| 
 Bergson, culture et création  |  |  | 
 IDEES Bergson ou l'humanité créatrice. 
 Nadia Yala Kisukidi.  
 CNRS Editions.  
 Octobre 2013.  
 305 pages.  | 
 Nadia
 Yala Kisukidi est philosophe. Spécialiste de Bergson et de la 
philosophie française contemporaine, elle enseigne à l'université de 
Genève. 
 Présentation de l'éditeur. 
 Politique,
 la philosophie bergsonienne ? Engagé dans les affaires de la cité, le 
penseur de l'élan vital et de la durée ? La postérité n'a guère retenu 
cet aspect dans l'oeuvre immense du prix Nobel de littérature 1927. En 
palliant cette lacune, Yala Kisukidi ouvre une réflexion stimulante qui 
renouvelle notre connaissance du bergsonisme. De L'Evolution créatrice (1907) aux Deux sources de la morale et de la religion
 (1932), elle met en lumière une philosophie politique ambitieuse fondée
 sur une métaphysique de la vie. La fameuse distinction du clos et de 
l'ouvert joue ici un rôle central : l'homme se réalise dans l'ouverture 
nécessairement créatrice, et non dans la clôture (guerre, racisme) 
voulue par la nature pour satisfaire des besoins spécifiques. Ce constat
 conduit Bergson à promouvoir d'un point de vue philosophique et 
institutionnel la démocratie et la défense des droits de l'homme. Yala 
Kisukidi redonne à cette pensée toute sa portée actuelle et fait 
dialoguer Bergson avec les penseurs contemporains du "post-colonial", ou
 des auteurs favorables à une religion et une politique plus ouvertes, 
comme Mohammed Iqbal pour l'islam et Léopold Senghor pour l'Afrique.. 
 La recension de Jean-Louis Thébaud. - Esprit. - décembre 2014. 
 Il
 est difficile de relire Bergson aujourd’hui sans se souvenir des 
critiques violentes dont il fut l’objet dans la philosophie française 
après sa disparition (Georges Politzer, Georges Friedmann) et de la 
méfiance que suscitait son engagement officiel dans la propagande de 
guerre après 1914. On ne peut, pour autant, négliger son statut dans la 
philosophie européenne et même cette gloire que celle de Husserl a 
ensuite recouverte, mais qu’il a gardée aux yeux d’auteurs aussi 
importants que Péguy, Simmel, Horkheimer ou Benjamin
 Mais
 surtout, il faut entendre l’extraordinaire salut adressé à Bergson par 
Senghor : 1889, déclare-t-il, marque bien le centenaire de la Révolution
 et le triomphe de la République, mais cette date revêt en même temps 
une toute autre signification puisqu’elle doit aussi être fêtée comme 
l’année d’une autre révolution, égale ou même supérieure en importance 
historique à la première : la parution de l’Essai sur les données immédiates de la conscience.
 Pourquoi faire un sort particulier à cette prise de position de 
Senghor ? Parce qu’elle signifie qu’on peut faire du neuf avec Bergson, 
que celui-ci entame une révolution culturelle,
 que la portée politique de son œuvre, indépendamment de celle qu’il a 
pu avoir de son vivant ou jusque dans les années 1950, peut toujours se 
charger d’un sens bien vivant.
 L’actuel
 renouveau de la réception de Bergson, auquel Frédéric Worms se consacre
 depuis quinze ans, n’est pas un simple projet relevant de l’histoire de
 la philosophie. Après une première « reprise » par Gilles Deleuze, il 
s’agit bien de réintroduire Bergson dans les problématiques actuelles de
 la réflexion. Dans cet ouvrage, Nadia Yala Kisukidi se propose ainsi de
 suivre la réflexion politique de Bergson et identifie dans les thèses 
des Deux Sources de la morale et de la religion (1932) une proposition de philosophie de la culture qui couronne toute l’œuvre. Bergson opère dans les Deux Sources
 une distinction entre le clos et l’ouvert qui lui permet d’en faire un 
critère de jugement moral et politique. La critique vise en particulier 
Durkheim et son idée de cohésion de la société. Pourquoi, en 1932, s’en 
prendre au fondateur de la sociologie, qui théorisa la République laïque
 et influença aussi le socialisme naissant et, à vrai dire, tout 
l’ « avant-guerre » ? L’expérience de la guerre de 1914 est passée par 
là, après laquelle on ne peut plus entendre, sans y voir un potentiel 
monstrueux, la défense d’une société fermée sur elle-même, assujettie à 
la loi d’airain de la cohésion et de l’obligation. C’est cette clôture 
mortifère que l’ouvert doit briser. Et derrière Durkheim se dessine une 
autre cible : Rousseau. Il s’agit bien de sortir de la dialectique du 
citoyen patriote, dur à l’étranger, et de « la société générale du genre
 humain ». Fausse dialectique, du reste, division inégale car, pour 
Bergson, on ne passe pas d’un bord à l’autre, il faut un saut. C’est le 
mystique qui, par sa rupture inaugurante, brise le cercle maléfique du 
même et ouvre à l’ouvert. L’espèce éclate à l’apparition de l’humanité
 et se révèle alors comme retard, obstacle, résistance à l’ouverture. 
Résistance à sa poussée et – c’est à ce point que se décide le 
bergsonisme – c’est une unique poussée qui est à l’œuvre : la vie.
 C’est
 ici que les difficultés surgissent. Le concept de vie  - et son 
immanence _ a-t-il de quoi soutenir une politique ou une philosophie de 
la culture ? On devine la grandeur du projet : si nous n’avons plus de 
repères transcendants pour nous orienter, s’il ne nous reste plus que 
l’expérience de la vie (de la souffrance, du trauma ou de la joie) 
peut-on retrouver une ressource immanente dans la vie, dans la pensée de
 la vie comme ouverture ? Telle est l’enquête de l’ouvrage, qui établit 
que la pensée de l’art et celle de la politique doivent être envisagées 
ensemble, à partir de l’idée de création et de vie créatrice. 
 
 
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire