vendredi 16 mai 2014

PESTICIDES ET SANTÉ

PESTICIDES ET SANTÉ: LE RAPPORT DE L'INSERM
Le rapport de l'Inserm pointe les risques sanitaires des pesticidesLe rapport de l'Inserm pointe les risques sanitaires des pesticides Ce matin, l’Inserm rend publique son «expertise collective pesticides : effets sur la santé». Une revue critique de la littérature scientifique sur ce sujet polémique : quels risques pour la santé humaine représentent les produits dits «phytosanitaires» – insecticides, herbicides et fongicides – massivement utilisés en agriculture depuis un demi-siècle ?
Massif, l’usage des pesticides l’est : environ 36 000 tonnes de fongicides, 26 000 d’herbicides, 2.000 d’insecticides par an en France. Des chiffres qui ne sont vraiment qu'indicatifs, car ce qui compte c'est le tonnage de substances actives. Ainsi, le tonnage d'insecticides a chuté de 11.000 à 3.000 tonnes entre 1990 et aujourd'hui, mais cela ne représente pas une chute de 70% des molécules insecticides répandues. En outre, un part importante, environ 20% du tonnage, est utilisée sur les vignes qui ne font que 3% des surfaces, mais il s'agit surtout de soufre.
En tous cas, on compte 309 substances actives autorisées en 2012. Il y en a partout : notamment dans 90% des cours d’eau et 60% des eaux souterraines contrôlées. Mais les pesticides retrouvés dans l'environnement sont aussi ceux qui sont interdits, certains depuis longtemps, en raison de leur persistance, comme l'atrazine. La plupart de ces produits sont toxiques à forte doses, puisque leur objectif est de détruire des organismes vivants (insecte, végétal, champignons). Cette toxicité peut concerner l'homme en raison des mécanismes moléculaires que nous avons en communs avec ces cibles. Il faut donc de grandes précautions d'usage et de manipulation pour éviter toute forte doses, en particulier pour les groupes professionnels très exposés, agriculteurs, ouvriers des entreprises fabricantes, jardiniers, etc;. Mais, en outre, certaines molécules peuvent aussi avoir des effets à faibles ou très faibles dose, à l'image des perturbateurs endocriniens (lire cette note sur ce sujet). Or, les molécules ou leurs métabolites peuvent persister longtemps dans l'environnement.
Cette ubiquité dans l'environnement explique une étude récente(Inserm et Inra), à laquelle participe le laboratoire Toxalim de Toulouse, sur des femmes enceintes en Bretagne. L'étude montre que plus ces femmes vivent proches des zones céréalières, plus elles sont contaminées par des pesticides qui ont modifié leur physiologie. L'article a été publié dans PLOS One, ici, par Nathalie Bonvallot et al. dans le cadre du programme de recherche PELAGIE Perturbateurs Endocriniens Etude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l’Infertilité et l’Enfance) conduit depuis 2002 en Bretagne.
Certes, ont été interdites depuis trente ans nombre de substances (DDT, lindane, chlordécone…) dont l’épidémiologie a montré la«présomption de liens fort» avec certains cancers, ou atteintes au développement de l’enfant. Mais l’expertise collective montre que, pour des substances autorisées, l’épidémiologie débouche sur «une présomption moyenne» de liens entre l’exposition d’agriculteurs ou d’ouvriers les manipulant et des maladies. Comme entre chlorpyrifos (insecticides) et leucémie ou développement cérébral. Ou le fongicide Manèbe et la leucémie, Le glyphosate et le LNH (lymphome non hodgkinien, un cancer non spécifique d’un organe). Si présomption ne vaut pas culpabilité démontrée, elle exige précaution affirme l’un des auteurs, Luc Multigner, qui a étudié les effets de la chlordécone aux Antilles jugée responsable de cancers de la prostate et qui sera un problème durant longtemps:«l’étude montre la nécessité de protéger particulièrement les femmes enceintes et les enfants et de cibler des priorités dans les pesticides dont il faut se méfier».
Outre cette démarche de précaution, les experts réclament de nouvelles études et surveillance de ces risques sanitaires et la transparence quant à la composition exacte des produits. Ils demandent «la création d’une base de données […] comportant les compositions intégrales des produits commerciaux, substances actives et adjuvants». Puisqu’il s’agit de santé publique, le secret industriel ne peut se justifier.

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