mardi 29 décembre 2015

Et la découverte scientifique de l'année 2015

Et la découverte scientifique de l'année 2015 est...

La prestigieuse revue Science a décerné son prix de la découverte scientifique de l'année 2015 à Crispr, une technique d'édition génétique aussi prometteuse qu'inquiétante.

Vue d'artiste de la technique de modification génétique Crispr. ©Stephen Dixon/Fen ZhangVue d'artiste de la technique de modification génétique Crispr. ©Stephen Dixon/Fen Zhang

Le scalpel de la génétique, c'est l'un des surnoms donnés à la technique Crispr (prononcer krisper) que la revue Science vient de désigner comme la découverte scientifique de l'année 2015. Et pour cause, ce procédé d'édition génétique simple, dont la précision est à ce jour inégalée, devrait donner un coup d'accélérateur aux recherches en thérapie génique. Avec en ligne de mire, la possibilité de faire disparaître des maladies génétiques héréditaires voire certains cancers pour lesquels la prédisposition génétique est prépondérante. Particulièrement simple d'utilisation, la technique Crispr tend à rendre les recherches en génie génétique plus accessibles dans les laboratoires du monde entier.

Le "couteau suisse" de la génétique

Concrètement, la technique permet de neutraliser les propriétés de gènes défaillants dans l’ADN d’un individu. Les Crispr (Clustered Regularly Interspersed Palindromic Repeats, ou en Français : courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées) sont des séquences répétitives d’ADN. La technique utilisant ces Crispr permet de couper une séquence spécifique d’ADN afin de la remplacer par une autre. Associée à la protéine Cas9, une enzyme spécialisée pour couper l'ADN, l'outil s'apparente alors à un véritable "couteau suisse génétique" ; un ciseau moléculaire qui permet de couper, copier et coller des séquences d'ADN.



Mais la technique est aussi prometteuse qu'inquiétante. Car si elle laisse entrevoir la possibilité de guérir des maladies en s'attaquant directement à leur origine génétique, elle introduirait par là même une modification du patrimoine héréditaire de l'espèce humaine. Car modifier un embryon humain pour supprimer le ou les gène(s) de telle maladie, c'est aussi modifier toute sa descendance potentielle. Un acte qui fait ressurgir les problèmes éthiques liés à l'eugénisme et qui est à l'heure actuelle interdit par la convention d’Oviedo, ratifiée par la France et 28 autres pays européens en 2011.


Vue d'artiste de la technique de modification génétique Crispr (Stephen Dixon/Fen Zhang).
Ainsi, les travaux de généticiens chinois publiés en avril 2015 ont-ils rouvert le débat sur la manipulation génétique appliquée aux humains. Ces scientifiques ont en effet testé pour la première fois cet outil d'ingénierie génétique sur des embryons humains afin de faire disparaître une maladie monogénique (due à un seul gène défectueux). La tentative qui portait sur des embryons non viables a certes échoué, mais a fait relancer le débat aux Etats-Unis. Le retentissement a été moindre en France, notamment en raison de la convention d'Oviedo, même si nombre d'éminents spécialistes avaient alors livré leur sentiment à Sciences et Avenir.
Nous résumions ainsi la montée en puissance de cette technique : "Puissante, précise, peu onéreuse, Crispr a toutes les qualités... et un défaut inhérent : avec elle, n'importe quel apprenti sorcier pourrait modifier l'être humain"... Prometteur et inquiétant donc.

Une découverte franco-américaine

Si la revue Science désigne aujourd'hui Crispr comme découverte scientifique de l'année 2015, c'est plus en raison de sa popularité croissante au sein des laboratoires et des débats qu'elle a provoqués suite à l'expérience menée par les chercheurs chinois. Car la technique à proprement parler a été développée en 2012 par la Française Emmanuelle Charpentier et l'Américaine Jennifer Doudna (en photo ci-dessous). Nombreux sont ceux à penser dans la communauté scientifique que ces deux femmes pourraient finir par récolter un prix Nobel pour leurs travaux.


La Française Emmanuelle Charpentier (à gauche) et l'Américaine Jennifer Doudna sont les co-inventrices du "couteau suisse" de la génétique, la technique Crispr (©MIGUEL RIOPA / AFP

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire