On sait enfin où naît la maladie d’Alzheimer
Grâce à une technologie d’imagerie à haute résolution, des chercheurs états-uniens ont pu observer pour la première fois la naissance et la progression de la maladie d’Alzheimer dans le cerveau humain. Cette étude pourrait déboucher sur un diagnostic et un traitement plus efficaces de cette pathologie invalidante de plus en plus présente dans nos vies.
La maladie d’Alzheimer représente des enjeux médicaux, sociaux et économiques énormes. Plus la population vieillit et plus cette pathologie prend du poids dans la société. Une nouvelle étude permet de mieux la comprendre et offre l’espoir d’un diagnostic précoce. © Shirin Winiger, Flickr, cc by nc sa 2.0
Avec le vieillissement de la population, la maladie d’Alzheimer progresse. Cette forme de démences’accompagne d’un déclin des fonctions cognitives qui conduit peu à peu à une perte d’autonomie. Selon l’Inserm, 860.000 Français étaient touchés par cette pathologie neurodégénérative en 2010, un chiffre qui devrait tripler d’ici l’année 2050. La maladie d’Alzheimer représente ainsi un défi de santé publique majeur contre lequel il faut à tout prix lutter.
C’est en 1906 que le médecin Aloïs Alzheimer décrivit la maladie pour la première fois lorsqu’il observa des plaques suspectes dans le cerveau d’une de ces patientes décédées. Ces structures, appelées ensuite plaques séniles, découlent de l’accumulation de la protéine bêta-amyloïde dans le cerveau. Elles apparaissent naturellement avec le vieillissement mais sont présentes en quantité beaucoup plus importante chez les personnes atteintes d’Alzheimer. Plus récemment, les scientifiques ont montré qu’une autre protéine, appelée Tau, s’accumulait à l’intérieur des neurones et conduisait à leur dégénérescence progressive.
En utilisant une technique d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle à haute résolution, des chercheurs ont montré que la maladie d'Alzheimer prennait naissance dans le cortex entohrinal (jaune) et progressait vers d’autres régions cérébrales (rouge) comme le cortex perirhinal et le cortex pariétal posterieur. © Scott Small, centre medical de l’univesité Columbia.
Malgré les recherches intensives sur cette pathologie, de nombreuses questions restent encore sans réponse. Des chercheurs du Centre médical de l'université Columbia viennent de faire une avancée importante sur le sujet. Ils ont étudié la maladie à un stade très précoce et ont mis le doigt sur la zone cérébrale où elle débute et s’étend ensuite vers le reste du cerveau. Leurs résultats, publiés dans la revue Nature Neuroscience, permettent de mieux connaître ce trouble neurologique et d’envisager des solutions de traitement plus ciblées.
Le cerveau en haute résolution pour dépister Alzheimer
« Nous savons depuis plusieurs années déjà qu’Alzheimer commence au niveau du cortexentorhinal, une région située au-dessous de l’hippocampe et qui influence certaines fonctions cognitives comme la mémoire, explique Scott Small, le codirecteur de l’étude. Le cortex entorhinal est composé de deux zones distinctes, une médiane et une latérale, nous ignorions jusqu’ici laquelle des deux était touchée en premier. »
Pour le savoir, les chercheurs ont utilisé une technologie d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) à haute résolution. Ils ont pu suivre et cartographier le métabolisme des différentes régions du cerveau de 96 adultes sains pendant trois ans et demi. « Cette méthode d’IRMf nous a permis d’observer l’activité du cerveau avec beaucoup de précision, raconte Scott Small. Nous avons pu identifier des signes très précoces de la maladie d’Alzheimer chez certains patients. » En effet, au cours de l’expérience, 12 des candidats ont vu diminuer le volume sanguin de leur cerveau, une indication de la progression de cette pathologie. Le cortex entorhinal latéral (LEC) commence par s’affaiblir puis les troubles s’étendent vers d’autres régions cérébrales, en particulier vers le cortex pariétal, impliqué dans la mémoire spatiale et l’orientation.
Deux protéines pour déclencher la maladie d'Alzheimer
Quels sont les rôles respectifs des protéines Tau et bêta-amyloïde dans l’apparition et la progression de la maladie d’Alzheimer ? Pour répondre à cette question, les scientifiques ont fabriqué trois types de souris mutantes : un possédant des taux élevés de Tau, un autre présentant beaucoup de bêta-amyloïdes et un dernier contenant en abondance les deux types de protéines. En utilisant la même méthode d'IRMf, ils ont alors montré que les dysfonctionnements au niveau du LEC se manifestaient uniquement chez les souris qui produisent les deux protéines en excès. « Le LEC est une région particulièrement vulnérable à l’apparition d’Alzheimer car il accumule déjà la protéine Tau en temps normal, explique Karen Duff, la codirectrice de l’étude. Lorsque les protéines bêta-amyloïdes s’amassent aussi, la maladie d’Alzheimer peut commencer à s’installer. »
Ces découvertes permettent de mieux connaître la maladie d’Alzheimer et ouvrent la voie vers des traitements curatifs. « Maintenant que nous savons où elle commence et que nous pouvons observer certains signes précoces par IRMf, nous pouvons espérer dépister la maladie d’Alzheimertrès tôt avant qu’elle n’envahisse le cerveau », conclut Scott Small.
Alzheimer : une nouvelle découverte sur ses causes possibles
On accuse depuis longtemps les bêta-amyloïdes et les plaques séniles qu’ils forment d’être à l’origine de la maladie d’Alzheimer. Mais si tout était plus complexe ? C’est ce que suggère une nouvelle étude tendant à montrer qu’il faudrait plutôt s’intéresser au lien entre les formes libres et les formes agrégées pour comprendre la maladie.
