L’inégalité humaine du transhumanisme
Regards Sur Le Numérique traite avec Marc Roux en invité de l’inégalité sociale et sociétale que pourrait engendrer le transhumanisme dont nous avions déjà parlé ici alors que le Dr Laurent Alexandre s’était déjà emparé du sujet.
La question du transhumanisme, une
fois de plus, ne se pose pas. Il n’est pas question de savoir si c’est
bien ou si c’est pas bien, si on doit l’accepter ou pas, il arrive,
point. Donc on doit l’accepter. Si on est pour, on est heureux, si on
est contre, ben on fait avec, ce n’est pas un choix.
…Mais où Marc Roux (et les
transhumanistes) se trompe, c’est que le transhumanisme créera bel et
bien de l’inégalité sociale et sociétale et ce même si les gains de
productivité sont répartis dans la population. Cette inégalité viendra
de l’Homme lui-même, de sa nature.
La nature humaine commande et impose
Je suis, à titre personnel, intimement
convaincu que le transhumanisme créera de l’inégalité, obligatoirement,
même si la société est dûment organisée pour être équitable. Tout
simplement parce que certains feront de la résistance, comme on peut le
lire dans mon échange édifiant sur Facebook, ici et là,
refuseront d’être augmentés et, de fait se distanceront de ceux qui le
seront qui, supérieurs, seront les maîtres de la société qu’ils
organiseront en conséquences de leurs nouvelles capacités. De manière si
complexe qu’elle se révélera de plus en plus inaccessible aux
non-augmentés qui se marginaliseront et seront contraints de s’isoler et
d’organiser leur propre micro-société.
Les transhumanistes sont passionnés et non objectifs
In fine, le transhumanisme est porté par
des exaltés qui n’y voient que des avantages et se justifient en
prônant l’égalité, mais en niant la nature humaine profonde.
Dans leur esprit, les transhumanistes se
voient déjà augmentés (vu mon état de santé, je dois dire que je tends à
songer à me transhumaniser, je n’ai pas encore tout fait sur cette
Terre, même si aujourd’hui je suis isolé) et c’est avec cet esprit
qu’ils jaugent la société de manière irrationnelle et, finalement, c’est
plus pour défendre le transhumanisme qu’ils se posent en justiciers
sociaux que pour défendre la justice sociale elle-même, parce que, de
toute façon, cela fait 40 ans que les gains de productivité auraient dû
être équitablement redistribués.
Le pékin moyen n’est pas -toujours- une lumière
Et, n’ayons pas peur des mots : l’Homme,
en tous cas le non-augmenté, est con! Con jusqu’à préférer mourir
plutôt que de risquer d’être augmenté et de vivre. Ceux qui me
connaissent savent à quel point j’ai confiance en l’adaptabilité de
l’humanité, mais quand je lis les commentaires des fils de Metronews ou
BFMTV sur Facebook, honnêtement…je doute un peu quand même. J’ai beau
savoir que la Loi de Pareto nous apprend que 80% de la valeur est
constitué par 20% des stocks (et donc 80% de l’intelligence n’est
représenté que par 20% de la population), ça pose quand même clairement
le problème.
Des tensions naturelles grandiront
A partir de là, les non-augmentés, ceux
que j’appelle « les basiques », devenant inférieurs et marginalisés
concevront de la haine envers les augmentés et les combattront. En tant
qu’augmenté, on ne périra plus de mort naturelle, mais notre immortalité
sera compromise par les attentats des non-augmentés.
En réplique, les augmentés couperont les
vivres aux basiques, installant de facto une inégalité économique, que
les premiers justifieront par un moyen de légitime défense et les
seconds par une oppression.
