Privilèges
de l'âge mûr
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IDEES
Le bel âge
Régis Debray.
Flammarion.
Avril 2013.
107 pages.
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Régis Debray, né en 1940, est philosophe et écrivain. Il dirige la revue trimestrielle Médium, consacrée aux arts, savoirs et techniques de la transmission. Il a récemment publié : Eloge des frontières (Gallimard, 2010), Du bon usage des catastrophes (Gallimard, 2011), Jeunesse du sacré (Gallimard, 2012), Rêverie de gauche (Flammarion 2012), Modernes catacombes (Gallimard, 2013).
Présentation de l'éditeur.
"Un
pays frileux et à l'âme vieillissante est-il condamné au culte de la
jeunesse? " s'interroge Régis Debray. Ce pamphlet fournit une analyse de
la société contemporaine. L’auteur met en évidence un culte voué à
l’instant présent, sitôt énoncé, sitôt oublié, et où paradoxalement le
vintage est à la mode. Il montre la nécessité de savoir se retourner sur
son passé pour créer et pour vivre, que ce soit dans le champ politique
ou le monde de la culture.
Le point de vue de La Revue Critique.
Plus
qu'à une critique du "jeunisme", c'est à une réflexion sur le temps et
sur les relations entre générations que nous convie Régis Debray.
L'omniprésence de l'information, l'idéalisation du présent, la recherche
effrénée de la performance, la dictature du résultat immédiat, tout
nous pousse à oublier que les choses difficiles se font dans la lenteur
et qu'elles nécessitent mémoire et enracinement. Si le monde occidental
connait un vieillissement prématuré, c'est parce qu'il est grisé par la
vitesse et fasciné par l'accessoire. A la jeunesse, faussement adulée et
qui en est en réalité la triste victime de notre époque, de réagir,
d'organiser le ralentissement du monde et de préparer, par là même, son
réenchantement. C'est à une révolution qu'appelle Régis Debray, mais à
une révolution tranquille, où la lecture attentive, la saine digestion
des idées et le goût des grandes aventures intellectuelles auront toute
leur place. Le bel âge, n'est-ce pas celui où l'on retrouve les beaux
élans de sa jeunesse ?
Paul gilbert.
L'article de Philippe de Saint-Robert. - Service littéraire. - juin 2013.
Ras le bol du jeunisme ! Régis Debray nous avait avertis : « le médiologue se meuble en ancien ». Avec « Le bel âge »,
il s’agit d’arracher la nostalgie « aux arts d’agrément, lui enlever
son parfum de violette et lui rendre son grondement de forge ». Parvenu à
ce bel âge qu’est la septantaine, Debray éprouve l’exaspération que
donne aux âmes bien formées les politiciens et les plumitifs qui les
relaient dès qu’ils font le trottoir de la jeunesse dans l’illusion de
récolter des voix et des articles élogieux. Régis Debray qui, dans sa
jeunesse, chahutait une représentation du « Cardinal d’Espagne » avec
ses petits camarades de la rue d’Ulm, ignore à quel point Montherlant
fut son précurseur lorsque, dès « La relève du matin » (1920), il
avertissait : « Vous travaillez à l’avènement d’un nouveau mal social,
l’adolescentisme, si vous voulez, ou le juvénilisme, mal qui
provoquerait vite une conception du monde où la jeunesse serait
considérée comme tabou, le fait d’être mineur comme une preuve
suffisante qu’on a raison. »
En août 1941, le même Montherlant refusait
les émissions qu’on lui proposait sur « Radio Jeunesse » : « Ainsi notre
jeunesse, moins par sa faute que par celle de ses encenseurs
intéressés, contribue en bonne place à l’hébétude de notre esprit
critique et à l’abaissement du goût. » Au demeurant, le jeunisme, comme
le féminisme, a le triste destin de changer l’or en plomb. Régis Debray
découvrirait-il que c’est par amour de l’art qu’il a fait de la
politique, rançon d’une « éducation intellectuelle » ? Il me souvient
qu’il ne rechigna pas, lors d’un échange hautement intellectuel à
Combourg, d’être titré « réactionnaire de progrès » par Marc Fumaroli.
Cette position n’a rien d’une pose.
C’est l’aboutissement d’une vie
quelque peu romanesque, passée d’une jeunesse guévariste à un « À demain
de Gaulle » de l’âge mûr, jusqu’à la mélancolie qu’il éprouve
aujourd’hui lorsque personne n’est à ce rendez-vous, surtout pas ses
amis d’antan. Il déplore : « Comment se fait-il, par exemple, que
l’enseignement du fait religieux dans l’école publique ait été récusé
comme vieillot par nos autorités gouvernementales, qui jugent sans doute
plus moderne l’ignorance pure et simple dudit fait, dédain qui arme le
bras des assassins ? Vincent Peillon a d’autres préoccupations. Régis
Debray ajoute avec tristesse : « Tous les matins, l’humanité avance un
peu plus dans la connaissance et, toutes les nuits, elle régresse dans
ses rêves et ses désirs. » Quand on s’en est tant préoccupé, on ne peut
s’abstraire tout à fait de la vie de la cité ; surtout, on n’existe que
par sa langue, qui l’exprime.
L’auteur ajoute qu’« il avait scruté les
suppléments radio-télé pour ne pas rater les rendez-vous de la semaine,
l’actualité politique lui semblait chaque année plus falote et les
importants du jour normaux à pleurer », jusqu’à ce qu’il soit « devenu
clair que le jeunisme est l’ennemi numéro un des jeunes », et que « le
culte de la facilité cher aux pouvoirs en place ne leur prépare pas un
bel avenir ». Avec l’ange noir de la mélancolie, Régis Debray mène ici
un ultime combat, usant de métaphores, d’espiègleries, conseillant de
coller des affichettes dans le métro proclamant qu’ « il faut être
absolument antimoderne », et tentant enfin d’allier optimisme et
désespoir dans l’illusion qu’il puisse encore nous arracher à notre
nostalgie. Courage, Régis, ils nous auront !
Autre article recommandé : Sylvie Fernoy, "Retour de flamme." - Royaliste, 5 janvier 2014.
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