La maladie d'Alzheimer touche le cerveau. Elle est la pathologie neurodégénérative la plus fréquente et toucherait plus de 35 millions de personnes âgées à travers le monde. Son incidence ne pourrait d'ailleurs cesser d'augmenter dans les prochaines années. Si l'on a remarqué l'importance des bêta-amyloïdes, des plaques séniles, de la protéine Tau ou encore de la génétique, personne n'est parvenu à relier tous ces éléments un à un pour connaître leur rôle exact. © Heidi Cartwright, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0
- Un dossier pour tout savoir de la maladie d'Alzheimer
C’est à s’en retourner les méninges. Plus la recherche tente de décrypter la maladie d’Alzheimer, plus elle soulève de questions sans pour autant disposer de réponses. On accuse par exemple la protéine Tau ou des prions d’être à l’origine de cette démence. Le suspect numéro 1 (mais il n'est probablement pas seul) reste une autre protéine, appelée bêta-amyloïde, qui s’agglomère et forme des plaques visibles chez tous les patients atteints par la maladie.
Mais les choses sont plus complexes. En effet, des sujets âgés disposant de toute leur tête présentent également ces agrégats protéiques à la surface de leurs neurones. En d’autres termes, la maladie d’Alzheimer se caractérise systématiquement par la présence de plaques amyloïdes mais les plaques amyloïdes seules ne suffisent pas à engendrer la démence. Quel rôle joue donc cepeptide ?
David Brody et son équipe de la Washington University School of Medicine, basée à Saint-Louis (États-Unis) suggèrent une nouvelle explication dans la revue Annals of Neurology. La différence entre patients et sujets sains résiderait plutôt au niveau des concentrations en bêta-amyloïdes présents dans leur forme libre au sein des neurones. Enfin, c’est encore plus précis que cela…
Cette image laisse apparaître les plaques amyloïdes (en brun) dans les neurones, marquées par immunocoloration. Celles-ci sont toujours retrouvées chez des malades d'Alzheimer, et chez certaines personnes exemptes de toute démence. © Nephron, Wikipédia, cc by sa 3.0
Des oligomères de bêta-amyloïdes dosés avec précision
Prenons les choses dans l’ordre. Les auteurs ont d’abord examiné le cerveau de 33 individus décédés entre 74 ans et 107 ans. Pour 10 d’entre eux, il n’y avait ni plaque, ni démence. Quatorze autres sujets n’étaient pas atteints par la maladie mais présentaient tout de même des plaques amyloïdes. Enfin, les 9 patients restants avaient déclaré Alzheimer et, de ce fait, n’échappaient pas à la formation des plaques.
Les scientifiques se sont intéressés aux deux derniers groupes. Pour aller plus loin dans l’investigation, ils ont décidé de doser la quantité de bêta-amyloïdes présents sous forme libre, appelés oligomères, qui consistent en un assemblage de plusieurs de ces protéines, aboutissant à une structure trop petite pour former des plaques. Ces oligomères sont en ligne de mire depuis longtemps, mais les techniques classiques pour évaluer leur quantité restaient imprécises. Il était possible de caractériser leur présence ou leur absence et d’estimer leurs concentrations seulement s'ils étaient retrouvés en grandes quantités.
Les auteurs ont donc développé une nouvelle méthode de dosage immunologique, basée sur unanticorps fluorescent, pour détecter les bêta-amyloïdes à des concentrations de l’ordre du pg/ml. Ainsi, sujets sains présentant des plaques et malades d’Alzheimer ont pu être comparés de plus près.
La maladie d’Alzheimer, une histoire de ratio ?
Dans les deux cas, les plaques sont de même importance. En revanche, en moyenne, les individus sans démence présentaient des taux en oligomères inférieurs à ceux des personnes atteintes. Mais une moyenne ne rend pas toujours compte des différences individuelles. Or, certains sujets non malades avaient des concentrations similaires à leurs homologues affectés par la neurodégénérescence. Ce critère n’est donc pas suffisamment discriminant.
La protéine bêta-amyloïde (représentée sur cette image) se compose de 36 à 43 acides aminés. Elle se retrouve principalement dans le cerveau dans lequel elle s'associe avec d'autres bêta-amyloïdes pour former des oligomères. S'ils poursuivent leur agglomération, alors ils forment des plaques denses. © Jawahar Swaminathan, Wikipédia, DP
Pourtant, David Brody et son équipe ont finalement trouvé un paramètre qui différait entre les deux conditions : le ratio oligomères/plaques amyloïdes. Celui-ci se montrait systématiquement plus élevé chez les malades d’Alzheimer.
Les plaques amyloïdes discriminées ?
Qu’est-ce que cela signifie ? L’heure est aux conjectures. Les chercheurs émettent l’hypothèse que les plaques en elles-mêmes ne présentent aucune agressivité mais qu’elles pourraient jouer un rôle de tampon. Elles capteraient les bêta-amyloïdes libres de la cellule pour limiter dans le neurone la concentration en oligomères au pouvoir destructeur.
Cependant, chez les patients atteints d’Alzheimer, les plaques finiraient par saturer, ne pouvant plus prendre dans leur piège les petits assemblages de bêta-amyloïdes. Les voilà libres de tuer les neurones.
Mais de l’aveu même de David Brody, de nombreux points manquent de clarté. Il reconnaît par exemple que ce genre de dosage ne peut être réalisé que chez des personnes décédées. Or, rien n’atteste que ces oligomères se sont formés avant la mort de l’individu, ce qui pourrait rendre leur théorie brinquebalante.
« Comme la plupart des recherches sur la maladie d’Alzheimer, cette étude pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, explique le chercheur américain. Mais c’est une nouvelle pièce importante du puzzle. » Reste à savoir maintenant combien de pièces manquent encore pour le compléter.
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