Le corps aussi se souvient
Le corps se souvient
Il nous faut identifier
la source de la douleur
Convaincu de l'existence d'une mémoire pré-verbale, Arthur
Janov nous montre, à l'aide d'exemples précis, les bienfaits de la thérapie
primale. Il s'agit de retrouver les événements refoulés du passé afin d'en
éliminer la composante douloureuse. Il nous explique comment l'inconscient peut
se liguer contre l'organisme humain et le rendre malade, émotionnellement et
physiquement. Ainsi, nous élargissons les possibilités de guérison : la cause
de chaque maladie est aussi la clé qui nous permet de guérir, et cette clé se
trouve toujours en nous.
Notre corps ne ment pas. Il dit nos troubles, nos
conflits, nos souffrances. Mais celles-ci sont-elles à l’origine de la maladie
? Jusqu’où notre passé peut-il influencer notre santé ? Chacun de nous connais la
souffrance que l'on refoule en compensant intelligemment et inconsciemment tous
nos ressentis pour survivre. nous avons recours à des mécanismes nous
permettant de fuir la réalité lorsqu'elle est intolérable. Avec l'apparition
des traumatismes nous créons un besoin de force compensatoire pour que notre
cerveau puisse trouver une issue face à nos difficultés. Nous avons acquis
l'intelligence et la pensée abstraite et nous vivons ainsi dans notre tête que
seul l'intellect peut résoudre nos problèmes, nos ressentis.
nous
sommes dans la conscience d’un événement douloureux ou stressant (ce qui permet
d’évacuer sa forte charge émotionnelle), plus son impact dans le corps sera
fort. C’est ce que l’on appelle une somatisation. Cela signifie que le souvenir
de l’événement reste dans le corps et se manifeste par des symptômes physiques.
Pour la psychanalyste et psychosomaticienne, toute épreuve « perturbe notre
rythme corporel, basé sur le duo “tension-dépression”. Si elle se transforme en
conflit ou en impasse pour le sujet, elle peut se traduire par une pathologie
psychosomatique ». De la plus bénigne à la plus grave. Ce qui est certain,
c’est que plus nous restons coincés psychiquement dans un épisode difficile
(divorce, deuil, licenciement…) plus notre mal-être s’exprime par des symptômes
physiques. Dans ce cas, pour la psychanalyse comme pour les neurosciences,
l’explication est à rechercher dans notre passé. « Nous connaissons aujourd’hui
l’importance de la biologie de l’attachement Nous savons que la qualité de nos
relations d’adulte dépend de la qualité de nos premiers liens affectifs et
corporels, qui ont influencé notre physiologie et notre biologie. Raison pour
laquelle nous pouvons dire que nos premières expériences déterminent notre
patrimoine émotionnel. Ainsi, un grand choc affectif pas ou mal assimilé dans
la petite enfance peut modifier notre chimie vers une tendance à l’anxiété et à
la dépression, lesquelles favorisent les maladies cardio-vasculaires. Mais, il
ne s’agit pas de déterminisme pour autant, de nombreux autres facteurs
interviennent, comme la gestion actuelle des émotions, la qualité de
l’environnement, le patrimoine génétique, etc. Cela explique pourquoi, d’un
individu à l’autre, face à un même événement traumatique, la réponse sera
forcément singulière. « Sur deux femmes porteuses du gène du cancer du sein,
l’une développera la maladie et l’autre pas. Nous avons décodé le génome, mais
pas les interrelations entre les gènes. » Preuve, selon lui, que « la mémoire
du corps, multiple et complexe, échappe à toute grille de lecture univoque ».
Nous
sommes nantis d'un mécanisme de survie face à nos névroses
Charcot,
Freud et les autres
Le
terme psychosomatique (du grec psukhê, « esprit », et sôma, « corps ») a été
introduit au cours du XIXe siècle par le psychiatre allemand Johann Christian
August Heinroth, qui avait remarqué l’influence de l’esprit sur l’évolution de
la maladie. Plus tard, l’étude de l’hystérie par Jean-Martin Charcot et par Sigmund
Freud a établi que les conflits psychiques s’exprimaient violemment dans le
corps et que, pour « soigner » celui-ci, il fallait d’abord dénouer, par la
parole, le conflit dans le psychisme. Les fondements de la psychosomatique
seront ensuite posés par des psychanalystes comme l’Allemand Georg Groddeck et
le Hongrois Sándor Ferenczi, puis développés aux États-Unis par Franz Alexander
et en France dans les années 1960 par Pierre Marty.