Exemples concrets, sociétalement très similaires
Pour avoir une petite idée du concept,
il suffirait de prendre l’exemple d’Israël et la Palestine, un exemple
que je ne choisis pas au hasard. Israël s’impose, il est là, on peut
soit décider de l’accepter, soit décider de s’y opposer et subir. Les
premiers, les israéliens, avec leur technologie et leur organisation
occidentale, étant les augmentés et les seconds les basiques, les
palestiniens, qui vivent du petit élevage, de la production d’olives
selon des méthodes ancestrales. Israël est une société complexe,
difficilement accessible au mortel palestinien qui vivait là avant de se
faire coloniser. Israël aura beau tenter de tendre la main au colonisé
(et je ne dis pas qu’il le fait, je ne porte pas de jugement de valeur
en le cas d’espèce), confronté à la complexité de cette société qu’il
refuse, le colonisé ne pourra que se sentir inférieur et refuser cette
évolution qu’il n’a jamais demandé et qui le contraint dans sa vie, le
poussant à se battre pour retarder autant que faire se peut
l’inéluctable, risquant d’entraîner sa propre perte, Israêl étant le
plus fort. Ceci hors de toute considération morale sur la légitimité ou
non de l’Etat d’Israël. Au sein d’Israël, de nombreux arabes ont
accepté, au nom de la paix et pour avancer, de vivre avec Israël plutôt
que contre Israël mais ils représentent pour la plupart les couches
inférieures de la société israélienne qui les domine et les écrase.
D’autres exemples ne manquent pas, comme
les espagnols qui débarquèrent en Amérique centrale ou l’histoire des
Peaux-rouges en Amérique du Nord. Les descendants de ces peuples
existent toujours, les descendants de ceux qui ont accepté la présence
occidentale. Les autres, qui ne l’ont pas acceptée, ont combattu
l’envahisseur qui était beaucoup plus fort qu’eux. Les premiers ont
survécu, mais constituent encore souvent aujourd’hui les couches les
plus fragiles de la société et leur représentation devient chaque jour
moins évidente, jusqu’à leur disparition complète, absorbé par un modèle
de société qu’ils n’auront jamais pleinement intégré.
Tout comme pour le transhumanisme, la
question ne se pose pas : il est là, c’est tout. Ceux qui l’acceptent
s’intègrent dans ce nouvel environnement, ceux qui ne l’acceptent pas se
marginalisent en tentant de survivre ou le combattent, jusqu’à
extinction. De s’avouer vaincu et d’accepter serait plus simple pour
tout le monde, mais ceux qui se perçoivent comme des victimes et ceux
qui se perçoivent comme des vainqueurs ont toujours une autre vision de
la chose.
Bien sûr, me direz-vous, les augmentés
ne vont pas expulser les basiques, mais pourtant si, par une
colonisation sourde de la société. Où les augmentés décideront de
s’installer, même bien intentionnés envers les non-augmentés, ces
derniers devront reculer. Les augmentés constituent une nouvelle société
qui grandira au sein de la société existante qui marginalisera ceux qui
refusent de l’être.
Le temps et l’évolution aggraveront la situation
Et comme toute cette transition se
produira sur des décennies, voir des siècles, les augmentés se
transformant progressivement en se rapprochant des machines, la peur
s’ajoutera à la haine chez les basiques, de plus en plus faibles,
physiquement et intellectuellement, creusant l’écart comme aujourd’hui
le fait déjà le fossé riches-pauvres et donc de plus en plus solidaires
entre eux et le conflit ne pourra qu’augmenter jusqu’à leur disparition.
Homo Sapiensis a disparu depuis longtemps au profit d’Homo Urbanis,
aujourd’hui remplacé par Homo Numericus qui fera place progressivement à
Homo Cyberneticus. Les basiques seront alors à l’Homme du futur ce que
hier Néandertal était à Sapiens.
Alors, oui, il faudra bien répartir les
gains de productivité sur l’ensemble de la population et veiller à ce
que tous accèdent à l’augmentation physiologique du transhumanisme…mais
voilà, ils ne l’accepteront pas tous, même si la société se voulait
équitable !
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