mercredi 25 juin 2014

Nanoparticules

 

Les nanoparticules, petites mais toxiques ?

Écrit par J.Maherou, S. Norest & L.Ferrer Créé le mercredi 4 juin 2014 11:16



nanoparticules4




Cosmétiques, emballages, automobiles, textiles, les nanoparticules ont envahi notre quotidien. Les industriels y voient la solution à de nombreux problèmes car ces toutes petites particules possèdent des propriétés physico-chimiques que n’ont pas les particules plus grosses. Pourtant, elles suscitent des inquiétudes. Certains scientifiques les soupçonnent en effet d’être dangereuses pour la santé. Mais à quoi peuvent-elles bien servir ? Sont-telles vraiment utiles ? Doit-on s’en méfier ? Eléments de réponses…

Les nanoparticules : de quoi s’agit-il ?

nanotubes-carbone

Les nanoparticules sont des éléments dont la taille est comprise approximativement entre 1 et 100 nanomètres, 1 nanomètre étant 1 milliard de fois plus petit qu'un mètre. A titre de comparaison, il existe le même rapport de taille entre une orange et la Terre qu’entre une nanoparticule et une orange. Cette caractéristique dimensionnelle confère à ces matériaux des comportements particuliers et des propriétés très intéressantes. Les nanotubes de carbone par exemple, sont 100 fois plus résistants que l’acier.
Le terme de nanoparticules fait référence à différentes familles de particules telles que :
- les oxydes de métaux (titane, cuivre, zinc, aluminium, silicium),
- les nanotubes de carbones, qui forment des fibres solides aux propriétés électriques particulières,
- les fullérènes [C60, C70], utilisées pour améliorer les propriétés électriques et optiques de polymères ou pour des applications pharmaceutiques,
- les nanopoudres d’argent, dont les propriétés antibactériennes sont mises à profit notamment dans le textile.
Selon la Commission européenne, le marché des nanotechnologies est estimé à 700 milliards d’euros en 2008. Il devrait atteindre 2 000 milliards de dollars en 2015, et en matière d’emploi concerner 2 millions de personnes dans le monde[1].

Où les trouve-t-on ?

Depuis les années 90, les nanoparticules sont utilisées dans de très nombreux domaines : électronique, revêtements, textiles, articles de sports, applications pharmaceutiques, applications agroalimentaires, aéronautique, automobile, chimie, construction, cosmétique, optique, etc. Aujourd’hui, elles sont présentes dans plus d’un millier de produits.

Dans les cosmétiques
crème solaire 










Les nanoparticules sont utilisées dans de nombreux cosmétiques : dans les rouges à lèvres pour améliorer leur tenue, dans les parfums pour intensifier leurs arômes, dans les crèmes hydratantes pour qu’elles soient fluides, dans les dentifrices pour les rendre plus épais[2], etc.
Mais les produits plus particulièrement pointés du doigt sont les crèmes solaires… Avant, les industriels de la cosmétique utilisaient des microparticules de poudre de dioxyde de titane ou d’oxyde de zinc (1 000 fois plus grosses que les nanoparticules) dans les crèmes solaires pour réfléchir les UV. L’inconvénient, c’est que ces crèmes solaires étaient difficiles à étaler et laissaient des traces blanches sur la peau. Pour pallier à ce problème, certaines marques ont eu recours au dioxyde de titane ou à l’oxyde de zinc sous forme de nanoparticules. Grâce à leur petite taille, ils confèrent fluidité et bonne tenue aux crèmes solaires, et ne laissent plus de traces blanches sur la peau…
Néanmoins, il existe encore des crèmes solaires sans nanoparticules. Depuis juillet 2013, les fabricants auront l'obligation d'indiquer leur présence dans les crèmes solaires. Il n’y aura plus qu’à lire les étiquettes ! Pour plus d’informations sur les crèmes solaires, vous pouvez consulter notre synthèse en cliquant ici !

Dans les peintures
Les nanoparticules constituent un outil de plus pour les producteurs de peintures et de revêtements. Intégrées comme additifs, elles accroissent la résistance à l'abrasion, aux rayures ou la corrosion, protègent des UV et améliorent leur durabilité. Elles ont en plus des propriétés hydrofuges, antimicrobiennes et autonettoyantes. Autre atout : les nanoparticules intégrées dans les formules de peinture ne modifient en rien la façon de déposer les peintures.

