De nouvelles révélations depuis les attentats du 13 novembre à Paris ont apporté des preuves supplémentaires que les éléments islamistes ayant commis ces attaques, qui tuèrent 130 personnes, étaient bien connus des services de renseignement en amont des attentats.

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Ces détails ont la plus haute importance sur le plan politique. Ils contredisent les affirmations officielles comme quoi les assaillants avaient échappé à l’attention des services de renseignement français et européens et que l’unique moyen d’empêcher de nouvelles attaques est d’accepter un état d’urgence et un Etat policier permanents. Si les terroristes ont pu planifier et exécuter une telle attaque massive et coordonnée c’est parce que les agences de renseignement n’ont pas recouru aux pouvoirs qu’elles avaient déjà pour éviter des attentats commis par des forces terroristes islamistes avec lesquelles elles ont des liens politiques étroits.
Le 25 novembre, le New York Times a rapporté que les autorités belges possédaient une liste d’islamistes suspectés, qui comprenait les individus impliqués dans les attentats de Paris habitant en Belgique. Il écrivait, « un mois avant les attentats terroristes de Paris, Françoise Schepmans, la bourgmestre de Molenbeek, une commune de Bruxelles connue depuis longtemps pour être un refuge pour les jihadistes, avait reçu une liste contenant les noms et les adresses de plus de 80 personnes soupçonnées d’être des militants islamiques vivant dans son agglomération. »
Citant des sources au sein des services secrets belges, le Times a écrit, « sur la liste figurent deux frères ayant participé au carnage du 13 novembre en France ainsi qu’un homme suspecté d’être l’architecte du complot terroriste, Abdelhamid Abaaoud, un habitant de Molenbeek qui était parti en Syrie début 2014 pour combattre dans les rangs de l’Etat islamique. »
Schepmans a dit, « J’étais censée faire quoi à leur sujet ? Ce n’est pas à moi de traquer d’éventuels terroristes. » Elle avait indiqué que ceci était « de la responsabilité de la police fédérale. »
Abaaoud, qui est mort dans l’assaut massif monté par la police le week-end dernier à St-Denis et qui aurait orchestré ces attaques, vivait à Molenbeek. Connu de la police depuis 2002, il avait écopé entre 2006 et 2012 de multiples peines de prison. Il avait attiré l’attention des services de renseignement en février 2014 lorsqu’il était apparu dans une vidéo islamiste conduisant une camionnette traînant derrière elle les corps de non-croyants. Six mois plus tard, il faisait l’objet de mandats d’arrêt internationaux.
Les deux frères cités par le Times, Brahim et Salah Abdeslam, vivaient aussi à Molenbeek. Brahim s’est fait exploser sur le boulevard Voltaire et son frère, Salah Abdeslam, est actuellement en fuite.
La police détenait aussi un dossier sur Omar Ismaïl Mostefaï, l’un des kamikazes de la salle du Bataclan, avant même qu’il ne se rende en Syrie en 2013 alors que Samy Amimour, l’un des tireurs du Bataclan, s’était trouvé en garde à vue en 2012, suspecté de liens avec le terrorisme.
Avant même la parution de l’article du Times, de nombreux organes de presse avaient révélé que la plupart des islamistes impliqués dans les attentats du 13 novembre étaient connus des services de police. Depuis les attentats, un nombre croissant de spécialistes français de l’islam ont exprimé leur étonnement qu’on ait permis à de tels individus d’agir en France et d’y préparer ces attaques.
Lorsqu’Abaaoud a été identifié comme l’éventuel architecte des attaques, David Thomson, un journaliste spécialiste du jihadisme en France et auteur du livre « Les Français jihadistes » avait écrit: « si l’information de sa présence devait se confirmer, on serait alors bien au-delà de l’étonnement et de la faille sécuritaire ».
Thomson a expliqué, «Il faut bien comprendre qui est cet homme. C’est le visage le plus connu du djihad francophone. Son visage s’affichait l’année dernière pendant plusieurs jours en permanence sur toutes les chaînes d’info en France. C’est quelqu’un qui en 2013 et 2014, sur sa propre page Facebook, sous sa vraie identité, postait des vidéos de lui sur le front syrien, lance-roquettes à la main, pour appeler les gens à le rejoindre.»
La possibilité pour Abaaoud de se rendre en Europe, de planifier et d’obtenir les fournitures nécessaires à une importante attaque terroriste ne peut s’expliquer que par les liens étroits entre les milieux terroristes islamistes et le renseignement français qui s’en sert pour combattre dans la guerre impérialiste de changement de régime en Syrie. Dans ces conditions, les auteurs des attaques de Paris purent profiter de ce qui revient à une protection officielle pour leurs opérations de la part de secteurs de l’Etat français.
Les affirmations du gouvernement PS (Parti socialiste) concernant les attentats sont rapidement en train d’être discréditées alors qu’il existe des désaccords croissants au sein de l’appareil d’Etat et des services de sécurité. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve avait dit, « Le risque zéro face à des acteurs qui ont déclaré la guerre à notre pays et à l’Europe… ça n’existe pas. »
En fait, dans le contexte de divisions profondes au sein des milieux impérialistes français sur la ligne à suivre, des secteurs du renseignement français critiquent que le soutien total du PS au changement de régime en Syrie a bloqué les opérations policières en France. « Depuis l’arrivée de Laurent Fabius au Quai d’Orsay, tous les ponts ont été coupés avec Damas parce que Paris mise sur la chute du régime… et tous les jihadistes français partent là-bas, » a dit Bernard Squarcini, l’ancien patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) sous le président conservateur Nicolas Sarkozy.
Squarcini a dit à Valeurs actuelles que le premier ministre Manuel Valls avait refusé une information des services secrets syriens, passée à Squarcini et donnant plus de détails sur les jihadistes français combattant en Syrie. Le refus de Valls ayant été motivé par des « raisons idéologiques », a dit Squarcini.
Cette politique a non seulement ses racines dans la politique étrangère agressive de l’impérialisme français et de ses alliés de l’OTAN, dont les Etats-Unis, mais encore dans la crise sociale et économique croissante du capitalisme européen. Les élites dirigeantes sont contentes de pouvoir compter sur les groupes terroristes islamistes comme instruments de leur politique étrangère et elles utilisent leurs opérarions pour justifier des attaques massives contre les droits démocratiques à l’intérieur. Cela tourne la soi-disant « guerre contre le terrorisme » en dérision.
Le PS, dont la politique d’austérité avait atteint dans un sondage fait l’an dernier un taux d’approbation de 3 pour cent, est en train d’accorder, dans le cadre de l’état d’urgence de 3 mois d’énormes pouvoirs à la police et veut inscrire un état d’urgence permanent dans la constitution française.
Suite aux attaques de Paris, le gouvernement conservateur belge du premier ministre Charles Michel, avançant une menace terroriste imminente, a décrété l’état d’urgence le week-end dernier. Il a ordonné le bouclage de quartiers entiers et lancé des opérations policières et militaires de grande envergure, dans le but ostensible d’arrêter des suspects islamistes. En réalité, seul un individu fut détenu.
Ceci a suscité de vastes accusations, y compris au sein de certains secteurs de l’establishment politique, comme quoi le gouvernement était en train de manipuler les événements à ses propres fins politiques. (Voir: « Les justifications officielles du verrouillage de Bruxelles se délitent »)
Par Kumaran Ira