient encore en ce sens... Pourtant, dès 2012 des travaux concluaient à son absence d’efficacité en termes de prévention du moins pour les jeunes femmes. Pour les femmes âgées, même si certaines études concluaient déjà à l'absence d'effets bénéfiques que ce soit en capsule ou en jus, une étude plus récente attestait du contraire

De leur côté, les autorités de santé européennes avaient  interdit les allégations santé sur les produits contenant de la canneberge dès 2012. Et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) avaient estimé que les essais cliniques évaluant l'effet de la consommation de canneberge présentent souvent des lacunes méthodologiques, en particulier des effectifs de sujets limités et/ou l'absence de placebo. Elle a confirmé sa position en mai 2016. Il y a donc de quoi se mélanger les pinceaux : cranberries or not cranberries 

La fin d'un débat ?
Pour la chercheuse Lindsay Nicolle, dont l'avis a été publié en même temps que l'étude, c'est le non qui doit l'emporter : "Cette réputation de la canneberge pour prévenir les infections urinaires, relayée par les médias, est incompatible avec les nombreuses recherches qui démontrent son inefficacité et les lacunes de celles ayant obtenu des résultats positifs". Selon elle, "il est donc temps de se pencher sur de nouveaux inhibiteurs d'adhérence ou interventions immunologiques. Les recherches devraient identifier et évaluer d'autres agents antimicrobiens". Heureusement, aucune étude n'a encore préconisé d'arrêter la consommation de canneberge pour le simple plaisir, donc les amateurs peuvent continuer en toute sécurité !


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