Dans l’alimentation
Les nanoparticules sont également présentes dans notre alimentation. Elles peuvent modifier la couleur, l’odeur, le goût, la fluidité, la texture, la conservation des aliments mais aussi être incorporés aux emballages pour agir sur leur conservation, leur traçabilité et leur recyclage. Par exemple, les nanoparticules d’oxyde de silice (E551) améliorent les émulsions. Elles sont ajoutées dans le sel, les soupes, les laits, le chocolat, les crèmes en poudre et les hamburgers. Quant au dioxyde de titane sous forme nano, il est utilisé comme agent blanchissant pour le glaçage, mais aussi pour l’enrobage des bonbons afin d’empêcher l’oxygène et l’humidité d’altérer le produit et ainsi accroitre sa durée de conservation.
Plus de 300 nano-aliments ont été répertoriés et constituent déjà un marché de plusieurs centaines de milliards de dollars dans le monde, les Etats-Unis en tête, suivis par le Japon et la Chine. En France, peu d’informations sont disponibles, car la mention de nanomatériaux sur l’étiquetage n’est pas obligatoire dans notre pays.

Dans les vêtements
L’industrie textile recourt parfois aux nanotechnologies pour améliorer ses produits (propriétés thermiques, anti-plis) et leur résistance à l’eau, au feu ou à l’abrasion. C’est le cas de certains vêtements de sport et de certaines chaussettes dont des nanoparticules métalliques, d’argent notamment, sont intégrées aux fibres afin de donner des propriétés bactéricides au tissu et de lutter contre les mauvaises odeurs.
Pour en savoir plus sur les polluants contenus dans nos vêtements, consultez notre synthèse « Les fringues qui tuent ».


Dans le domaine médical
Dans ce domaine, les nanotechnologies ont permis de grandes innovations telles que l’élaboration de nouveaux types de prothèses plus résistantes mais aussi biocompatibles. La médecine actuelle fonde donc d’immenses espoirs dans les applications des nanotechnologies, notamment pour le traitement du cancer, en permettant de trouver une alternative à la chimiothérapie, lourde et éprouvante.
En 2012, des chercheurs[3] britanniques ont mis au point un test à base de nanoparticules d'or qui permet de dépister à l'œil nu les premiers stades d'une maladie ou d'une infection, comme le cancer de la prostate ou le VIH. Ce détecteur, constitué d'infimes particules d'or déposées sur une base en plastique, permet d'analyser le sérum contenu dans le sang du patient. Si ce sérum contient les marqueurs biologiques distinctifs d'une maladie, comme le p24 associé à une infection par le virus du sida ou l'antigène prostatique spécifique (PSA) servant à diagnostiquer un cancer de la prostate, les nanoparticules d'or réagissent, donnant une teinte bleue caractéristique à la solution remplissant le détecteur. En l'absence de ces marqueurs, les particules se séparent pour former des sortes de petites boules qui donnent une coloration rougeâtre.
Selon ses inventeurs, ce prototype est dix fois plus sensible que les procédés actuels et dix fois moins cher à fabriquer, ce qui pourrait particulièrement intéresser les pays défavorisés.

Dans d’autres domaines d’application
Les nanoparticules sont également utilisées pour booster les performances des lecteurs de DVD, des pneus, des carrosseries de voitures, des raquettes de tennis, des machines à laver, etc. Les industriels pharmaceutiques les exploitent aussi comme vecteurs pour transporter les principes actifs des médicaments vers les cellules cibles.
Depuis le 1er janvier 2013, les fabricants sont obligés de déclarer l'identité, les quantités et les usages des substances à l'état nanoparticulaire produites, distribuées ou importées en France. Cela permettra de mieux connaître les substances mises sur le marché et leurs usages, de disposer d’une traçabilité des filières d’utilisation et d’une meilleure connaissance du marché et des volumes commercialisés.

Quels sont les risques pour la santé ?

Les nanoparticules ont des propriétés très intéressantes pour la fabrication de tous ces objets mais elles pourraient bien être dangereuses, et c'est là tout le problème de ces nanomatériaux… Les industriels savent très bien les fabriquer, mais leurs impacts sur la santé ne sont pas encore bien connus.