Nos réactions émotionnelles ont le plus
souvent des causes si profondément enfouies en nous et dans notre passé
qu’elles nous demeurent mystérieuses. Pourtant, il est possible d’y avoir
accès, de les contrôler et souvent même de les transformer. En passant par les
sensations du corps.
Ainsi pour Michael, un jeune psychiatre qui porte ses
cheveux noués en une élégante queue-de-cheval. Il est venu se former à l’EMDR (1) et participer aux exercices pratiques qui font
partie de l’enseignement. C’est à son tour de jouer le rôle du patient. Il
raconte comment il s’est trouvé complètement désemparé en recevant une lettre
de sa banque lui rappelant le montant de son emprunt. Se sachant incapable de
rembourser ce qu’il devait, il a été emporté par une vague de désespoir,
paralysé par la panique. Et la même violente émotion le perturbe dès qu’il
repense à nouveau à la scène.
Cette réaction lui
est familière : elle le submerge souvent face aux difficultés de la vie
courante. Il peut raconter dix scènes similaires où il s’est retrouvé dans un
déplorable, un inexplicable sentiment d’impuissance. Même s’il se sent un peu
plus capable de faire face depuis qu’il a commencé une thérapie, il aimerait
savoir s’il lui est possible de progresser encore.
Lorsqu’une réaction émotionnelle inadaptée
persiste depuis longtemps dans notre vie, il n’est pas toujours facile de
remonter à ses origines.Pourtant, notre réaction aux événements présents est
toujours la conséquence de ce que notre cerveau a enregistré au cours
d’expériences antérieures. Ce processus est lié à la nature même de
l’organisation du cerveau : les chiens de Pavlov salivent rien qu’en entendant
une cloche sonner, si ce son a précédemment accompagné l’apport de nourriture.A
l’inverse, ceux pour qui la cloche a sonné tandis qu’ils recevaient un choc
électrique se figent dans la peur et l’impuissance, en attente d’un nouveau
traumatisme, même si aujourd’hui, il leur serait possible de s’échapper. Au
lieu de laisser Michael se perdre dans un labyrinthe de conjectures abstraites
à propos de son trouble ou de détails sur ses épisodes dépressifs, le
thérapeute lui demande ce qu’il ressent dans son corps lorsqu’il revit en
pensée la scène où il lit la lettre de la banque. « Une oppression dans la
poitrine et des picotements derrière les yeux », répond-il.
« Fermez les yeux et concentrez-vous sur ces
sensations. Remontez avec elles dans le temps et suivez les
images qui arrivent spontanément », reprend le thérapeute. Lorsque, après un
silence, Michael rouvre les yeux, ils sont embués de larmes : « J’ai revu la
mort de ma petite sœur, survenue lorsque j’avais 5 ans. Elle a séjourné à
l’hôpital pendant des mois, et, chaque fois qu’on lui rendait visite, on la
voyait s’affaiblir un peu plus. Nous nous sentions dans une totale impuissance
et personne ne pouvait rien y faire. Je crois que je ne m’en suis jamais
vraiment remis. »Face à un tel drame, son impuissance d’enfant de 5 ans, liée à
celle de ses parents et des médecins, s’est gravée en lui. A partir de là, de
nombreux événements de sa vie – certains aussi banals qu’une dette de banque
impayée – réactivaient en filigrane la blessure subie par l’enfant désemparé.
Alors même qu’il est aujourd’hui un adulte, devenu psychiatre et tout à fait
capable de gérer une dette ou des situations bien plus complexes.
Or il n’a fallu à
Michael que quelques séances de thérapies pour utiliser comme point de départ
ses sensations physiques et arriver ainsi à s’extraire de ce deuil qu’il
n’arrivait pas à faire depuis ses 5 ans. Depuis, tout n’est pas réglé, mais il
réagit tout à fait différemment aux divers challenges qu’il peut rencontrer
dans son existence. Le souvenir de ce qui nous conditionne à répondre à une
situation donnée comme un enfant effrayé et impuissant alors que nous sommes
désormais adulte est souvent si ancien et si éloigné dans le temps que la
parole ne suffit souvent pas à le retrouver.
En revanche, la mémoire du corps, trop
longtemps délaissée par la psychothérapie conventionnelle, semble conserver la
trace de tels traumatismes à travers la vie entière. Des liens
qui relient si fortement le passé au présent que l’on pouvait les croire
indéfectibles : or, dans certaines conditions, lorsque l’on arrive à réactiver
et à ranimer cette mémoire du corps, ils peuvent se délier avec une rapidité
surprenante.
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