samedi 5 mars 2016

loi d’El Khomri

Temps de travail, licenciement, prud’hommes : ce que contient le projet de loi d’El Khomri

Le Monde.fr | 18.02.2016 à 12h52 • Mis à jour le 26.02.2016 à 18h13 | Par Bertrand Bissuel



La ministre du travail Myriam El Khomri.

La ministre du travail, Myriam El Khomri doit présenter, le 9 mars en conseil des ministres, son projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». Le texte, qui vient d’être transmis au Conseil d’Etat et que Le Monde s’est procuré, entend donner un poids accru à la négociation collective.



Temps de travail assoupli

La durée maximale de travail pendant une journée reste fixée à dix heures, mais un accord collectif peut porter ce seuil à douze heures « en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise », à condition de ne pas aller au-delà.
De même, la durée maximale de travail pendant une semaine est fixée à quarante-huit heures mais les services du ministère du travail peuvent, ponctuellement, élever ce plafond à soixante heures, en cas de « circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci ». En outre, les salariés peuvent, si un accord collectif le prévoit, être amenés à travailler quarante-six heures par semaine, au maximum, pendant seize semaines. Et voir leur temps minimal de repos quotidien provisoirement réduit. Enfin, les entreprises de moins de cinquante personnes pourront, même en l’absence d’un accord collectif, proposer à leurs salariés de passer au forfait jour (un dispositif dérogatoire aux trente-cinq heures fondé sur le nombre de jours effectués dans l’année et non pas sur le nombre d’heures).

Un nouveau régime pour les heures supplémentaires

Toute heure de travail effectuée au-delà de trente-cinq heures par semaine constitue une heure supplémentaire qui « ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur ». Le montant du « coup de pouce » donné à la rémunération peut être fixé par un accord à un taux qui ne doit pas être inférieur à 10 %. En l’absence d’accord, la majoration est de 25 % pour les huit premières heures supplémentaires, 50 % ensuite. Les accords de branche ne pourront plus « verrouiller » le pourcentage de majoration applicable aux entreprises du secteur concerné (comme c’est le cas, à l’heure actuelle, dans la métallurgie, par exemple).

Indemnités prud’homales plafonnées

Les dédommagements accordés par les prud’hommes aux travailleurs du privé victimes d’un licenciement abusif seront plafonnés en vertu d’un barème fondé sur l’ancienneté. Si le salarié est employé depuis moins de deux ans dans son entreprise, il percevra, au maximum, trois mois de salaire en cas de licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». La somme montera à six mois de salaire s’il s’y trouve depuis deux à cinq ans ; à neuf mois de salaire s’il y est depuis cinq à dix ans ; à douze mois de salaire si son ancienneté est comprise entre dix et vingt ans ; à quinze mois de salaire au-delà de vingt ans de présence dans l’entreprise. Toutefois, le juge pourra s’affranchir de cette grille (et octroyer des sommes plus élevées) dans l’hypothèse où le patron a commis une faute d’une « particulière gravité » (« harcèlement moral ou sexuel », « licenciement discriminatoire »...).

Licenciements économiques : des règles clarifiées

L’avant-projet de loi précise les motifs qui peuvent être invoqués pour prononcer des licenciements économiques : difficultés caractérisées notamment par « une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs », « pertes d’exploitation pendant plusieurs mois », « importante dégradation de la trésorerie ». Peuvent aussi être mises en avant des « mutations technologiques » ou une « réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ». Un accord de branche peut fixer la durée de la baisse de commandes ou du chiffre d’affaires, qui ne peut cependant être inférieure à deux trimestres consécutifs, ou la durée des pertes d’exploitation (au moins un trimestre). A défaut d’accord, ces durées sont respectivement fixées à quatre trimestres consécutifs et un semestre.

Accords « offensifs » en faveur de l’emploi

Jusqu’à présent, les entreprises avaient la possibilité de conclure avec les représentants du personnel un accord (dit « défensif ») pour moduler, temporairement, le temps de travail et la rémunération des salariés, en cas de difficultés conjoncturelles. Elles pourront désormais faire de même, dans un but « de développement de l’emploi » — par exemple si elles veulent conquérir de nouveaux marchés (accord dit « offensif »). Le « deal » ficelé avec les syndicats primera sur le contrat de travail.
Si un salarié refuse ces changements, il pourra être congédié, en vertu des règles applicables au licenciement « pour motif personnel » (et non plus pour des raisons économiques, comme c’était le cas jusqu’à maintenant dans les accords « défensifs ») ; il aura, cependant, droit à des indemnités liées à la rupture de son contrat de travail et sera éligible à l’assurance-chômage.

Des référendums en entreprise

Pour être valable, un accord d’entreprise devra désormais être approuvé par des syndicats ayant recueilli au moins 50 % (et non plus 30 %) des suffrages exprimés lors des élections professionnelles. Toutefois, une autre option est prévue dans l’hypothèse où le texte a été paraphé par des organisations de salariés représentant au moins 30 % des voix (mais pas la moitié) : le personnel pourra être consulté ; si le oui l’emporte, l’accord entrera en vigueur et les syndicats majoritaires ne pourront pas faire jouer leur droit d’opposition.

Des droits sociaux tout au long de la carrière

Le texte donne un contenu au compte personnel d’activité. Ce dispositif, qui intègre le compte personnel de formation et le compte pénibilité, permettra à tous les actifs, quel que soit leur statut, de conserver leurs droits sociaux tout au long de leur vie professionnelle.

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