Le problème, c’est leur petite taille…
On sait que les nanoparticules ont des niveaux d’interaction et de pénétration plus importants que leurs homologues macros. Le danger potentiel provient de leur petite taille, qui facilite leur passage à travers les cellules de l’organisme puis vers la circulation sanguine et les organes internes. Etant 50 000 fois plus petites qu’un cheveu, leurs dimensions sont inférieures à celles des particules atmosphériques ultrafines, reconnues comme cancérigènes par l’OMS en juin 2012 ! Par ailleurs, les nanoparticules présentent une surface spécifique (rapport surface/masse) énorme, ce qui augmente leur capacité d’interactions avec les organismes vivants. Le phénomène est identique avec un carré de chocolat et du chocolat en poudre : plongés dans un bol de lait chaud, le carré de chocolat ne va pas fondre totalement tandis que le chocolat en poudre, va se dissoudre immédiatement.
Les nanoparticules pourraient également servir de cheval de Troie pour les autres polluants présents dans l’environnement. Certaines nanoparticules ont en effet la propriété d’adsorber à leur surface des molécules qui peuvent être toxiques. Dans ces conditions, la toxicité ne relève pas de la nanoparticule elle-même mais des substances véhiculées à sa surface et qui peuvent ainsi pénétrer parfois plus facilement dans l’appareil respiratoire.

Dans son rapport intitulé « Évaluation des risques liés aux nanomatériaux » publié en mai 2014, l’Anses a pointé les effets encore méconnus de ces technologies infiniment petites. Chez les organismes vivants (animaux ou des végétaux), des travaux ont mis en évidence la persistance de nanomatériaux, ainsi que des retards de croissance, des anomalies ou malformations dans le développement ou la reproduction, des troubles neurologiques, des phénomènes d'immunosuppression, des réactions d'hypersensibilité et d'allergie. Chez l’animal, des effets cancérogènes ont également été mis en évidence avec les nanomatériaux tels que les nanoparticules de cobalt et de nickel et les nanotubes de carbone. Ces derniers peuvent aussi entraîner des effets toxiques sur l'environnement avec par exemple un effet antimicrobien lorsqu'ils sont dispersés dans le sol. En ce qui concerne les effets sur l’homme, ils restent encore largement méconnus en raison de l'absence d'études épidémiologiques. Ces technologies sont en effet très récentes, elles ne sont apparues sur le marché que depuis une dizaine d’années seulement. Mais si leur taille infinitésimale est un atout pour l’industrie, pour la santé de l’homme, elle pourrait plutôt représenter un danger. En effet, cette propriété leur permet de franchir les barrières physiologiques, comme la peau ou les muqueuses, qui constituent les protections naturelles du corps ou le placenta qui permet l’échange sanguin entre la mère et le fœtus.

Les différentes voies d’exposition
Les voies d’exposition de l’homme aux nanoparticules sont respectivement les voies respiratoire, cutanée et digestive. La voie principale est la voie respiratoire. Les nanoparticules inhalées se déposent sur les fosses nasales, les bronches et les alvéoles pulmonaires et se logent ensuite dans les poumons. Après avoir traversé la paroi épithéliale des alvéoles et celles des vaisseaux sanguins, elles gagnent le foie, le cœur, les reins et s’y accumulent. Les nanoparticules peuvent également pénétrer dans l’organisme et traverser la barrière intestinale via les aliments qui en contiennent.
De nombreuses études suggèrent que les nanoparticules induisent la production de radicaux libres, des molécules très réactives contenant de l’oxygène et qui conduisent à un stress oxydant. Ces phénomènes déclenchent une réponse inflammatoire de défense qui peut entrainer diverses pathologies : bronchite chronique, fibrose pulmonaire, cancer du poumon, troubles cardio-vasculaires et maladies neuro-dégénératives.
Ceci a été confirmé par une étude[12] publiée par le National Institute for Occupational Safety and Health (Niosh). Impliquant treize universités américaines, cette étude a montré que le dioxyde de titane et les nanotubes de carbone provoquent, chez la souris et le rat, des inflammations des voies respiratoires. Cliquez ici pour en savoir plus !

