vendredi 5 août 2016

Troubles de l’oralité et comportement alimentaire

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Troubles de l’oralité et comportement alimentaire

.01.2015
Les troubles de l’oralité, relativement fréquents, doivent être dépistés afin de bénéficier d’une prise en charge adaptée précoce. Le point avec Véronique Leblanc, psychologue cliniciennepsychothérapeute pour enfants, hôpital universitaire Robert-Debré (Paris).
• L’évolution des praxies
 
De façon très schématique, le développement oral passe par plusieurs grandes étapes. Après les premiers mois où l’enfant est nourri exclusivement au sein ou au biberon, vient l’introduction de la cuillère vers l’âge de 5 ou 6 mois. Face à ces nouvelles textures et nouveaux goûts, le nourrisson développe de nouvelles praxies. C’est le début de la période où il explore le monde avec sa bouche.
Vers l’âge de 9 mois et l’introduction des premiers morceaux fondants, l’enfant commence à malaxer. Ce qui marque, là encore, une nouvelle étape dans l’évolution des praxies jusqu’au développement de la mastication qui permet de manger des petits morceaux vers l’âge de 1 an. Il faut noter que la capacité de mastication ne sera vraiment mature et pleinement opérationnelle que vers l’âge de 7 ans. 
Il y a donc, en particulier au cours de la première année de vie, une évolution progressive despraxies vers la capacité à manger des morceaux.
 
• Une consultation sur quatre
Les difficultés alimentaires peuvent concerner des enfants malades comme des enfants sains. Elles motiveraient environ une consultation en pédiatrie sur quatre. 
Ces difficultés peuvent débuter très tôt, dès la mise au sein ou dès les premiers biberons, mais apparaître aussi volontiers aux périodes clés du développement affectif et oral. 
Tout bébé et tout enfant peuvent avoir des périodes où il mange moins, mais, quand celles-ci s’aggravent ou persistent, les parents consultent assez rapidement, ce qui permet au praticien d’éliminer une cause organique à ces troubles.
 
• Des signes qui orientent
En l’absence de cause organique, certains signes, lorsqu’ils persistent plusieurs jours, doivent orienter vers un trouble de l’oralité: succion déglutition pas efficace, repas très longs, diminution progressive ou brutale des apports, pleurs lors de la présentation du biberon ou refus de venir à table, voire nausées ou vomissements dès que l’on présente le biberon ou un aliment. 
Il faut, bien sûr, rassurer les parents et leur expliquer qu’il convient de bannir le « forcing » qui ne fait que majorer les difficultés. Il est important de respecter le rythme et les compétences de l’enfant et de ne pas s’enfermer dans des schémas trop rigides.
 
• De nombreux acquis sont nécessaires
Lorsqu’une difficulté est en place, il est important de repérer par l’interrogatoire si l’enfant est bien passé par les différents stades évolutifs de l’oralité, en se rappelant que le fait de manger n’est pas simple et fait appel à de nombreux acquis. 
• Acquis sur le plan psychomoteur avec la coordination mains-bouche grâce à laquelle l’enfant explore oralement les objets et peut investir, découvrir l’espace oral.
• Acquis sur le plan des praxies avec, tout d’abord, la succion déglutition non nutritive et nutritive, puis la gestion de la cuillère, en début de bouche, puis plus en bouche de textures lisses et, enfin, le 
croquer mâcher des petits morceaux.
• Acquis sur le plan sensoriel, avec un vrai travail d’apprivoisement des aliments par tous les sens (vue, olfaction, toucher). Certains enfants, avec ou sans aucun antécédent médical, peuvent développer de véritables irritabilités sensorielles : visuelles, olfactives, tactiles, gustatives rendant impossible l’investissement oral des aliments quelle que soit leur texture. 
• Acquis sur le plan relationnel et affectif débutant des les premières heures de la vie et se construisant en partie autour de la relation de nourrissage.
 
• Orienter au mieux l’enfant
Le bilan des acquis permet alors d’orienter au mieux l’enfant, vers un orthophoniste, unpsychomotricien ou un psychologue ou un autre professionnel sensibilisé aux troubles de l’oralité, en sachant sortir du schéma du tout ou rien, où ce qui ne serait pas organique serait forcément psychologique. 
 
Une prise en charge précoce des troubles est essentielle car il semble y avoir des fenêtres de développement, grandes ouvertes au début, puis qui se ferment progressivement, rendant plus difficile voire, dans certains cas, impossible une alimentation normale. Plus l’enfant sera suivi précocement, plus le trouble se réglera rapidement.
 
• Des consultations « oralité » multidisciplinaires
Pour améliorer la prise en charge de ces enfants, des consultations « oralité » multidisciplinaires se développent peu à peu et sont désormais proposées dans des villes comme Paris, Toulouse,Nantes ou Lille
Par ailleurs, les parents ne doivent pas hésiter à aller sur des sites Internet pour en savoir plus sur ce qui est proposé dans leur région. 
 
Dr Isabelle Hoppenot

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