mardi 2 février 2016

un livre que je n'ai pas encore lu ; Privilèges de l'âge mûr

Privilèges
de l'âge mûr
 
 
 
  DEBRAY Régis Le bel âge
 
IDEES
Le bel âge
Régis Debray.
Flammarion.
Avril 2013.
107 pages.
 

   
Régis Debray, né en 1940, est philosophe et écrivain. Il dirige la revue trimestrielle Médium, consacrée aux arts, savoirs et techniques de la transmission. Il a récemment publié : Eloge des frontières (Gallimard, 2010), Du bon usage des catastrophes (Gallimard, 2011), Jeunesse du sacré (Gallimard, 2012), Rêverie de gauche (Flammarion 2012), Modernes catacombes (Gallimard, 2013).
 
Présentation de l'éditeur.
"Un pays frileux et à l'âme vieillissante est-il condamné au culte de la jeunesse? " s'interroge Régis Debray. Ce pamphlet fournit une analyse de la société contemporaine. L’auteur met en évidence un culte voué à l’instant présent, sitôt énoncé, sitôt oublié, et où paradoxalement le vintage est à la mode. Il montre la nécessité de savoir se retourner sur son passé pour créer et pour vivre, que ce soit dans le champ politique ou le monde de la culture. 
 
Le point de vue de La Revue Critique.
Plus qu'à une critique du "jeunisme", c'est à une réflexion sur le temps et sur les relations entre générations que nous convie Régis Debray. L'omniprésence de l'information, l'idéalisation du présent, la recherche effrénée de la performance, la dictature du résultat immédiat, tout nous pousse à oublier que les choses difficiles se font dans la lenteur et qu'elles nécessitent mémoire et enracinement. Si le monde occidental connait un vieillissement prématuré, c'est parce qu'il est grisé par la vitesse et fasciné par l'accessoire. A la jeunesse, faussement adulée et qui en est en réalité la triste victime de notre époque, de réagir, d'organiser le ralentissement du monde et de préparer, par là même, son réenchantement. C'est à une révolution qu'appelle Régis Debray, mais à une révolution tranquille, où la lecture attentive, la saine digestion des idées et le goût des grandes aventures intellectuelles auront toute leur place. Le bel âge, n'est-ce pas celui où l'on retrouve les beaux élans de sa jeunesse ?
Paul gilbert.
 
L'article de Philippe de Saint-Robert. - Service littéraire. - juin 2013.
Ras le bol du jeunisme ! Régis Debray nous avait avertis : « le médiologue se meuble en ancien ». Avec « Le bel âge », il s’agit d’arracher la nostalgie « aux arts d’agrément, lui enlever son parfum de violette et lui rendre son grondement de forge ». Parvenu à ce bel âge qu’est la septantaine, Debray éprouve l’exaspération que donne aux âmes bien formées les politiciens et les plumitifs qui les relaient dès qu’ils font le trottoir de la jeunesse dans l’illusion de récolter des voix et des articles élogieux. Régis Debray qui, dans sa jeunesse, chahutait une représentation du « Cardinal d’Espagne » avec ses petits camarades de la rue d’Ulm, ignore à quel point Montherlant fut son précurseur lorsque, dès « La relève du matin » (1920), il avertissait : « Vous travaillez à l’avènement d’un nouveau mal social, l’adolescentisme, si vous voulez, ou le juvénilisme, mal qui provoquerait vite une conception du monde où la jeunesse serait considérée comme tabou, le fait d’être mineur comme une preuve suffisante qu’on a raison. » 
 
En août 1941, le même Montherlant refusait les émissions qu’on lui proposait sur « Radio Jeunesse » : « Ainsi notre jeunesse, moins par sa faute que par celle de ses encenseurs intéressés, contribue en bonne place à l’hébétude de notre esprit critique et à l’abaissement du goût. » Au demeurant, le jeunisme, comme le féminisme, a le triste destin de changer l’or en plomb. Régis Debray découvrirait-il que c’est par amour de l’art qu’il a fait de la politique, rançon d’une « éducation intellectuelle » ? Il me souvient qu’il ne rechigna pas, lors d’un échange hautement intellectuel à Combourg, d’être titré « réactionnaire de progrès » par Marc Fumaroli. Cette position n’a rien d’une pose. 
 
C’est l’aboutissement d’une vie quelque peu romanesque, passée d’une jeunesse guévariste à un « À demain de Gaulle » de l’âge mûr, jusqu’à la mélancolie qu’il éprouve aujourd’hui lorsque personne n’est à ce rendez-vous, surtout pas ses amis d’antan. Il déplore : « Comment se fait-il, par exemple, que l’enseignement du fait religieux dans l’école publique ait été récusé comme vieillot par nos autorités gouvernementales, qui jugent sans doute plus moderne l’ignorance pure et simple dudit fait, dédain qui arme le bras des assassins ? Vincent Peillon a d’autres préoccupations. Régis Debray ajoute avec tristesse : « Tous les matins, l’humanité avance un peu plus dans la connaissance et, toutes les nuits, elle régresse dans ses rêves et ses désirs. » Quand on s’en est tant préoccupé, on ne peut s’abstraire tout à fait de la vie de la cité ; surtout, on n’existe que par sa langue, qui l’exprime. 
 
L’auteur ajoute qu’« il avait scruté les suppléments radio-télé pour ne pas rater les rendez-vous de la semaine, l’actualité politique lui semblait chaque année plus falote et les importants du jour normaux à pleurer », jusqu’à ce qu’il soit « devenu clair que le jeunisme est l’ennemi numéro un des jeunes », et que « le culte de la facilité cher aux pouvoirs en place ne leur prépare pas un bel avenir ». Avec l’ange noir de la mélancolie, Régis Debray mène ici un ultime combat, usant de métaphores, d’espiègleries, conseillant de coller des affichettes dans le métro proclamant qu’ « il faut être absolument antimoderne », et tentant enfin d’allier optimisme et désespoir dans l’illusion qu’il puisse encore nous arracher à notre nostalgie. Courage, Régis, ils nous auront !   
 
Autre article recommandé : Sylvie Fernoy, "Retour de flamme." - Royaliste, 5 janvier 2014. 
 

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