Des nanoparticules qui affectent le cerveau
cerveau 













Certaines nanoparticules peuvent atteindre le système nerveux central, voire même endommager le cerveau. C’est ce qu’a démontré une étude[4] publiée en 2011 et réalisée par une équipe de chercheurs du CEA de Gif-sur-Yvette et de Grenoble. Ils ont reconstitué un modèle cellulaire de la barrière hémato-encéphalique - barrière qui protège le cerveau des éléments toxiques - associant des cellules endothéliales (cellules de la paroi des vaisseaux sanguins), cultivées sur une membrane semi-perméable, et des cellules gliales (pour le système nerveux). Ils ont ensuite exposé ce modèle à des nanoparticules de dioxyde de titane (nano-TiO2). Les chercheurs ont alors constaté qu'une exposition in vitro aux nano-TiO2 entraîne leur accumulation dans les cellules endothéliales. Il en résulte aussi une rupture de la barrière de protection, associée à une inflammation cérébro-vasculaire. Les résultats de cette étude ont montré qu’une exposition chronique à ces nanoparticules pourrait entraîner leur accumulation dans le cerveau avec un risque de perturbation de certaines fonctions cérébrales.

Des nanoparticules sur la peau : danger ?
En ce qui concerne le contact avec la peau (solvants, pesticides, crèmes), le sujet est toujours soumis à débat. D’un côté, des études ont mis en évidence leur toxicité. C’est le cas d’une étude[5] qui a montré que même l’épiderme d’une peau intacte était perméable aux nanoparticules. D’après une autre étude[6] menée sur des souris, l’oxyde de titane induirait des dommages au niveau des chromosomes et des ruptures des brins d’ADN, pouvant augmenter les risques de développement d’un cancer.
D’un autre côté, l’Ansm (Agence nationale de sécurité du médicament) a démontré le contraire… Répondant à une demande de la Direction générale de la santé (DGS), l'agence a analysé les données scientifiques relatives à la pénétration cutanée, la génotoxicité et la cancérogénèse des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) et de l'oxyde de zinc (ZnO) utilisées sous forme de nanoparticules comme anti-UV dans les produits cosmétiques.
Dans deux rapports[7] publiés en juin 2011, elle a constaté que les études scientifiques actuelles ne montrent pas de pénétration cutanée significative du nano TiO2 pour les peaux saines, et ne permettent pas de tirer de conclusion dans un sens ou dans l'autre pour les peaux lésées. Les données de toxicité chronique et de cancérogenèse sont également limitées.
Par précaution, l’Ansm a tout de même recommandé de ne pas utiliser de cosmétiques - en particulier les crèmes solaires - contenant des nanoparticules de dioxyde de titane sur une peau lésée ou sur les coups de soleil du fait des risques potentiels pour la santé humaine. L’agence déconseille également d'utiliser sur le visage ou dans des locaux fermés les cosmétiques contenant des nanoparticules et se présentant sous formes de spray. Dans ces cas, il y a en effet un risque d’absorber les nanoparticules par les voies respiratoires. Attention également aux enfants ! Ils ont une peau plus fine que les adultes, les composés peuvent alors pénétrer plus facilement…

Quels sont les impacts sur l’environnement ?

Les stations d’épuration n’étant pas efficaces pour éliminer les nanoparticules, celles-ci se retrouvent dans l’environnement, en particulier lors du lavage des vêtements contenant des nano argents telles que les chaussettes antibactériennes.

Des chaussettes antibactériennes mais polluantes !chaussettes
Selon l’avis[8] de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) de mars 2010, qui a étudié le cas de ces chaussettes anti-odeur, pour l’environnement, la dispersion de nanoparticules attendue est qualifiée d’importante. L’Anses estime qu’une chaussette libère environ 144 milligrammes de nanoparticules lors d’un lavage. En considérant qu’un Français sur dix utilise des chaussettes anti-transpiration et qu’il achète 10 paires par an, leur lavage entraînerait le relargage annuel de 18 tonnes de nano argent dans les milieux aquatiques ! En savoir plus sur l’expertise de l’Anses…
Et une fois libérées dans l’environnement, ces nanoparticules d’argent peuvent entrainer des effets néfastes sur les écosystèmes. Mais tout comme les impacts sanitaires, ces effets sont encore mal connus.
Les nanoparticules d'argent sont utilisées dans les chaussettes pour leur propriétés antibactériennes. Mais une études récemment publiée a montré que le nano-argent était efficace pour neutraliser des bactéries cibles (Escherichia coli), mais qu’il initie l'émergence inattendue, l'adaptation et la croissance anormalement rapide d'autres espèces de bactéries, les Bacillus. Les chercheurs estiment que le caractère de résistance peut potentiellement être transféré aux gènes d'autres micro-organismes et que, pour l'usage médical, cela impliquerait une diminution de l’efficacité ainsi qu’un développement de populations résistantes en milieu clinique. En savoir plus sur cette étude.

Que deviennent les nanoparticules libérées dans l’environnement ?
Dans une étude[9] publiée avril 2012, des scientifiques de l’université de Duke (Caroline du Nord) ont décidé de suivre l’évolution de ces molécules dans l’environnement. Pour cela, ils ont dispersé des nanoparticules d’argent sur le sol et dans l’eau, dans des «mésocosmes» c’est-à-dire des boîtes recréant à la fois l’habitat terrestre mais aussi les milieux humides. Ils ont étudié pendant 18 mois les transformations chimiques subies dans le milieu naturel et la manière dont ces particules interagissaient avec les plantes et les animaux une fois dans l’environnement.
Ensuite, les concentrations en nanoparticules ont été mesurées dans l’eau, le sol, les poissons et leurs embryons, les plantes et les différents insectes. Elles ont été comparées à la boite référence, sans nanoparticules d’argent. Les scientifiques ont ainsi trouvé une accumulation de nanoparticules d’argent dans les plantes terrestres et les animaux aquatiques. Parmi les poissons, ce sont les guppys qui présentent les concentrations en nanoparticules d’argent les plus élevées. Les femelles de ces petits poissons semblent transmettre de fortes concentrations (10 à 20 fois les concentrations de contrôle) à leurs embryons. Par ailleurs, 70% des particules se sont retrouvées dans les sols, et après lessivage des terres, dans les sédiments des zones humides. A la fin de l’étude, 18% de l’argent qui s’était concentré dans l’eau est resté sous la même forme, 55% a réagi avec le soufre pour former du sulfure d’argent, alors que 27% des particules se sont liées à la matière organique des sédiments. Les particules présentes dans le milieu terrestre ont subi moins de transformation : 47% sont restées à l’état initial tandis que 52% se sont transformées en sulfure d’argent.

Les effets toxiques des nanoparticules
Aujourd’hui, une majorité d’études a montré que les nanoparticules ont des effets cytotoxiques (toxique pour les cellules) sur les organismes vivants. Plus elles sont petites, plus leur capacité à synthétiser des radicaux libres augmente et plus elles endommagent les membranes cellulaires et les chromosomes. Par exemple, les fullerènes C60, des nanosphères composées de 60 atomes de carbone, libèrent une quantité importante de radicaux libres lorsqu’ils sont en suspension dans l’eau. Quant aux nanoparticules d’argent inférieures à 10 nanomètres, elles libèrent des ions argent qui interagissent avec les atomes de soufre dans les protéines des membranes cellulaires et avec les atomes de phosphore de l’ADN. Les nanotubes de carbone, eux, bloqueraient l’activité respiratoire et la digestion de certains amphibiens. Par ailleurs, le nano argent risquerait d’anéantir les bactéries utiles aux stations d’épuration.
Une étude[10] suédoise publiée en février 2012 a montré que les nanoparticules jouent également un rôle dans le comportement alimentaire des poissons. Les chercheurs ont reconstitué une chaîne alimentaire en laboratoire en commençant par cultiver des algues microscopiques dans une eau dont la concentration en nanoparticules de polystyrène est de 0,01 %. Le lendemain, ils y ont introduit des daphnies, des petits crustacés zooplanctoniques se nourrissant exclusivement d’algues. Une fois les algues consommées, les chercheurs ont récupéré les daphnies et les ont lavées pour qu’il ne reste plus que les nanoparticules contenues à l’intérieur des daphnies. Le troisième jour, ces daphnies ont été consommées par des carrassins, appelés plus communément poissons rouges. Cette expérience a été répétée tous les trois jours.

shema poissons daphnies

Les chercheurs ont ensuite comparé le comportement des poissons avec celui d’un groupe témoin de poissons dont la nourriture ne comportait pas de nanoparticules. Ils ont alors constaté que le groupe à nanoparticules mettait deux fois plus de temps à se nourrir que le groupe témoin. Aussi, les individus du premier groupe nageaient moins vite, chassaient moins et semblaient comme apathiques. Comme les scientifiques ont donné volontairement peu de nourriture aux poissons, ceux du groupe de contrôle maigrissaient et métabolisaient leur graisse pour supporter le jeune. Pour l’autre groupe en revanche, le contraire s’est produit : les poissons avaient grossi au bout de cinq semaines d’expérience. D’après les auteurs de cette étude, en jouant un rôle dans le comportement alimentaire des poissons, les nanoparticules peuvent aussi modifier l’équilibre de tout un écosystème. Cliquez ici pour en savoir plus sur cette étude.
Une autre étude[11], toujours réalisée sur des poissons a montré que les nanoparticules d’argent s’avèrent toxiques pour les embryons et pour les adultes. Lors d’une contamination chronique aux nanoparticules d’argent, les auteurs ont noté une perturbation importante du développement de l’embryon se matérialisant notamment par des retards de développement. Parallèlement, le taux d’éclosion est diminué de 38 %.

Le projet Nanogenotox

Ce projet, auquel 13 Etats membres de l’Union européenne participent, a été lancé en mars 2010 par l’Afsset (maintenant Anses). Ce programme, d’une durée de trois ans, vise à fournir à la Commission européenne une méthode alternative, robuste et fiable de détection du potentiel génotoxique des nanomatériaux susceptibles d’engendrer un risque de cancer ou de toxicité pour la reproduction chez l’homme. Les travaux permettront de tester 14 nanomatériaux manufacturés regroupés en 3 groupes : dioxyde de titane, silice et nanotubes de carbone. Une fois la distribution des nanomatériaux dans l'organisme identifié (toxico-cinétique des nanomatériaux), les tests de génotoxicité in vitro et in vivo adéquats seront réalisés et comparés entre eux. Pour en savoir plus sur ce projet, consultez notre article.

Aujourd’hui, les scientifiques se veulent prudents car les études se contredisent et ne permettent pas de conclure quant à la dangerosité des nanoparticules. Les chercheurs évoluent dans ce qu’ils appellent une période d’incertitude. Mais en attendant les industriels continuent à mettre sur le marché des produits contenant des nanoparticules, et cela sans aucune étude de toxicité préalable à leur mise sur le marché. Il serait donc important d’évaluer le ratio bénéfice/risques et de savoir si les nanoparticules sont vraiment indispensables dans notre quotidien…

 

Nanoparticules

Entre grande peur et immenses espoirs

JPG Jean-Paul Geai
 
 
Rédacteur en chef
Lancé en octobre dernier, le grand débat national sur le développement et la régulation des nanotechnologies a tourné au fiasco. Autant par sa complexité que par la volonté des opposants à cette nouvelle technologie de le faire capoter. « Informer, écouter, rendre compte », tels étaient les objectifs de cette consultation publique sur « les enjeux, les promesses et les dangers » de l'infiniment petit. Les progrès scientifiques permettent en effet aujourd'hui d'observer et de manipuler les atomes, éléments constitutifs de la matière, pour fabriquer des objets de taille nanométrique, celle du millionième de millimètre. Incorporées en petite quantité, les nanoparticules ont déjà envahi plus de 800 produits de notre quotidien : appareils électroniques, cadres de vélo, raquettes de tennis, pneumatiques, vitrages, peintures, crèmes solaires, vêtements, emballages alimentaires, médicaments... À cette échelle microscopique, les propriétés de la matière sont radicalement nouvelles et ouvrent des perspectives immenses et jamais exploitées. Mais comme toute innovation, cette technologie comporte des inconnues. Si les nanotechnologies suscitent d'immenses espoirs, elles inspirent beaucoup de craintes. Du fait de leur taille minuscule, ces particules sont susceptibles de s'infiltrer partout, à travers le système respiratoire ou digestif, voire à travers la peau. Plusieurs études scientifiques soulignent leurs dangers potentiels. Quant à l'impact environnemental de leur dissémination dans l'air ou dans l'eau, il est encore très mal connu. Sans oublier les questions éthiques, comme le respect des libertés individuelles, posées par leur utilisation dans la surveillance des individus à leur insu. À se développer sans garde-fou ni veille scientifique, les nanotechnologies risquent fort de tourner au débat passionnel, écrivions-nous en février 2007. Trois ans plus tard, rien n'a vraiment changé. Le Conseil national de la consommation doit rouvrir le dossier fin avril. Comme pour n'importe quelle autre avancée technologique, il est indispensable que l'on s'inquiète des effets éventuels des nanoparticules sur l'homme et sur l'environnement. Il faut renforcer les contrôles, multiplier les études de toxicologie et édicter des règles. Le temps presse.

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